Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 30/12/2013, 359287, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi, enregistré le 10 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 63128 du 19 mars 2012 par lequel la Cour des comptes a constitué MM. B...et D...débiteurs de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), respectivement à hauteur de 383 039 euros au titre des exercices 2007 et 2008 et de 251 355 euros au titre de l'exercice 2009, sommes augmentées des intérêts de droit à compter du 2 août 2011 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de décharger MM. B...et D...de leur gestion au titre des exercices considérés ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;




1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué du 19 mars 2012 que la Cour des comptes a déclaré M.B..., contrôleur budgétaire et comptable du ministère de la justice, et M.D..., contrôleur budgétaire et comptable des services du Premier ministre, débiteurs à l'égard de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) respectivement des sommes de 383 039 euros, au titre des exercices 2007 et 2008, et de 251 355 euros, au titre de l'exercice 2009, au motif que les intéressés avaient réglé des frais de déplacement et de voyage de membres ou d'agents de la commission excédant les plafonds fixés par la réglementation en vigueur ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, dans sa rédaction applicable au litige, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics se trouve engagée dès lors notamment qu'une dépense a été irrégulièrement payée ; que selon le VI de l'article 60, le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est ainsi engagée ou mise en jeu a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale à la dépense payée à tort ; que s'il n'a pas versé cette somme, il peut être, selon le VII de l'article 60, constitué en débet par le juge des comptes ;

3. Considérant que selon l'article 19 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors en vigueur, les comptables publics sont, dans les conditions fixées par les lois de finances, personnellement et pécuniairement responsables de l'exercice régulier des contrôles prévus aux articles 12 et 13 ; qu'aux termes de l'article 12 du même décret : " Les comptables sont tenus d'exercer : / (...) B. - En matière de dépenses, le contrôle : (...) De la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13 ci-après (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 du même décret : " En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur : / La justification du service fait et l'exactitude des calculs de liquidation ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 37 du même décret : " Lorsque, à l'occasion de l'exercice du contrôle prévu à l'article 12 (alinéa B) ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent l'ordonnateur. (...) " ;

4. Considérant que ces dispositions instituent, dans l'intérêt de l'ordre public financier, un régime légal de responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics distinct de la responsabilité de droit commun ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ne peut, par suite, utilement exciper à l'encontre de l'arrêt attaqué du principe selon lequel une personne ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ; qu'il résulte des mêmes dispositions que la responsabilité du comptable public est engagée du seul fait du paiement irrégulier et à concurrence de la totalité des dépenses en cause ; que le juge des comptes peut toutefois limiter le débet au montant du seul trop payé, notamment si celui-ci se déduit de la simple rectification d'un calcul de liquidation ou si le comptable fournit les éléments permettant de le déterminer ;

5. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la Cour des comptes a successivement relevé que les dépenses litigieuses avaient été effectuées en méconnaissance des plafonds fixés par la réglementation relative aux frais de déplacement, que les comptables auraient dû suspendre l'ensemble des paiements et en avertir l'ordonnateur, en application des articles 12 et 13 précités du décret du 29 décembre 1962, et que les intéressés ont été dans l'incapacité de reconstituer la différence entre ce qui a été payé à tort et ce qui aurait dû l'être ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en déclarant MM. B...et D...débiteurs à l'égard de la CNIL de sommes correspondant à l'ensemble des dépenses mentionnées au point 1, la Cour des comptes, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat doit être rejeté ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances, à M. C... B...et à M. A...D....
Copie en sera adressée pour information au procureur général près la Cour des comptes et à la CNIL.


ECLI:FR:CESSR:2013:359287.20131230
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