Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 23/01/2014, 12DA00836, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2012, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par la SCP d'avocats Debavelaere, Becuwe, Teyssedre ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902455 du 12 avril 2012 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé, à la demande du Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, la décision du 26 juillet 2008 du maire de la commune de Parenty, agissant au nom de l'Etat, lui accordant tacitement ainsi qu'à son épouse un permis de construire une maison d'habitation et le certificat de permis tacite délivré le 23 février 2009 ;

2°) de rejeter la demande du Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer ;

3°) de mettre à la charge du Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hubert Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de Me Benjamin Ingelaere, avocat de M.A... ;


1. Considérant qu'en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui ;

2. Considérant que, pour annuler la décision du 26 juillet 2008 du maire de la commune de Parenty, agissant au nom de l'Etat, accordant tacitement à M. et Mme A...un permis de construire une maison d'habitation et le certificat de permis tacite délivré le 23 février 2009, les premiers juges se sont fondés sur les motifs tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 111-1-2 et R. 111-14 du code de l'urbanisme ;


Sur le motif tiré de la violation de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / (...) / 2° Les constructions et installations nécessaires (...) à l'exploitation agricole (...) ; / (...) / 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que le terrain d'assiette du projet se situe en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune de Parenty, laquelle est dépourvue de plan local d'urbanisme, de carte communale opposable aux tiers ou de tout autre document d'urbanisme en tenant lieu ; que, pour accorder le permis de construire, le maire s'est fondé sur les dérogations prévues au 2° et au 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme que, dans les communes dépourvues de tout plan d'urbanisme ou de carte communale, la règle de constructibilité limitée n'autorise, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, que les constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole ; que ce lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée ; qu'il s'ensuit que la seule qualité d'exploitant agricole du pétitionnaire ne suffit pas à caractériser un tel lien ; que, lorsque la construction envisagée est à usage d'habitation, il convient d'apprécier le caractère indispensable de la présence permanente de l'exploitant sur l'exploitation au regard de la nature et du fonctionnement des activités de l'exploitation agricole ;

6. Considérant que M. A...est associé et cogérant du groupement agricole d'exploitation en commun du Mont-au-Sang, dont une partie des installations se trouve à proximité du terrain d'implantation de la construction envisagée ; que, toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'à la date du permis de construire, cette construction à usage d'habitation était nécessaire à l'exploitation agricole, alors que le pétitionnaire résidait déjà dans un logement qui lui permettait d'assurer ses activités agricoles et dont il ne justifie pas qu'il devait le quitter ;

7. Considérant, en second lieu, que, par une délibération du 30 avril 2008 prise en application du 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, le conseil municipal de la commune de Parenty s'est prononcé en faveur du projet de M. A...en estimant que ce dernier était propriétaire du terrain d'assiette de son projet, qu'il devait laisser son habitation actuelle à son frère, que l'arrivée d'une famille favoriserait la commune située dans une zone de revitalisation rurale, que l'intéressé serait mis à même de surveiller le troupeau qu'il exploite et qu'une construction apporterait des contributions financières à la commune ; que, d'une part, les circonstances tirées de la propriété du terrain ou de la surveillance du troupeau ainsi que celle tirée de recettes fiscales supplémentaires générées par la nouvelle construction ne relèvent pas par elles-mêmes de la défense de l'intérêt communal au sens des dispositions du 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ; que, d'autre part, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. A...aurait été dans l'obligation de céder à son frère ou son père le logement qu'il occupe actuellement ou que le projet serait lié à l'accueil ou au maintien d'une nouvelle famille sur le territoire communal ;

8. Considérant que, dans ces conditions, M. A... ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions des 2° et 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme de nature à lui permettre d'édifier une construction à usage d'habitation en-dehors des parties actuellement urbanisées de la commune de Parenty ;


Sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme :

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : / a) A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans joints au dossier de demande de permis de construire, que le terrain d'implantation de la construction envisagée par M.A..., sur la parcelle cadastrée section A n° 93, se trouve en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune de Parenty, dans un secteur à l'état naturel à vocation agricole ; que seules quelques constructions éparses y sont implantées, sous la forme de corps de ferme, et toutes situées de l'autre côté de la route départementale n° 127 par rapport au terrain d'assiette du projet ; que, dans ces conditions, et quand bien même il serait susceptible d'être raccordé au réseau public d'électricité sans extension de celui-ci, le projet en litige est de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation d'espace naturel du site ; que, par suite, le permis de construire accordé était contraire aux dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé le permis de construire qui lui avait été délivré ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...le versement à l'association Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par elle ;



DÉCIDE :




Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.


Article 2 : M. A...versera à l'association Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à l'association Groupement de défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et au ministre de l'égalité des territoires et du logement.
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N°12DA00836 2



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