Conseil d'État, 2ème / 7ème SSR, 20/02/2015, 385408

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 octobre et 28 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme B...F..., demeurant ... ; Mme F... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1401051,1401113 du 30 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur sa protestation et celle présentée par M. E..., a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Saint-André-de-Cubzac (Gironde) ;

2°) de prononcer la nullité des 911 voix obtenues par la liste "Demain Saint-André" lors des opérations électorales du 23 mars 2014 ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Vassallo-Pasquet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;





1. Considérant qu'en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article LO 247-1 du code électoral, applicables aux communes qui comptent plus de 1 000 habitants, " les bulletins de vote imprimés distribués aux électeurs comportent, à peine de nullité, en regard du nom des candidats ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, l'indication de leur nationalité " ; qu'il résulte des termes mêmes de cet article que l'omission sur les bulletins de vote de l'indication de la nationalité des candidats ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France entache, à elle seule, ces bulletins de nullité ;

2. Considérant qu'à l'issue du scrutin organisé le 23 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-André-de-Cubzac (Gironde), qui compte 10 092 habitants, la liste conduite par Mme F...a obtenu 2 034 voix et 23 sièges au conseil municipal, celle conduite par M. A...911 voix et 3 sièges et celle conduite par M. E...850 voix et 3 sièges ; que Mme F...et M. E...ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux de deux protestations, faisant valoir que les bulletins de la liste conduite par M. A...n'indiquaient pas la nationalité espagnole d'une des candidates de la liste et qu'ils devaient en conséquence être tenus pour nuls ; que le tribunal administratif, accueillant ce grief, a prononcé pour ce motif l'annulation de l'ensemble des opérations électorales s'étant déroulées dans la commune le 23 mars 2014 ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les bulletins de vote de la liste conduite par M. A...ne mentionnaient pas la nationalité espagnole de la candidate inscrite en vingt-quatrième position sur cette liste ; que cette omission ne résulte d'aucune manoeuve frauduleuse ; qu'en dépit de la nullité dont les bulletins étaient entachés, les 911 suffrages qui se sont portés sur la liste conduite par M. A...ont été pris en compte dans le dépouillement et ont conduit à ce que cette liste obtienne trois sièges au conseil municipal ; que l'irrégularité résultant de la prise en compte de ces bulletins qui auraient dû être tenus pour nuls a été ainsi de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

4. Considérant que, saisi par les protestations que lui avaient soumises Mme F... et M.E..., qui faisaient valoir que les bulletins de la liste conduite par M. A... auraient dû être tenus pour nuls et qui demandaient au tribunal de prononcer la nullité des 911 suffrages s'étant portés sur cette liste, le tribunal administratif de Bordeaux était nécessairement, et à tout le moins, saisi de conclusions tendant à l'annulation de l'élection des trois candidats de la liste de M. A...proclamés élus en qualité de conseiller municipal ; qu'il appartenait dans un tel cas au tribunal administratif, dès lors qu'il jugeait que l'irrégularité commise était de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin, de prononcer, eu égard au mode de scrutin applicable dans les communes de plus de 1 000 habitants, l'annulation de l'ensemble des opérations électorales quand bien même une telle annulation n'aurait pas été demandée par les protestataires ; que, par suite, Mme F...n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif, en prononçant l'annulation des opérations électorales dans leur ensemble, aurait à tort statué au-delà des conclusions dont il était saisi ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les opérations électorales s'étant déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Saint-André-de-Cubzac ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros " ; que la faculté ouverte par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. A...tendant à ce que Mme F... soit condamnée sur le fondement de ces dispositions ne sont pas recevables ;

7. Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par M. A...à ce même titre ;



D E C I D E :
--------------

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A...sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...F..., à M. C...A..., à M. D... E...et au ministre de l'intérieur.



ECLI:FR:CESSR:2015:385408.20150220
Retourner en haut de la page