Cour Administrative d'Appel de Nantes, 2ème chambre, 29/11/2013, 12NT01794, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2012, présentée pour la commune de Fermanville, représentée par son maire dûment mandaté par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; la commune de Fermanville demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101709 du 5 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de Mme C... B..., le certificat d'urbanisme négatif du 14 juin 2011 que lui a délivré le maire de Fermanville pour la construction d'une maison d'habitation sur des parcelles situées au lieu-dit " Inglemare " ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée ;

4°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que le maire de la commune n'a pas commis d'erreur d'appréciation en délivrant le certificat d'urbanisme négatif litigieux, dès lors que le projet de Mme B..., situé dans une zone d'urbanisation diffuse, ne peut être regardé comme constituant une extension de l'urbanisation réalisée en continuité d'un village au sens des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2012, présenté pour Mme B..., par Me Launay, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Fermanville la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation : son projet consiste en l'édification d'une seule maison d'habitation de faible dimension et ne constitue pas une extension de l'urbanisation ; le projet est situé dans le village d'" Inglemare " qui forme une zone urbanisée de plusieurs dizaine de maisons ayant regroupé plusieurs équipements collectifs ; le terrain concerné est entouré de parcelles comportant des constructions ;

Vu l'ordonnance du 25 septembre 2013 fixant la clôture de l'instruction au 14 octobre 2013 à 12 heures ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2013 :

- le rapport de M. Sudron, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., substituant Me Gorand, avocat de la commune de Fermanville ;


1. Considérant que Mme B... a présenté, le 30 avril 2011, une demande de certificat d'urbanisme, sur le fondement des dispositions du b de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, en vue de savoir si les parcelles cadastrées AC 75, 80 et 81, situées au lieu-dit " Inglemare " sur le territoire de la commune de Fermanville, pouvaient être utilisées pour la construction d'une maison d'habitation ; que le maire lui a indiqué, par un certificat d'urbanisme du 14 juin 2011, que les parcelles en cause ne pouvaient pas être utilisées pour la réalisation de l'opération envisagée ; que la commune de Fermanville interjette appel du jugement du 5 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé ce certificat d'urbanisme négatif ;

Sur la légalité du certificat d'urbanisme négatif du 14 juin 2011 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : (...) b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération (...) " ; qu'aux termes du I de l'article L. 146-4 du même code, applicable aux communes littorales : "L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (...)" ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles d'assiette du projet litigieux, si elles sont situées à environ 600 mètres du village "le Tôt du Haut " et s'ouvrent à l'ouest, sur des espaces restés en partie à l'état naturel ou peu densément construits, les séparant du hameau de " La Bordette, composé d'une dizaine d'habitations, jouxtent, au nord et au sud, des secteurs construits formant les hameaux d'" Inglemare " et de la "Place d'Hinglemare ", regroupant plus de 50 habitations dans un rayon de 100 mètres ; que, dans ces conditions, le projet de Mme B... doit être regardé comme constituant une extension de l'urbanisation en continuité d'un village existant conformément aux dispositions précitées du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que le maire a fait une inexacte application de ces dispositions en délivrant le certificat d'urbanisme négatif litigieux ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Fermanville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé le certificat d'urbanisme négatif du 14 juin 2011 ;

Sur les dépens :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties " ; qu'en l'absence de circonstances particulières, il y a lieu de laisser à la charge de la commune de Fermanville, partie perdante, la contribution pour l'aide juridique acquittée par cette dernière ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Fermanville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en vertu de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Fermanville le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;



DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la commune de Fermanville est rejetée.
Article 2 : La commune de Fermanville versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fermanville et à Mme C...B....

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,
- M. Sudron, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2013.

Le rapporteur,
A. SUDRONLe président,
A. PÉREZ
Le greffier,
S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'égalité des territoires et du logement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT01794



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