Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 20/11/2014, 13BX03194, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée sous forme de télécopie le 29 novembre 2013 et régularisée par courrier le 2 décembre 2013, présentée pour la société par actions simplifiée STIA, dont le siège social est situé zone industrielle de la Chauve-Pied de Doux, à Doux (79390), par Me B...A... ;
La SAS STIA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101062-1 du 3 octobre 2013 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 6 222 euros, en réparation du préjudice financier qu'elle a subi du fait de la restitution tardive des droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2000, grevant des dépenses de péage ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 222 euros au titre du préjudice qu'elle a subi du fait de cette restitution tardive ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, et son premier protocole additionnel ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :

-le rapport de M. Olivier Mauny, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;


1. Considérant que la SAS STIA a réclamé, en décembre 2005, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée grevant des dépenses de péage qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2000 ; qu'il n'est pas contesté que la société a ensuite porté cette TVA déductible sur sa déclaration de chiffre d'affaires du mois de février 2006, sans attendre la réponse expresse ou implicite de l'administration à sa réclamation ; que le 27 décembre 2010, elle a demandé le versement d'intérêts moratoires ainsi que le paiement d'une indemnité en réparation de son préjudice financier, pour 14 262 euros, au motif qu'elle aurait été privée pendant plus de dix ans du droit à déduction de cette taxe sur la valeur ajoutée du fait de l'action de l'administration qui aurait incité en février 2001 et en janvier 2003 les sociétés concessionnaires d'autoroute à ne pas délivrer de factures rectificatives, nécessaires à l'exercice de cette déduction ; que le 22 mars 2011, le directeur départemental des finances publiques des Deux-Sèvres a rejeté sa demande ; qu'elle a saisi le 18 mai 2011 le tribunal administratif de Poitiers d'une requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser des intérêts moratoires ou des indemnités en réparation du préjudice procédant d'une récupération tardive de cette taxe sur la valeur ajoutée ; que par jugement n°1101062-2 du 3 octobre 2013, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête de la société ; que la SAS STIA relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant d'une récupération tardive de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2000 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes les actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice du droit à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre dans sa rédaction alors applicable : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) c) de la réalisation de l'évènement qui motive la réclamation (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l 'article L. 208 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Quand l'État est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés " ; qu'il résulte de ces dispositions que les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée obtenus par une société après le rejet par l'administration d'une réclamation ont le caractère de dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal au sens de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, et doivent, dès lors, donner lieu au paiement d'intérêts moratoires ;
3. Considérant, en premier lieu, que la SAS STIA qui a imputé sur sa déclaration de chiffre d'affaires du mois de février 2006 la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses de péage qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2000, ne réclame plus le bénéfice des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; qu'elle se prévaut en revanche de la faute qu'aurait commise l'administration en incitant, par des courriers de 2001 et 2003, les sociétés concessionnaires d'autoroute à ne pas délivrer les factures rectificatives nécessaires à l'exercice de son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ses dépenses de péage, et d'un préjudice de trésorerie procédant de l'indisponibilité du montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible sur une période de cinq années, entre le mois de février 2001 et le mois d'avril 2006, date à laquelle l'administration fiscale a validé le système mis en place par les sociétés concessionnaires d'autoroute pour l'établissement desdites factures rectificatives ; que, toutefois, alors que les courriers des 27 février 2001 et 15 janvier 2003 ne faisaient pas obstacle à ce que la SAS STIA présentât une réclamation sur le fondement de l'article L. 190 précité, il est constant que la société n'a engagé de démarche auprès de l'administration fiscale aux fins de récupération de la taxe sur la valeur ajoutée déductible qu'au mois de décembre 2005 ; que, surtout, la société, qui n'avait d'ailleurs présenté devant le tribunal administratif de conclusions indemnitaires que subsidiairement à celles relatives aux intérêts moratoires, n'établit pas l'existence d'un préjudice distinct de celui qui est susceptible d'être réparé par l'octroi d'intérêts moratoires, en se prévalant d'un préjudice de trésorerie procédant de l'indisponibilité des sommes litigieuses ; qu'eu égard au caractère exclusif des règles de procédure particulières fixées par le législateur pour les contestations ayant cet objet, la demande de la SAS STIA ne peut qu'être rejetée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ;
5. Considérant, d'une part, que la société requérante ne saurait prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la requérante ait démontré l'existence de cette espérance légitime ; que, d'autre part, les articles L. 190 et L. 208 du livre des procédures fiscales, en ce qu'elles garantissent au contribuable la possibilité d'obtenir dans un délai raisonnable la restitution d'impositions indûment acquittées, assortie d'intérêts moratoires, n'avaient pas pour effet de rendre excessivement difficile l'exercice des droits ouverts à ce titre aux redevables, et qu'il résulte de ce qui précède que la société s'est placée elle-même dans une situation où elle ne pouvait pas prétendre au versement des sommes qu'elle réclame ; qu'elle n'est par suite pas fondée à soutenir que l'absence de paiement de ces sommes par l'Etat serait contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre, que la SAS STIA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages et intérêts ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la SAS STIA demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS STIA est rejetée.

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No 13BX03194



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