Cour Administrative d'Appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 17/06/2013, 12MA04278, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu I°), sous le n° 12MA04278, la requête, enregistrée le 5 novembre 2012, présentée pour M. C... A..., élisant domicile..., par Me B... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204289 du 27 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2012 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, subsidiairement à ce qu'il soit enjoint à cette autorité de procéder à une nouvelle instruction de sa demande aux fins de prendre une décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant le dit délai ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre la somme de 1 196 euros à la charge de l'Etat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, somme qui sera versée à Me B... en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 février 2013, présenté par le préfet des Bouches-du-Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

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Vu le mémoire, enregistré le 17 avril 2013, présenté pour M.A..., qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

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Vu les pièces dont il résulte que les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que le moyen de légalité externe invoqué par M. A...dans son mémoire enregistré le 17 avril 2013, après l'expiration du délai d'appel, alors que la requête ne comportait que des moyens de légalité interne est irrecevable ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 mai 2013, présenté par le préfet des Bouches-du-Rhône, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

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Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 18 décembre 2012, admettant M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;


Vu II°), sous le n° 12MA04279, la requête, enregistrée le 5 novembre 2012, présentée pour M. C... A..., élisant domicile..., par Me B... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1204289 du 27 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2012 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, subsidiairement à ce qu'il soit enjoint à cette autorité de procéder à une nouvelle instruction de sa demande aux fins de prendre une décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant le dit délai ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre la somme de 1 196 euros à la charge de l'Etat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à son conseil, lequel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 février 2013, présenté par le préfet des Bouches-du-Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

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Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 18 décembre 2012, admettant M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2013 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les observations de Me B...pour M.A... ;


1. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône a pris à l'encontre de M. A...de nationalité tunisienne, le 20 février 2012, un arrêté lui refusant le renouvellement de titre de séjour qu'il sollicitait, assorti d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit ; que, par un jugement du 27 septembre 2012, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête introduite par l'intéressée contre cet arrêté ; que les requêtes susvisées n° 12MA04278 et n° 12MA04279 présentées par M. A...et tendant respectivement à l'annulation de ce jugement et à ce qu'il soit sursis à son exécution sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;


Sur la légalité externe :

2. Considérant que M.A..., qui n'a soulevé dans sa requête enregistrée le 5 novembre 2012 au greffe de la cour que des moyens de légalité interne, invoque dans un mémoire complémentaire enregistré le 17 avril 2013 un moyen de légalité externe à l'encontre de la décision attaquée ; que ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte de ceux invoqués dans sa requête constitue une demande nouvelle qui, présentée après l'expiration du délai d'appel est tardive et, par suite, irrecevable ;


Sur la légalité interne :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis(...) " ; qu'en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, ces dispositions sont applicables aux ressortissants tunisiens ;

4. Considérant que le médecin de l'agence régionale de santé a fait état de la nécessité d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais a précisé que l'intéressé pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers ce pays ; que si M. A...verse aux débats un certificat médical, fait à sa demande par un praticien attaché à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, en date du 12 septembre 2012, indiquant que son état de santé nécessite une prise en charge médicale nécessitant un traitement et une surveillance spécialisés dont il ne pourrait en aucun cas bénéficier dans son pays d'origine, ce certificat ne précise pas les sources sur lesquelles son auteur s'est fondé pour estimer que la Tunisie ne disposerait pas des infrastructures médicales permettant de traiter les affections dont M. A...est atteint ; que ce certificat n'invalide pas l'avis du médecin de l'agence régionale de santé quant à la possibilité pour M. A...de bénéficier du traitement approprié, laquelle est corroborée par les documents, produits par l'administration, et décrivant l'offre de soins et les possibilités de prise en charge effective en Tunisie, notamment dans les structures publiques, de la pathologie dont est atteint M.A... ; que, par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait contraire aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que les dispositions dérogatoires de cet article, qui permettent au préfet de délivrer un titre de séjour au regard d'une appréciation discrétionnaire de la situation de l'étranger même non pourvu d'un visa de long séjour, ne créent aucun droit au profit de l'intéressé ; que M.A..., entré pour la première fois en France à l'âge de 33 ans, qui fait état de l'ancienneté de son séjour en France depuis 2008, et de précédents séjours depuis 2001, en qualité de travailleur saisonnier, de sa bonne intégration en France, de la présence d'un cousin et de son état de santé, n'établit pas par les pièces qu'il produit que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circulaire du 17 juin 2011 qu'il invoque n'ajoute sur ce point rien aux dispositions précitées et est dépourvue de critère réglementaire ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit " à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré pour la première fois en France en 2001, à l'âge de 33 ans, en qualité de travailleur saisonnier ; que s'il soutient s'y être maintenu depuis 2008 et s'il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié d'un titre de séjour en 2011, en raison de son état de santé, il ressort également des pièces du dossier qu'il est marié et qu'il a trois enfants en Tunisie ; que, dans ce contexte, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont été méconnues ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé "

9. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône, qui, après avis du médecin de l'agence régionale de santé, a fondé sa décision sur la circonstance que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, l'intéressé pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Tunisie, n'a pas méconnu les dispositions précitées ; qu'il ne resort pas des pièces du dossier que la splénectomie ultérieurement subie par l'intéressé soit de nature à faire obstacle à la mise à exécution de la mesure d'éloignement ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

11. Considérant que, le présent arrêt statuant sur la requête n° 12MA04278 tendant à l'annulation du jugement attaqué, la requête n° 12MA04279 tendant à ce que la Cour prononce le sursis à exécution de ce même jugement devient sans objet ;


DÉCIDE :


Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 12MA04279.
Article 2 : La requête n° 12MA04278 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet des Bouches-du-Rhône .

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N° 12MA04278,12MA04279



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