Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 14/11/2014, 13NT01496, Inédit au recueil Lebon
Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 14/11/2014, 13NT01496, Inédit au recueil Lebon
Cour Administrative d'Appel de Nantes - 3ème Chambre
- N° 13NT01496
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
14 novembre 2014
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2013, présentée pour M. C... B..., M. A... B...et Mme D... B..., demeurant..., par Me Picard, avocat au barreau de Versailles ; M. B... et ses parents demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 10-10103 du 21 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme globale de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des échecs de M. C... B...à l'examen du brevet de technicien supérieur (BTS) dans la spécialité de " géomètre-topographe " au titre des sessions 2006 et 2009 ;
2°) de condamner l'Etat à verser :
- à M. C... B..., la somme globale de 20 000 euros, assortie des intérêts,
- à M. A... et Mme D...B..., ses parents, la somme globale de 40 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le bénéfice du droit à l'éducation ne disparaît pas à l'âge de 16 ans pour les personnes handicapées ;
- il n'a pu bénéficier d'un nombre d'heures de soutien suffisant ;
- son absentéisme aux cours était justifié par l'absence d'interprète en langue des signes ;
- il s'est vu refuser la possibilité de choisir la langue des signes comme épreuve optionnelle ;
- la violation de ces droits ne l'a pas mis en mesure d'obtenir le diplôme qu'il préparait ;
- il n'a pas reçu de convocation aux fins de subir en qualité de candidat libre les épreuves de BTS du mois de juin 2009 ;
- aucun interprète n'était prévu le jour de l'examen ;
- c'est en raison de la carence de l'administration en matière de moyens mis à sa disposition qu'il a perdu toute chance d'obtenir son diplôme et de poursuivre l'accomplissement de son projet professionnel ;
- son préjudice moral résultant de ses échecs, qui l'ont privé de toute intégration dans la vie professionnelle et de toute socialisation, doit être évalué à 10 000 euros ;
- la perte de chance de réussir son BTS doit être fixé à 10 000 euros ;
- le préjudice moral de ses parents sera évalué à 5 000 euros chacun ;
- après avoir connu des difficultés liées à la recherche d'un établissement acceptant de recevoir leur fils, ses parents se sont heurté aux carences du système éducatif s'agissant de préparer le passage vers la vie professionnelle et ont subis des troubles dans leur condition d'existence représentant un préjudice pouvant être évalué à 30 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 9 juillet 2014 au recteur de l'académie de Nantes, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire enregistré le 11 août 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- les dispositions de l'article L. 131-1 du code de l'éducation n'a pas pour effet d'étendre l'obligation d'instruction au bénéfice des adultes quant bien même ils seraient atteints d'un handicap ;
- au demeurant, M. B... qui était majeur en 2004-2005, a pu poursuivre sa scolarité ;
- aucune disposition du code de l'éducation ne met à la charge de l'Etat un soutien par l'intermédiaire d'un assistant d'éducation pour les adultes handicapés ;
- les dispositions de l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles n'ont été introduites qu'en 2005 par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
- l'intéressé a bénéficié d'une aide dispensée par l'Urapeda en 2005-2006 ;
- M. B... ne pouvait se dispenser de suivre les cours et ses parents n'établissent pas avoir demandé un interprète en langue des signes ;
- l'application de la loi du 11 février 2005 prévoyant que la langue des signes pouvait être choisie comme épreuve optionnelle n'a été rendue possible pour les BTS que par l'intervention de l'arrêté du 14 février 2011 ;
- le recteur de l'académie a démontré avoir adressé une convocation à M. B..., lequel s'est présenté à certaines épreuves ;
- les requérants n'établissent pas que le candidat aurait demandé à bénéficier de l'assistance à laquelle il avait droit pour passer les épreuves ;
- M. B... n'apporte pas la preuve d'une perte de chance sérieuse de réussite ;
- le montant sollicité à titre de réparation est manifestement exagéré ;
- les conclusions d'appel en ce qu'elles excèdent celles de première instance sont irrecevables ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
Vu la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 ;
Vu le décret n° 2005-1617 du 21 décembre 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2014 :
- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;
1. Considérant que M. C... B..., qui est né le 18 juin 1981, est atteint d'une surdité profonde ; qu'en dépit de son handicap, il a suivi une scolarité lui ayant permis d'obtenir son baccalauréat dans la série " S " en 2001 ; qu'en 2004/2005 et 2005/2006, il a préparé un brevet de technicien supérieur (BTS) de géomètre topographe au lycée Livet de Nantes ; qu'il a échoué à cet examen en juin 2006 avec une moyenne de 6,01/20 ; qu'après une année d'interruption, il a réintégré le même établissement scolaire en 2007/2008 pour redoubler sa seconde année de BTS puis s'est inscrit en candidat libre en février 2009 pour repasser cet examen ; que le jury l'a toutefois déclaré " éliminé " à cette dernière session en raison de ses absences à certaines épreuves et des notes éliminatoires auxquelles elles ont donné lieu ; qu'après un recours gracieux resté vain, l'intéressé a présenté le 27 juillet 2009 auprès du ministre chargé de l'éducation une réclamation préalable tendant à l'indemnisation du préjudice allégué du fait des échecs à l'examen du brevet de technicien supérieur au titre des sessions 2006 et 2009 ; que, le recteur de l'académie de Nantes, à qui cette réclamation avait été transmis, l'a rejetée le 26 novembre 2009 ; que le 24 décembre 2010, M. C... B...ainsi que ses parents ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme globale de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de ces échecs ; que par un jugement du 21 mars 2013 le tribunal administratif a rejeté leur demande ; que les intéressés relèvent appel de ce jugement ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 31 mars 2006 : " L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances (...) Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 112-1 de ce code : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 131-1 du même code : " L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le droit à l'éducation est garanti à chacun quelles que soient les différences de situation et qu'il incombe au service public de l'éducation d'assurer notamment une formation aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant ; que, pour satisfaire à cette obligation, il revient à l'Etat, dans ses domaines de compétence, de mettre en place les moyens financiers et humains nécessaires à la réalisation de cet objectif afin que ce droit ait, pour les personnes handicapées qui entendent poursuivre leur scolarisation, un caractère effectif ; que lorsqu'elle est avérée, la carence de l'Etat est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;
4. Considérant, en premier lieu, que si les requérants soutiennent que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le bénéfice du droit à l'éducation ne disparaît pas à l'âge de 16 ans pour les personnes handicapées, il est constant que M. C... B..., qui avait 23 ans en 2004, a été inscrit au lycée Livet en classe de BTS en vue de préparer le diplôme de géomètre topographe au titre des années scolaires 2004/2005, 2005/2006, et 2007/2008 ; que s'il s'est présenté en candidat libre pour passer les mêmes épreuves en juin 2009, il n'est pas établi qu'il aurait sollicité en vain sa réinscription dans cet établissement ; que dans ces conditions, le moyen précité manque en fait et ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que M. C... B... indique qu'il n'a pu bénéficier du nombre d'heures de soutien suffisant lui permettant de préparer correctement son diplôme ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, qu'une convention de prestation d'aide à la communication et proposition d'intervention a été conclue le 28 octobre 2005 entre Handisup, M. C... B..., le lycée Livet et l'union régionale des associations de parents d'enfants déficients auditifs (Urapeda) des Pays de la Loire et qu'elle fixait un volume horaire prévisionnel d'intervention de 195 heures pour un coût global de 9 150 euros ; qu'il n'est pas établi par ailleurs, qu'en dépit des résultats scolaires médiocres de leur enfant et des annotations des professeurs soulignant ses difficultés, M. et Mme B..., qui ne pouvaient ignorer les absences répétées de leur fils aux cours, auraient pris l'attache des différents intervenants mentionnés dans la convention précitée pour tenter d'améliorer la prise en charge de celui-ci ou souligner le désintérêt supposé de certains professeurs à son encontre ; que par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée à raison de ces faits ;
6. Considérant, en troisième lieu, que si, en vertu de l'article L 312-9-1 du code de l'éducation, issu de la loi du 11 février 2005, la langue des signes française peut être choisie comme épreuve optionnelle aux examens et concours, l'application de cette disposition n'a été rendue possible pour les brevets de technicien supérieur que par l'intervention de l'arrêté du 14 février 2011 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à compter de la session 2011 de cet examen ; que, par suite, l'Etat n'a pas commis une faute en ne permettant pas à M. B... de choisir la langue des signes française comme épreuve optionnelle lors de la session de 2006 ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'en dépit de l'inscription tardive de M. C... B...aux épreuves de la session 2009 du BTS de géomètre topographe, qui témoigne tant de la prise en compte du handicap du jeune homme, que de la bienveillance de l'éducation nationale à son égard, le service inter-académique d'examens et concours en charge de l'organisation des épreuves du BTS atteste de l'envoi des convocations aux 349 candidats inscrits et de l'absence de retour de ces plis pour non distribution ; que le site internet de ce service, à l'accès duquel il n'est pas établi que M. C... B... aurait été privé, prévient d'ailleurs les candidats du calendrier des épreuves et indique que les convocations sont envoyées quinze jours auparavant et que si un candidat n'a pas reçu la sienne huit jours avant le début des épreuves il doit le signaler ; que M. C... B..., qui avait passé les épreuves afférant au même diplôme en juin 2006, ne pouvait ignorer, en l'absence de changement allégué, les modalités de ces épreuves ; qu'il est par ailleurs constant qu'il a pu se présenter à certaines épreuves même sans convocation ; qu'enfin, le recteur de l'académie de Nantes soutient sans être sérieusement contredit que l'intéressé a disposé pour ces épreuves d'un aménagement adapté à son handicap ; que dans ces conditions, M. B... et ses parents ne sont pas fondés à soutenir que c'est en raison de la carence de l'administration qu'il aurait perdu toute chance d'obtenir son diplôme et de poursuivre l'accomplissement de son projet professionnel ou que l'éducation nationale aurait commis à leur encontre une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... et ses parents ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... et à ses parents de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à M. A... et Mme D...B..., au recteur de l'académie de Nantes et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Bachelier, président de la cour,
- Mme Specht, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2014.
Le rapporteur,
V. GÉLARDLe président,
G. BACHELIER
Le greffier,
A. MAUGENDRE
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT01496
1°) d'annuler le jugement n° 10-10103 du 21 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme globale de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des échecs de M. C... B...à l'examen du brevet de technicien supérieur (BTS) dans la spécialité de " géomètre-topographe " au titre des sessions 2006 et 2009 ;
2°) de condamner l'Etat à verser :
- à M. C... B..., la somme globale de 20 000 euros, assortie des intérêts,
- à M. A... et Mme D...B..., ses parents, la somme globale de 40 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le bénéfice du droit à l'éducation ne disparaît pas à l'âge de 16 ans pour les personnes handicapées ;
- il n'a pu bénéficier d'un nombre d'heures de soutien suffisant ;
- son absentéisme aux cours était justifié par l'absence d'interprète en langue des signes ;
- il s'est vu refuser la possibilité de choisir la langue des signes comme épreuve optionnelle ;
- la violation de ces droits ne l'a pas mis en mesure d'obtenir le diplôme qu'il préparait ;
- il n'a pas reçu de convocation aux fins de subir en qualité de candidat libre les épreuves de BTS du mois de juin 2009 ;
- aucun interprète n'était prévu le jour de l'examen ;
- c'est en raison de la carence de l'administration en matière de moyens mis à sa disposition qu'il a perdu toute chance d'obtenir son diplôme et de poursuivre l'accomplissement de son projet professionnel ;
- son préjudice moral résultant de ses échecs, qui l'ont privé de toute intégration dans la vie professionnelle et de toute socialisation, doit être évalué à 10 000 euros ;
- la perte de chance de réussir son BTS doit être fixé à 10 000 euros ;
- le préjudice moral de ses parents sera évalué à 5 000 euros chacun ;
- après avoir connu des difficultés liées à la recherche d'un établissement acceptant de recevoir leur fils, ses parents se sont heurté aux carences du système éducatif s'agissant de préparer le passage vers la vie professionnelle et ont subis des troubles dans leur condition d'existence représentant un préjudice pouvant être évalué à 30 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 9 juillet 2014 au recteur de l'académie de Nantes, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire enregistré le 11 août 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- les dispositions de l'article L. 131-1 du code de l'éducation n'a pas pour effet d'étendre l'obligation d'instruction au bénéfice des adultes quant bien même ils seraient atteints d'un handicap ;
- au demeurant, M. B... qui était majeur en 2004-2005, a pu poursuivre sa scolarité ;
- aucune disposition du code de l'éducation ne met à la charge de l'Etat un soutien par l'intermédiaire d'un assistant d'éducation pour les adultes handicapés ;
- les dispositions de l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles n'ont été introduites qu'en 2005 par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
- l'intéressé a bénéficié d'une aide dispensée par l'Urapeda en 2005-2006 ;
- M. B... ne pouvait se dispenser de suivre les cours et ses parents n'établissent pas avoir demandé un interprète en langue des signes ;
- l'application de la loi du 11 février 2005 prévoyant que la langue des signes pouvait être choisie comme épreuve optionnelle n'a été rendue possible pour les BTS que par l'intervention de l'arrêté du 14 février 2011 ;
- le recteur de l'académie a démontré avoir adressé une convocation à M. B..., lequel s'est présenté à certaines épreuves ;
- les requérants n'établissent pas que le candidat aurait demandé à bénéficier de l'assistance à laquelle il avait droit pour passer les épreuves ;
- M. B... n'apporte pas la preuve d'une perte de chance sérieuse de réussite ;
- le montant sollicité à titre de réparation est manifestement exagéré ;
- les conclusions d'appel en ce qu'elles excèdent celles de première instance sont irrecevables ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
Vu la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 ;
Vu le décret n° 2005-1617 du 21 décembre 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2014 :
- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;
1. Considérant que M. C... B..., qui est né le 18 juin 1981, est atteint d'une surdité profonde ; qu'en dépit de son handicap, il a suivi une scolarité lui ayant permis d'obtenir son baccalauréat dans la série " S " en 2001 ; qu'en 2004/2005 et 2005/2006, il a préparé un brevet de technicien supérieur (BTS) de géomètre topographe au lycée Livet de Nantes ; qu'il a échoué à cet examen en juin 2006 avec une moyenne de 6,01/20 ; qu'après une année d'interruption, il a réintégré le même établissement scolaire en 2007/2008 pour redoubler sa seconde année de BTS puis s'est inscrit en candidat libre en février 2009 pour repasser cet examen ; que le jury l'a toutefois déclaré " éliminé " à cette dernière session en raison de ses absences à certaines épreuves et des notes éliminatoires auxquelles elles ont donné lieu ; qu'après un recours gracieux resté vain, l'intéressé a présenté le 27 juillet 2009 auprès du ministre chargé de l'éducation une réclamation préalable tendant à l'indemnisation du préjudice allégué du fait des échecs à l'examen du brevet de technicien supérieur au titre des sessions 2006 et 2009 ; que, le recteur de l'académie de Nantes, à qui cette réclamation avait été transmis, l'a rejetée le 26 novembre 2009 ; que le 24 décembre 2010, M. C... B...ainsi que ses parents ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme globale de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de ces échecs ; que par un jugement du 21 mars 2013 le tribunal administratif a rejeté leur demande ; que les intéressés relèvent appel de ce jugement ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 31 mars 2006 : " L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances (...) Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 112-1 de ce code : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 131-1 du même code : " L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le droit à l'éducation est garanti à chacun quelles que soient les différences de situation et qu'il incombe au service public de l'éducation d'assurer notamment une formation aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant ; que, pour satisfaire à cette obligation, il revient à l'Etat, dans ses domaines de compétence, de mettre en place les moyens financiers et humains nécessaires à la réalisation de cet objectif afin que ce droit ait, pour les personnes handicapées qui entendent poursuivre leur scolarisation, un caractère effectif ; que lorsqu'elle est avérée, la carence de l'Etat est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;
4. Considérant, en premier lieu, que si les requérants soutiennent que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le bénéfice du droit à l'éducation ne disparaît pas à l'âge de 16 ans pour les personnes handicapées, il est constant que M. C... B..., qui avait 23 ans en 2004, a été inscrit au lycée Livet en classe de BTS en vue de préparer le diplôme de géomètre topographe au titre des années scolaires 2004/2005, 2005/2006, et 2007/2008 ; que s'il s'est présenté en candidat libre pour passer les mêmes épreuves en juin 2009, il n'est pas établi qu'il aurait sollicité en vain sa réinscription dans cet établissement ; que dans ces conditions, le moyen précité manque en fait et ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que M. C... B... indique qu'il n'a pu bénéficier du nombre d'heures de soutien suffisant lui permettant de préparer correctement son diplôme ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, qu'une convention de prestation d'aide à la communication et proposition d'intervention a été conclue le 28 octobre 2005 entre Handisup, M. C... B..., le lycée Livet et l'union régionale des associations de parents d'enfants déficients auditifs (Urapeda) des Pays de la Loire et qu'elle fixait un volume horaire prévisionnel d'intervention de 195 heures pour un coût global de 9 150 euros ; qu'il n'est pas établi par ailleurs, qu'en dépit des résultats scolaires médiocres de leur enfant et des annotations des professeurs soulignant ses difficultés, M. et Mme B..., qui ne pouvaient ignorer les absences répétées de leur fils aux cours, auraient pris l'attache des différents intervenants mentionnés dans la convention précitée pour tenter d'améliorer la prise en charge de celui-ci ou souligner le désintérêt supposé de certains professeurs à son encontre ; que par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée à raison de ces faits ;
6. Considérant, en troisième lieu, que si, en vertu de l'article L 312-9-1 du code de l'éducation, issu de la loi du 11 février 2005, la langue des signes française peut être choisie comme épreuve optionnelle aux examens et concours, l'application de cette disposition n'a été rendue possible pour les brevets de technicien supérieur que par l'intervention de l'arrêté du 14 février 2011 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à compter de la session 2011 de cet examen ; que, par suite, l'Etat n'a pas commis une faute en ne permettant pas à M. B... de choisir la langue des signes française comme épreuve optionnelle lors de la session de 2006 ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'en dépit de l'inscription tardive de M. C... B...aux épreuves de la session 2009 du BTS de géomètre topographe, qui témoigne tant de la prise en compte du handicap du jeune homme, que de la bienveillance de l'éducation nationale à son égard, le service inter-académique d'examens et concours en charge de l'organisation des épreuves du BTS atteste de l'envoi des convocations aux 349 candidats inscrits et de l'absence de retour de ces plis pour non distribution ; que le site internet de ce service, à l'accès duquel il n'est pas établi que M. C... B... aurait été privé, prévient d'ailleurs les candidats du calendrier des épreuves et indique que les convocations sont envoyées quinze jours auparavant et que si un candidat n'a pas reçu la sienne huit jours avant le début des épreuves il doit le signaler ; que M. C... B..., qui avait passé les épreuves afférant au même diplôme en juin 2006, ne pouvait ignorer, en l'absence de changement allégué, les modalités de ces épreuves ; qu'il est par ailleurs constant qu'il a pu se présenter à certaines épreuves même sans convocation ; qu'enfin, le recteur de l'académie de Nantes soutient sans être sérieusement contredit que l'intéressé a disposé pour ces épreuves d'un aménagement adapté à son handicap ; que dans ces conditions, M. B... et ses parents ne sont pas fondés à soutenir que c'est en raison de la carence de l'administration qu'il aurait perdu toute chance d'obtenir son diplôme et de poursuivre l'accomplissement de son projet professionnel ou que l'éducation nationale aurait commis à leur encontre une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... et ses parents ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... et à ses parents de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à M. A... et Mme D...B..., au recteur de l'académie de Nantes et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Bachelier, président de la cour,
- Mme Specht, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2014.
Le rapporteur,
V. GÉLARDLe président,
G. BACHELIER
Le greffier,
A. MAUGENDRE
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT01496