Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 29/04/2015, 375052, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales (droits et pénalités) auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006. Par un jugement n° 1001243 du 29 mai 2012, le tribunal administratif de Nancy a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 12NC01303 du 28 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a partiellement fait droit à l'appel formé contre le jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif de Nancy par le ministre de l'économie et des finances et remis à la charge de M. A... une partie des impositions litigieuses.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 2 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12NC01303 du 28 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Nancy en ce qu'il lui est défavorable ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter entièrement l'appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. B...A...;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la vérification de comptabilité, portant sur les exercices clos en 2004, 2005 et 2006, de la SARL Réflexions et Action, des redressements ont été notifiés à M. A... qui détenait 45 % des parts de la société et en était le co-gérant. Par un jugement du 29 mai 2012, le tribunal administratif de Nancy a fait droit à la demande de M. A... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités correspondantes, résultant de ces redressements, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 novembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'économie et des finances contre le jugement du 29 mai 2012 du tribunal administratif de Nancy, a remis à sa charge une partie des impositions litigieuses.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur le redressement notifié dans la catégorie des bénéfices non commerciaux :

2. Pour contester le bien-fondé du redressement notifié, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre des années 2005 et 2006, M. A... avait invoqué devant le tribunal administratif non seulement l'incompatibilité de l'article 155 A avec le droit communautaire mais aussi les moyens tirés du caractère irrégulier de la procédure de taxation d'office suivie à son encontre et de ce qu'il n'entrait pas dans le champ de cet article. En remettant à la charge du contribuable les impositions supplémentaires afférentes à ce redressement au motif que le moyen d'inconventionnalité de l'article 155 A du code général des impôts retenu par le tribunal n'était pas fondé, sans se prononcer sur les autres moyens de première instance, qui n'étaient pas inopérants, contestant le bien-fondé de ce redressement, la cour a méconnu l'effet dévolutif de l'appel et entaché sa décision d'une insuffisance de motivation.

3. Au surplus, dans ses écritures devant le tribunal administratif, M. A... a présenté des conclusions tendant à la décharge des pénalités dont avaient été assortis les suppléments d'impôts résultant du redressement mentionné au 2 en soutenant que l'application de ces pénalités n'était pas fondée. En rétablissant les droits déchargés par le tribunal ainsi que, par voie de conséquence, les pénalités correspondantes à ces droits, sans se prononcer sur le moyen de première instance propre aux pénalités, la cour a méconnu l'effet dévolutif de l'appel et entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur le redressement notifié dans la catégorie des traitements et salaires :

4. Il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13 et 83 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui sont mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement soit par voie d'inscription à un compte courant ou un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société qui l'emploie, dès lors, dans ces deux derniers cas, que le créancier de la somme est un dirigeant de la société ayant déterminé la décision d'inscrire dans les comptes sociaux la somme qui lui est due et que le retrait effectif de la somme au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition n'est pas rendu impossible, en fait ou en droit, par des circonstances telles que, notamment, la situation de trésorerie de la société, les circonstances matérielles du retrait ou les modalités de détermination du montant exact de la somme susceptible d'être retirée.

5. D'une part, après avoir relevé que M. A... était cogérant de la SARL Réflexions et Actions et possédait 45 % des parts sociales de la société, la cour a en a déduit qu'il avait participé de façon déterminante à la décision d'inscrire en compte de charges à payer, dans le bilan clos au 31 décembre 2004, des rétrocessions d'honoraires que lui devait la société. D'autre part, ayant estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction et que M. A... n'alléguait pas que la situation de la trésorerie de la société aurait rendu impossible le prélèvement de la somme litigieuse inscrite en charge à payer au titre de l'année 2004, la cour a jugé que l'administration fiscale était en droit d'imposer cette somme entre les mains de M. A... dans la catégorie des traitements et salaires en application des dispositions des articles 12 et 62 du code général des impôts. En statuant ainsi, la cour, qui n'a pas dénaturé les écritures du contribuable et qui n'avait pas à rechercher si, selon l'intention des associés cogérants, l'inscription en charge à payer de la somme litigieuse valait paiement ou si les factures ayant donné lieu au versement d'honoraires litigieux avaient été réglées à la société, n'a pas commis d'erreur de droit et a exactement qualifié les faits.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a statué sur les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que sur les pénalités correspondantes relatifs au redressement notifié dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre des années 2005 et 2006.

Sur les conclusions présentées par M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 28 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il a statué sur les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que sur les pénalités correspondantes relatifs au redressement notifié dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre des années 2005 et 2006.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation énoncée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... et au ministre des finances et des comptes publics.

ECLI:FR:CESJS:2015:375052.20150429
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