Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 20/11/2013, 354752

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance n° 1112756 du 7 décembre 2011, enregistrée le 9 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la SARL Tekimmo, dont le siège est 6, rue Plumet à Paris (75015), représentée par son directeur ;

Vu la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 29 juillet 2011, présentée par la SARL Tekimmo et tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur sa demande tendant à ce qu'il prenne un arrêté rendant d'application obligatoire la norme XP C 16-600 relative à l'évaluation de l'état des installations électriques existantes des immeubles à usage d'habitation et, d'autre part, à ce que cette norme soit déclarée d'application obligatoire en vertu des textes réglementaires en vigueur ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 2008 définissant le modèle et la méthode de réalisation de l'état de l'installation intérieure d'électricité dans les immeubles à usage d'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;



1. Considérant que, par courrier du 8 avril 2011, la SARL Tekimmo a demandé au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement de prendre un arrêté rendant d'application obligatoire la norme expérimentale XP C 16-600 à laquelle renvoient les articles 1er et 2 de l'arrêté du 8 juillet 2008 définissant le modèle et la méthode de réalisation de l'état de l'installation intérieure d'électricité dans les immeubles à usage d'habitation ; qu'elle demande, d'une part, que soit annulée pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet qui a été opposée à cette demande et, d'autre part, que la norme précitée soit déclarée d'application obligatoire ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du décret du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation, en vigueur à la date de l'arrêté mentionné au point 1 : " Si des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes (...) ou des exigences impératives tenant à (...) la défense du consommateur rendent une telle mesure nécessaire, l'application d'une norme homologuée, ou d'une norme reconnue équivalente applicable en France en vertu d'accords internationaux peut être rendue obligatoire par arrêté du ministre chargé de l'industrie et, le cas échéant, des autres ministres intéressés " ; qu'aux termes, par ailleurs, de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation, en vigueur à la date de la décision attaquée: " Les normes sont d'application volontaire. / Toutefois, les normes peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés. / Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation. " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la décision de rendre une norme d'application obligatoire relève de la seule appréciation des ministres compétents ; que sont, par ailleurs, entachées d'illégalité les dispositions réglementaires qui renvoient à tout ou partie d'une norme, en des termes qui imposent le respect de celle-ci, sans avoir été signées par le ministre chargé de l'industrie et sans, par ailleurs, que la norme en question soit gratuitement accessible ; que lorsque les ministres compétents sont valablement saisis d'une demande tendant à ce que soit engagée, s'agissant d'une telle norme, la procédure prévue par les dispositions précitées, il leur appartient, à défaut d'abroger les dispositions en cause, de faire droit à cette demande ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'article 1er de l'arrêté du 8 juillet 2008 mentionné au point 1 précise les exigences de méthodologie suivant lesquelles est réalisé l'état de l'installation intérieure d'électricité ; qu'il y est spécifié que lors de la visite, l'opérateur de diagnostic examine les points mentionnés dans l'annexe I de cet arrêté et que " l'application de la norme XP C 16-600 ou de toutes autres normes ou spécifications techniques, en vigueur dans un État membre de la Communauté européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ayant le même objet et reconnues équivalentes par le ministère chargé de l'industrie, est présumée satisfaire aux exigences méthodologiques susmentionnées " ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, ces dispositions n'ont eu ni pour objet, ni pour effet d'imposer le respect de la norme expérimentale XP C 16 -600 mais seulement de faire bénéficier ceux qui choisissent de l'appliquer d'une présomption selon laquelle ils respectent les exigences méthodologiques posées par cet article ; que, dès lors, cette seule circonstance n'est pas de nature à rendre illégal, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, le refus de déclarer cette norme d'application obligatoire ;

4. Considérant, en second lieu et en revanche que, d'une part, aux termes de l'article 2 du même arrêté du 8 juillet 2008 : " L'état de l'installation intérieure d'électricité donne lieu à la rédaction d'un rapport de visite établi, en langue française, suivant le modèle fourni en annexe II du présent arrêté " et que, d'autre part, cette annexe II fait référence à six reprises à la norme XP C 16-600, sans en expliciter le contenu ni laisser au professionnel concerné la possibilité d'avoir recours à d'autres normes ou spécifications techniques susceptibles d'avoir le même objet et d'être reconnues équivalentes ; que de telles dispositions ont eu pour effet, compte tenu de l'ampleur des renvois ainsi effectués à la norme en cause, d'imposer le respect de l'ensemble de celle-ci, alors que ces dispositions n'ont pas été signées par le ministre chargé de l'industrie et que le texte de cette norme n'a pas été rendu gratuitement accessible ; qu'est, à cet égard, indifférente la circonstance qu'en vertu de l'article R. 134-13 du code de la construction et de l'habitation, une attestation de conformité d'une installation électrique intérieure datant de moins de trois ans puisse tenir lieu d'état de l'installation électrique, dès lors qu'une telle attestation ne concerne que les obligations incombant au propriétaire d'un logement et n'est pas de nature à exonérer les professionnels concernés par l'arrêté du 8 juillet 2008 de respecter celui-ci ; que, faute pour les dispositions précitées de l'article 2 de cet arrêté d'avoir été abrogées, notamment à la suite de la demande de la société requérante tendant à ce que soit pris l'arrêté mentionné à l'article 17 du décret du 16 juin 2009, les ministres signataires de l'arrêté du 8 juillet 2008 et le ministre de l'industrie, auquel ceux-ci sont réputés avoir transmis cette demande, ne pouvaient refuser d'y faire droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, la SARL Tekimmo est fondée à demander l'annulation de la décision implicite de rejet attaquée ; que la présente décision implique seulement que sa demande soit réexaminée ; que les conclusions tendant à ce que la norme XP C 16-600 soit déclarée obligatoire ne peuvent donc qu'être rejetées ;




D E C I D E :
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Article 1er : La décision implicite née du silence gardé sur la demande présentée le 8 avril 2011 par la SARL Tekimmo est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL Tekimmo, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à la ministre de l'égalité des territoires et du logement, au ministre du redressement productif et à l'Association française de normalisation.

ECLI:FR:CESSR:2013:354752.20131120
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