Conseil d'État, 9ème SSJS, 22/10/2014, 382441, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Salins-les-Bains en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires. Par les articles 1er et 3 du jugement n°s 140472 et 140580 du 10 juin 2014, le tribunal administratif de Besançon a fait droit à sa protestation.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 10 juillet et 11 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 3 du jugement n°s 140472 et 140580 du 10 juin 2014 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter la protestation de M.B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. A...;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 octobre 2014, présentée par M. B... ;



1. Au premier tour des élections municipales et communautaires qui se sont déroulées à Salins-les-Bains le 23 mars 2014, la liste " Agir et réussir pour Salins ", menée par M. C...A..., a obtenu 595 voix et la liste " Salinois, pour vous et avec vous " conduite par M. D...B...587 voix. M. A...relève appel du jugement du 10 juin 2014 du tribunal administratif de Besançon en tant que, par son article 1er il a annulé ces opérations électorales et, par son article 3, il a rejeté ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 49 du code électoral : " A compter de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ". Pour annuler les opérations électorales du 23 mars 2014, le tribunal administratif de Besançon a relevé qu'un document de quatre pages intitulé " Avec Jacques B...et son équipe, Salins se meurt ", qui contenait des éléments nouveaux de polémique électorale, avait été distribué le vendredi 21 mars au matin et pendant une partie de la nuit du vendredi au samedi, sans qu'il résulte de l'instruction que la liste de M. B... ait pu y répondre par la seule distribution, dans l'après-midi du même jour, d'un document-programme. Il a encore relevé qu'à la diffusion de ce premier tract a succédé celle, dans la soirée du vendredi et le lendemain, d'un second tract, intitulé " Maintenant l'avenir de Salins c'est avec vous ", constitué d'une seule feuille reprenant de manière synthétique certains des éléments de polémique électorale du premier tract et interpellant notamment en ces termes les candidats de la liste adverse : " (...) Qui sont ces donneurs de leçons, dont la consommation de petits fours et de crémant n'a d'égale que leur incapacité à venir en aide aux plus démunis. A TABLE, les donneurs de leçons !!! (...) ". Le tribunal administratif en a déduit que les diffusions de ces tracts, aux dates auxquelles elles ont eu lieu, et compte tenu du très faible écart de voix séparant les deux listes, avaient été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

3. Il résulte, toutefois, de l'instruction, en premier lieu, que si la thématique de l'augmentation à venir du prix du contrat d'abonnement d'eau, dans le premier tract et celle, dans les deux tracts, de la stagnation du budget du centre communal d'action sociale, demeurant.inférieur au montant des crédits de fêtes et de réception, ont été abordées par les documents litigieux avec une précision nouvelle, dans la mesure où le premier tract présentait des données chiffrées, et de manière polémique, ces deux documents ne peuvent, cependant, être regardés comme ayant apporté des éléments nouveaux au débat électoral En deuxième lieu, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il ne résulte pas de l'instruction, s'agissant du second tract, et il n'est pas même allégué, s'agissant du premier, que leur diffusion se serait poursuivie après zéro heure la veille du scrutin, en méconnaissance des dispositions, citées au point 2, de l'article L. 49 du code électoral. En troisième lieu, à supposer même que la dernière page du document-programme diffusé par la liste " Salinois, pour vous et avec vous " conduite par M. B...dans l'après-midi du vendredi, intitulée " Halte aux phrases toutes faites et aux attaques infondées ", n'ait pas eu pour objet de répliquer aux propos tenus par la liste adverse dans le document de quatre pages diffusé dans la matinée du même jour, il ne résulte pas de l'instruction que la liste menée par M. B...aurait été dans l'impossibilité matérielle de répondre aux propos du premier tract dans la journée du vendredi. En quatrième lieu, s'agissant du second tract, la critique des niveaux respectifs des crédits de fêtes et cérémonies et de ceux accordés au centre communal d'action sociale, reprise, par un grief non distinct de celui formé au sujet du premier tract, dans une formulation imagée et provocatrice, n'excède cependant pas les limites habituelles de la polémique électorale. Ainsi, malgré le très faible écart de voix séparant les deux listes, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur le grief tiré de la diffusion de ces tracts pour annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Salins-les-Bains.

4. Il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs invoqués devant le tribunal administratif par M. B...à l'appui de sa protestation.

5. En premier lieu, M. B...soutient que le délégué de la liste adverse aurait outrepassé son rôle d'observateur des opérations électorales en intervenant activement auprès des électeurs le jour du scrutin. Ce grief ne peut toutefois être regardé comme établi par la seule attestation du maire sortant, rédigée en des termes insuffisamment précis et non corroborée par le procès-verbal de l'élection, lequel a été signé sans observations ni réserves par les membres du bureau de vote, dont le président est d'ailleurs l'auteur de l'attestation.

6. En deuxième lieu, M. B...soutient que des candidats de la liste de M. A... auraient exercé des pressions sur les électeurs en les interpellant devant le bureau de vote. Cependant, il ne résulte pas de l'instruction que ces interpellations, à les supposer avérées, auraient constitué une pression sur les électeurs.

7. En troisième lieu, M. B...fait valoir qu'un commentaire accusateur a été posté par un internaute, le jour du scrutin, aux environs de 14 heures, sur la page " Facebook " de la liste qu'il conduisait et que le contenu de ce commentaire, inspiré par la liste adverse, aurait eu pour effet de fausser les résultats du scrutin. Toutefois, eu égard à la diffusion limitée de ce commentaire et à la rapidité de sa mise hors ligne, celui-ci n'a pu avoir, par lui-même, un tel effet.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la protestation de M. B...doit être rejetée. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme qu'il demande au titre de ces dispositions soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme demandée par M. A...au titre des mêmes dispositions.



D E C I D E :
--------------

Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement du 10 juin 2014 du tribunal administratif de Besançon sont annulés.
Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Salins-les-Bains sont validées.
Article 3 : La protestation de M.B..., ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la requête de M. A...sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... A...et à M. D... B.inférieur au montant des crédits de fêtes et de réception, ont été abordées par les documents litigieux avec une précision nouvelle, dans la mesure où le premier tract présentait des données chiffrées, et de manière polémique, ces deux documents ne peuvent, cependant, être regardés comme ayant apporté des éléments nouveaux au débat électoral
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

ECLI:FR:CESJS:2014:382441.20141022
Retourner en haut de la page