Conseil d'État, 7ème / 2ème SSR, 29/09/2014, 369987, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 7ème / 2ème SSR, 29/09/2014, 369987, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 7ème / 2ème SSR
- N° 369987
- ECLI:FR:CESSR:2014:369987.20140929
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
29 septembre 2014
- Rapporteur
- Mme Laurence Marion
- Avocat(s)
- SCP ROGER, SEVAUX, MATHONNET ; SCP SPINOSI, SUREAU
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juillet et 8 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Grenke location, dont le siège est 11 rue de Lisbonne à Schiltigheim (67300) ; la société Grenke location demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 12NC01355 du 6 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il n'a condamné la commune de Laroque d'Olmes à lui verser qu'une somme de 2 452,96 euros HT, et réformé en ce qu'il avait de contraire le jugement n° 1004657 du 31 mai 2012 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de la commune de Laroque d'Olmes ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Laroque d'Olmes le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Marion, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de la société Grenke location, et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la commune de Laroque d'Olmes ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Grenke location et la commune de Laroque d'Olmes ont conclu le 18 septembre 2008 un contrat par lequel la société Grenke location s'engageait à acheter auprès d'un fournisseur désigné un photocopieur afin de le donner en location à la commune pour une durée de soixante-trois mois moyennant un loyer trimestriel de 634 euros HT ; que le 10 octobre 2008, les mêmes parties ont conclu un deuxième contrat similaire par lequel la société Grenke location s'engageait à louer à la commune un deuxième photocopieur plieur pour une durée de soixante-trois mois moyennant le paiement d'un loyer trimestriel de 3 264 euros HT ; que par un troisième contrat également similaire du 12 novembre 2008, la société Grenke location s'est engagée à louer six appareils informatiques pour une durée de soixante-trois mois moyennant le paiement d'un loyer trimestriel de 567 euros ; que la commune a cessé de s'acquitter de ces loyers à compter du mois d'octobre 2008 pour les deux premiers contrats et à compter de novembre 2008 pour le dernier ; que la société Grenke location a procédé à la résiliation anticipée de ces trois contrats par lettres recommandées respectivement les 20 juillet 2009, 20 octobre 2009 et 20 mai 2009 et réclamé le versement de l'indemnité de résiliation prévue par les trois contrats ; que la société Grenke location se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a limité la condamnation de la commune de Laroque d'Olmes à lui verser une somme de 2 452,96 euros et a réformé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2012 ;
2. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ; que ces circonstances doivent ainsi être directement liées au vice de passation retenu ;
3. Considérant que, pour écarter les contrats litigieux en raison de l'absence de toute forme de publicité ou de mise en concurrence, la cour administrative d'appel de Nancy a retenu que la commune de Laroque d'Olmes avait été démarchée au début du troisième trimestre 2008 par un agent commercial d'une société de vente de matériel de reprographie agissant également en tant que mandataire de la société Grenke location, que les contrats, établis sur un formulaire-type émanant de cette dernière société, avaient été signés par la commune le jour de la livraison des matériels, sans que la commune ait disposé d'un délai pour prendre connaissance des conditions générales de location annexées au contrat, notamment de la possibilité laissée au bailleur de résilier de manière anticipée le contrat et d'obtenir une indemnité de résiliation anticipée, et donc sans connaître avec précision la portée de ses engagements ; que, toutefois, ces circonstances, indépendantes du choix fait par la commune de ne pas mettre en oeuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, sont sans lien direct avec le vice de passation retenu ; que, ce faisant, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que, par suite, la société Grenke location est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Laroque d'Olmes une somme de 3 000 euros à verser à la société Grenke location au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Grenke location, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Laroque d'Olmes au même titre ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 6 mai 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : La commune de Laroque d'Olmes versera une somme de 3 000 euros à la société Grenke location au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Laroque d'Olmes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Grenke location et à la commune de Laroque d'Olmes.
ECLI:FR:CESSR:2014:369987.20140929
1°) d'annuler l'arrêt n° 12NC01355 du 6 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il n'a condamné la commune de Laroque d'Olmes à lui verser qu'une somme de 2 452,96 euros HT, et réformé en ce qu'il avait de contraire le jugement n° 1004657 du 31 mai 2012 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de la commune de Laroque d'Olmes ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Laroque d'Olmes le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Marion, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de la société Grenke location, et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la commune de Laroque d'Olmes ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Grenke location et la commune de Laroque d'Olmes ont conclu le 18 septembre 2008 un contrat par lequel la société Grenke location s'engageait à acheter auprès d'un fournisseur désigné un photocopieur afin de le donner en location à la commune pour une durée de soixante-trois mois moyennant un loyer trimestriel de 634 euros HT ; que le 10 octobre 2008, les mêmes parties ont conclu un deuxième contrat similaire par lequel la société Grenke location s'engageait à louer à la commune un deuxième photocopieur plieur pour une durée de soixante-trois mois moyennant le paiement d'un loyer trimestriel de 3 264 euros HT ; que par un troisième contrat également similaire du 12 novembre 2008, la société Grenke location s'est engagée à louer six appareils informatiques pour une durée de soixante-trois mois moyennant le paiement d'un loyer trimestriel de 567 euros ; que la commune a cessé de s'acquitter de ces loyers à compter du mois d'octobre 2008 pour les deux premiers contrats et à compter de novembre 2008 pour le dernier ; que la société Grenke location a procédé à la résiliation anticipée de ces trois contrats par lettres recommandées respectivement les 20 juillet 2009, 20 octobre 2009 et 20 mai 2009 et réclamé le versement de l'indemnité de résiliation prévue par les trois contrats ; que la société Grenke location se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a limité la condamnation de la commune de Laroque d'Olmes à lui verser une somme de 2 452,96 euros et a réformé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2012 ;
2. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ; que ces circonstances doivent ainsi être directement liées au vice de passation retenu ;
3. Considérant que, pour écarter les contrats litigieux en raison de l'absence de toute forme de publicité ou de mise en concurrence, la cour administrative d'appel de Nancy a retenu que la commune de Laroque d'Olmes avait été démarchée au début du troisième trimestre 2008 par un agent commercial d'une société de vente de matériel de reprographie agissant également en tant que mandataire de la société Grenke location, que les contrats, établis sur un formulaire-type émanant de cette dernière société, avaient été signés par la commune le jour de la livraison des matériels, sans que la commune ait disposé d'un délai pour prendre connaissance des conditions générales de location annexées au contrat, notamment de la possibilité laissée au bailleur de résilier de manière anticipée le contrat et d'obtenir une indemnité de résiliation anticipée, et donc sans connaître avec précision la portée de ses engagements ; que, toutefois, ces circonstances, indépendantes du choix fait par la commune de ne pas mettre en oeuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, sont sans lien direct avec le vice de passation retenu ; que, ce faisant, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que, par suite, la société Grenke location est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Laroque d'Olmes une somme de 3 000 euros à verser à la société Grenke location au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Grenke location, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Laroque d'Olmes au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 6 mai 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : La commune de Laroque d'Olmes versera une somme de 3 000 euros à la société Grenke location au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Laroque d'Olmes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Grenke location et à la commune de Laroque d'Olmes.