Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 05/02/2014, 364066, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance n° 1218498 du 21 novembre 2012, enregistrée le 23 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. A...B..., demeurant ... ;


Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2012 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par M. B...et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa demande d'abrogation de l'article 2 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique en tant que cet article n'exclut pas la majoration pour la vie autonome des ressources à prendre en compte pour apprécier le droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 février 2014, présentée par M.B... ;

Vu le code de la construction et de l'habitation, notamment son article L. 351-1 ;

Vu le code de l'action sociale et des familles, notamment son article R. 262-11 ;

Vu le code de la sécurité sociale, modifié notamment par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Orban, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;




1. Considérant que la demande de M.B..., à laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a opposé un refus implicite, doit être regardée comme tendant à l'abrogation de l'article 2 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique en tant que ce texte n'exclut pas la majoration pour la vie autonome des ressources à prendre en compte pour l'appréciation du droit des intéressés au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2 Considérant, d'une part, que la loi du 10 juillet 1991 prévoit que l'aide juridictionnelle est accordée sous condition de ressources ; que son article 5 dispose que sont " exclues de l'appréciation des ressources les prestations familiales ainsi que certaines prestations à objet spécialisé selon des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat " ; que l'article 2 du décret du 19 décembre 1991, pris sur le fondement de ces dispositions, indique que sont exclues des ressources à prendre en compte pour apprécier le droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle : " a) les prestations familiales énumérées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale ; / b) les prestations sociales à objet spécialisé énumérées à l'article R. 262-11 du code de l'action sociale et des familles ; / c) l'aide personnalisée au logement prévue à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation ; / d) l'allocation de logement prévue par l'article L. 831-1 du code de la sécurité sociale ; (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'alinéa 1er de l'article L. 821-1-2 du code de la sécurité sociale, issu de la loi du 11 février 2005 : " Une majoration pour la vie autonome (...) est versée aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés au titre de l'article L. 821-1 qui : / disposent d'un logement indépendant pour lequel ils reçoivent une aide personnelle au logement ; / perçoivent l'allocation aux adultes handicapés à taux plein (...) ; / ne perçoivent pas de revenu d'activité à caractère professionnel propre " ; qu'aux termes de l'article R. 821-5-1 du même code : " Pour l'ouverture du droit à la majoration pour la vie autonome instituée par l'article L. 821-1-2, la condition de perception d'une aide personnelle au logement est remplie par la personne qui bénéficie (...) de l'une des aides suivantes : a) Allocation de logement prévue aux articles L. 542-1 et L. 755-21 du présent code ; b) Allocation de logement prévue à l'article L. 831-1 du présent code ; c) Aide personnalisée au logement prévue à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que si les aides personnelles au logement telles qu'énumérées à l'article R. 821-5-1 du code de la sécurité sociale sont exclues des ressources à prendre en compte pour apprécier le droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 2 du décret du 19 décembre 1991, il n'en va pas de même s'agissant de la majoration pour la vie autonome, qui est prise en compte parmi les ressources permettant d'apprécier le droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que le requérant soutient que le pouvoir réglementaire a ainsi créé une différence de traitement illégale entre les demandeurs de l'aide juridictionnelle bénéficiaires d'une aide personnelle au logement suivant qu'ils perçoivent ou non la majoration pour la vie autonome ;

5. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;

6. Considérant que la majoration pour la vie autonome, d'une part, et l'allocation de logement familiale, l'allocation de logement prévue à l'article L. 831-1 du code de la sécurité sociale et l'aide personnalisée au logement, d'autre part, ne poursuivent pas les mêmes finalités ; qu'en effet, si les aides personnelles au logement, qui sont exclusives les unes des autres, sont attribuées à certaines personnes en vue de réduire les seules charges relatives au paiement des loyers ou des mensualités versées pour accéder à la propriété de leur résidence principale, il résulte de la loi du 11 février 2005 que la majoration pour la vie autonome a été instituée en vue de favoriser l'autonomie des personnes handicapées en améliorant leurs ressources lorsqu'elles ont à assumer les différentes charges qu'implique la disposition d'un logement indépendant, lesquelles ne se limitent pas aux loyers et emprunts pour accéder à la propriété ; qu'en outre, la majoration pour la vie autonome est instituée en complément de l'allocation aux adultes handicapés et non, comme le soutient le requérant, en complément des aides personnelles au logement et est attribuée sur la base de critères différents de ceux permettant le bénéfice de ces aides ; qu'ainsi, les bénéficiaires de ces aides ne se trouvent pas placés dans la même situation ; que, par suite, le décret contesté, pouvait, sans créer une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation entre les demandeurs d'aide juridictionnelle bénéficiaires d'une aide personnelle au logement suivant qu'ils perçoivent ou non la majoration pour la vie autonome, inclure cette dernière dans les ressources à prendre en compte pour apprécier leur droit à l'aide juridictionnelle ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux a rejeté sa demande d'abrogation partielle du décret du 19 décembre 1991 ;






D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

ECLI:FR:CESSR:2014:364066.20140205
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