Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 10/02/2014, 361426
Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 10/02/2014, 361426
Conseil d'État - 5ème et 4ème sous-sections réunies
- N° 361426
- ECLI:FR:CESSR:2014:361426.20140210
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
lundi
10 février 2014
- Rapporteur
- Mme Marie Gautier-Melleray
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance n° 12DA00778 du 20 juillet 2012, enregistrée le 27 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par le ministre de l'égalité des territoires et du logement ;
Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 29 mai 2012, présenté par le ministre de l'égalité des territoires et du logement, et tendant à l'annulation du jugement n° 1200130 du 27 mars 2012 du tribunal administratif de Lille prononçant une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifie pas avoir, dans un délai de trois mois, exécuté le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1005869 du 30 novembre 2010 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 18 mars 2010, la commission de médiation du Nord, statuant sur le fondement des dispositions du code de la construction et de l'habitation relatives au droit au logement opposable, a reconnu M. B... comme prioritaire et devant être logé d'urgence ; qu'en l'absence d'offre de logement correspondant aux besoins et aux capacités de l'intéressé, M. B... a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord d'exécuter la décision de la commission de médiation ; que, par un jugement du 30 novembre 2010, le tribunal administratif de Lille, faisant droit à cette demande, a enjoint au préfet du Nord d'exécuter cette décision dans un délai de trois mois ; que, saisi par M. B... d'une demande d'exécution de ce jugement, le tribunal administratif de Lille a, par un nouveau jugement du 27 mars 2012, prononcé à l'encontre de l'Etat une astreinte de 50 euros par jour de retard s'il ne justifiait pas avoir, dans un délai de trois mois, exécuté le jugement du 30 novembre 2010 ; que le ministre de l'égalité des territoires et du logement se pourvoit en cassation contre ce jugement ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. / Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes des trois derniers alinéas du II de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue prioritaire par la commission de médiation et que n'a pas été proposée au demandeur une place dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, ordonne l'accueil dans l'une de ces structures et peut assortir son injonction d'une astreinte. / Le montant de cette astreinte est déterminé en fonction du coût moyen du type d'hébergement considéré comme adapté aux besoins du demandeur par la commission de médiation. / Le produit de l'astreinte est versé au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement, institué en application de l'article L. 300-2 " ; qu'aux termes de l'article R. 778-8 du code de justice administrative : " Lorsque le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cet effet constate, d'office ou sur la saisine du requérant, que l'injonction prononcée n'a pas été exécutée, il procède à la liquidation de l'astreinte en faveur du fonds prévu à l'article L. 300-2 du code de la construction et de l'habitation. / Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cet effet peut statuer par ordonnance, dans les conditions prévues par le chapitre II du titre IV du livre VII du présent code, après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur l'exécution de l'injonction prononcée. / Il liquide l'astreinte en tenant compte de la période pendant laquelle, postérieurement à l'expiration du délai imparti par le jugement, l'injonction est demeurée inexécutée par le fait de l'administration. Il peut, eu égard aux circonstances de l'espèce, modérer le montant dû par l'Etat voire, à titre exceptionnel, déclarer qu'il n'y a pas lieu de liquider l'astreinte " ;
4. Considérant qu'en définissant, à l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, un régime d'astreinte spécifique, applicable à la procédure de mise en oeuvre du droit au logement opposable, le législateur a nécessairement exclu que le juge puisse prononcer, dans le cadre de cette procédure, une astreinte sur le fondement des dispositions générales de l'article L. 911-4 du code de justice administrative ; que, dès lors, en prononçant une astreinte à l'encontre de l'Etat sur le fondement de cet article, alors qu'il lui appartenait de faire application des dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et de celles de l'article R. 778-8 du code de justice administrative, qui impliquent en particulier un calcul du montant de l'astreinte en fonction du coût moyen du type d'hébergement considéré comme adapté aux besoins du demandeur par la commission de médiation et la liquidation de cette astreinte au profit du fonds national d'accompagnement vers et dans le logement, le tribunal administratif de Lille a commis une erreur de droit ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 27 mars 2012 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lille.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'égalité des territoires et du logement et à M. A...B....