Conseil d'État, 2ème / 7ème SSR, 10/06/2013, 358835, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État, 2ème / 7ème SSR, 10/06/2013, 358835, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État - 2ème / 7ème SSR
- N° 358835
- ECLI:FR:XX:2013:358835.20130610
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
lundi
10 juin 2013
- Rapporteur
- M. Camille Pascal
- Avocat(s)
- CARBONNIER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi, enregistré le 25 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA00651 du 2 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête du préfet de police tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 1008906/6-2 du 4 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris avait annulé son arrêté du 23 février 2010 refusant de délivrer à Mme F...un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire et, d'autre part, au rejet de la demande présentée par Mme F...devant le tribunal administratif ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'appel du préfet de police ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mai 2013, présentée par le ministre de l'intérieur ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Camille Pascal, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de Mme F...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 23 février 2010, le préfet de police a refusé à MmeF..., ressortissante camerounaise, la délivrance de la carte de séjour temporaire qu'elle avait sollicitée sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de ce qu'elle était mère d'un enfant de nationalité française, Pangop Boniface-Junior NathanF..., et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que cette décision était fondée sur la circonstance que la reconnaissance de l'enfant était entachée de fraude et avait été effectuée aux seules fins d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou d'acquérir ou de faire acquérir la nationalité française, ce qui constituait un délit réprimé par l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par jugement du 4 janvier 2011, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 23 février 2010 à la demande de Mme F...et a enjoint au préfet de police de délivrer une carte de séjour temporaire à l'intéressée ; que, par l'arrêt attaqué du 2 mars 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel du préfet de police dirigé contre ce jugement ;
2. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour s'est fondée, pour rejeter l'appel du préfet de police, sur le motif tiré de ce que les pièces produites au dossier n'établissaient pas que l'enfant aurait été déchu de sa nationalité française ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le ministre de l'intérieur soutenait en appel que la fraude ayant entaché la reconnaissance de paternité de l'enfant Pangop F...justifiait légalement la décision de refus de titre de séjour opposée à MmeF..., alors même que cet enfant n'aurait pas encore été déchu de sa nationalité française à la date de la décision contestée ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris a omis de répondre à ce moyen ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée ".
5. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeF..., née en 1975 au Cameroun, de nationalité camerounaise, est entrée en France en 2004 et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire ; que sa demande de carte de séjour temporaire présentée le 29 mai 2007, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11, a été rejetée par le préfet de police, qui a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'à la suite de la naissance, le 25 janvier 2008, de son enfant Pangop BonifaceF..., Mme F...a sollicité du préfet de police la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 6° du même article, en faisant valoir que l'enfant avait fait l'objet d'une reconnaissance de paternité, le 14 décembre 2007, par un ressortissant français, M. D...H...A...; que Mme F...a ultérieurement donné naissance, le 2 septembre 2009 à un deuxième enfant, Julien, JordanB..., reconnu le 4 septembre 2009 par M. E...Panemi, de nationalité camerounaise ; que Mme F...a indiqué dans ses écritures d'appel qu'à l'époque de la grossesse et de la naissance de son fils Pangop, elle vivait en concubinage avec M. B... depuis dix ans ; qu'il résulte par ailleurs des pièces versées au dossier par le préfet de police que M. D...A...a expressément déclaré ne pas être le père biologique de l'enfant Pangop Boniface F...et avoir frauduleusement reconnu la paternité de cet enfant, en contrepartie d'une rétribution versée par Mme F...; que M. A...a souscrit une déclaration manuscrite à cet effet, ainsi qu'il ressort du compte rendu d'enquête des services de police du 1er décembre 2009 ;
7. Considérant qu'au regard de ces éléments précis et concordants, et alors que Mme F...se borne à soutenir que, à supposer que la reconnaissance de paternité soit frauduleuse, cette fraude lui serait étrangère, et ne fournit aucun élément permettant de retenir que M. A...serait effectivement le père de son fils Pangop, le préfet de police doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. A...à l'égard de l'enfant Pangop F...avait un caractère frauduleux ; que, par suite, le préfet de police, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondé à refuser, pour ce motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par MmeF..., alors même qu'à la date de ce refus, cet enfant n'avait pas été déchu de la nationalité française ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur une méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 pour annuler son arrêté du 23 février 2010 ;
8. Considérant qu'il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme F...;
9. Considérant que le signataire de l'arrêté attaqué bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ; que cet arrêté a ainsi été pris par une autorité compétente ;
10. Considérant que l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ;
11. Considérant que la circonstance que certaines mentions de l'arrêté attaqué seraient entachées d'erreurs matérielles est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;
12. Considérant que, eu égard au motif qui le fonde, l'arrêté contesté n'a pas porté au respect de la vie privée et familiale de Mme F...une atteinte excessive au regard des buts poursuivis par le préfet de police et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ni celles de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
13. Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 janvier 2011, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 23 février 2010 ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction de Mme F...et celles qui tendent à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 2 mars 2012 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 janvier 2011 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme F...devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme G...F....
ECLI:FR:XX:2013:358835.20130610
1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA00651 du 2 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête du préfet de police tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 1008906/6-2 du 4 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris avait annulé son arrêté du 23 février 2010 refusant de délivrer à Mme F...un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire et, d'autre part, au rejet de la demande présentée par Mme F...devant le tribunal administratif ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'appel du préfet de police ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mai 2013, présentée par le ministre de l'intérieur ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Camille Pascal, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de Mme F...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 23 février 2010, le préfet de police a refusé à MmeF..., ressortissante camerounaise, la délivrance de la carte de séjour temporaire qu'elle avait sollicitée sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de ce qu'elle était mère d'un enfant de nationalité française, Pangop Boniface-Junior NathanF..., et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que cette décision était fondée sur la circonstance que la reconnaissance de l'enfant était entachée de fraude et avait été effectuée aux seules fins d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou d'acquérir ou de faire acquérir la nationalité française, ce qui constituait un délit réprimé par l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par jugement du 4 janvier 2011, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 23 février 2010 à la demande de Mme F...et a enjoint au préfet de police de délivrer une carte de séjour temporaire à l'intéressée ; que, par l'arrêt attaqué du 2 mars 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel du préfet de police dirigé contre ce jugement ;
2. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour s'est fondée, pour rejeter l'appel du préfet de police, sur le motif tiré de ce que les pièces produites au dossier n'établissaient pas que l'enfant aurait été déchu de sa nationalité française ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le ministre de l'intérieur soutenait en appel que la fraude ayant entaché la reconnaissance de paternité de l'enfant Pangop F...justifiait légalement la décision de refus de titre de séjour opposée à MmeF..., alors même que cet enfant n'aurait pas encore été déchu de sa nationalité française à la date de la décision contestée ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris a omis de répondre à ce moyen ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée ".
5. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeF..., née en 1975 au Cameroun, de nationalité camerounaise, est entrée en France en 2004 et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire ; que sa demande de carte de séjour temporaire présentée le 29 mai 2007, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11, a été rejetée par le préfet de police, qui a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'à la suite de la naissance, le 25 janvier 2008, de son enfant Pangop BonifaceF..., Mme F...a sollicité du préfet de police la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 6° du même article, en faisant valoir que l'enfant avait fait l'objet d'une reconnaissance de paternité, le 14 décembre 2007, par un ressortissant français, M. D...H...A...; que Mme F...a ultérieurement donné naissance, le 2 septembre 2009 à un deuxième enfant, Julien, JordanB..., reconnu le 4 septembre 2009 par M. E...Panemi, de nationalité camerounaise ; que Mme F...a indiqué dans ses écritures d'appel qu'à l'époque de la grossesse et de la naissance de son fils Pangop, elle vivait en concubinage avec M. B... depuis dix ans ; qu'il résulte par ailleurs des pièces versées au dossier par le préfet de police que M. D...A...a expressément déclaré ne pas être le père biologique de l'enfant Pangop Boniface F...et avoir frauduleusement reconnu la paternité de cet enfant, en contrepartie d'une rétribution versée par Mme F...; que M. A...a souscrit une déclaration manuscrite à cet effet, ainsi qu'il ressort du compte rendu d'enquête des services de police du 1er décembre 2009 ;
7. Considérant qu'au regard de ces éléments précis et concordants, et alors que Mme F...se borne à soutenir que, à supposer que la reconnaissance de paternité soit frauduleuse, cette fraude lui serait étrangère, et ne fournit aucun élément permettant de retenir que M. A...serait effectivement le père de son fils Pangop, le préfet de police doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. A...à l'égard de l'enfant Pangop F...avait un caractère frauduleux ; que, par suite, le préfet de police, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondé à refuser, pour ce motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par MmeF..., alors même qu'à la date de ce refus, cet enfant n'avait pas été déchu de la nationalité française ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur une méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 pour annuler son arrêté du 23 février 2010 ;
8. Considérant qu'il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme F...;
9. Considérant que le signataire de l'arrêté attaqué bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ; que cet arrêté a ainsi été pris par une autorité compétente ;
10. Considérant que l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ;
11. Considérant que la circonstance que certaines mentions de l'arrêté attaqué seraient entachées d'erreurs matérielles est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;
12. Considérant que, eu égard au motif qui le fonde, l'arrêté contesté n'a pas porté au respect de la vie privée et familiale de Mme F...une atteinte excessive au regard des buts poursuivis par le préfet de police et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ni celles de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
13. Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 janvier 2011, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 23 février 2010 ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction de Mme F...et celles qui tendent à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 2 mars 2012 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 janvier 2011 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme F...devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme G...F....