Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 22/05/2013, 356903

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 20 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la fédération Interco CFDT, la fédération des services publics CGT et la fédération autonome de la fonction publique territoriale ; la fédération Interco CFDT et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 19 décembre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté leur demande tendant à la prise en compte de leur opposition au protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs pompiers professionnels et à l'annulation de ce protocole d'accord et, d'autre part, le protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs pompiers professionnels ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée avant et après les conclusions à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la Fédération Interco CFDT ;




1. Considérant qu'aux termes de l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " I. - Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour participer au niveau national à des négociations relatives à l'évolution des rémunérations et du pouvoir d'achat des agents publics avec les représentants du Gouvernement, les représentants des employeurs publics territoriaux et les représentants des employeurs publics hospitaliers. / II. - Les organisations syndicales de fonctionnaires ont également qualité pour participer, avec les autorités compétentes, à des négociations relatives : / (...) 2° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle ; / (...) III. - Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation. (...) / IV. - Un accord est valide s'il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50% du nombre des voix lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l'accord est négocié. " ; qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 5 juillet 2010 : " I. - Le IV de l'article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2013. / II. - Avant l'entrée en vigueur du IV du même article 8 bis, la validité d'un accord est subordonnée au respect de l'une ou l'autre des conditions suivantes : / 1° Il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins 50% du nombre des voix ; / 2° Il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au total au moins 20% du nombre des voix et ne rencontre pas l'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales parties prenantes à la négociation représentant au total une majorité des voix./ Pour l'application du présent II, sont prises en compte les voix obtenues par les organisations syndicales de fonctionnaires lors des dernières élections professionnelles au niveau où l'accord est négocié. " ;

2. Considérant que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a conclu, le 23 septembre 2011, avec quatre organisations syndicales et une association, un protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs pompiers professionnels ; que, le 23 novembre 2011, la fédération Interco CFDT et deux autres organisations syndicales ont présenté au ministre une demande tendant, d'une part, à la prise en compte de leur opposition au protocole d'accord, qui, selon elles, privait celui-ci d'effet, et, d'autre part, à l'annulation du protocole d'accord ; que la fédération Interco CFDT et les deux autres organisations syndicales demandent l'annulation pour excès de pouvoir du protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs pompiers professionnels ainsi que de la décision du ministre du 19 décembre 2011 rejetant leur demande du 23 novembre;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du protocole d'accord :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une juridiction administrative, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions. " ;

4. Considérant que le protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs pompiers professionnels, qui consiste, d'une part, en une série d'annonces de nature statutaire et, d'autre part, en une série d'engagements tenant notamment à la promotion, à la revalorisation de la prime de responsabilité, à la modernisation du cadre d'emplois des services de santé et de secours médical et à la révision de la formation, est dépourvu de portée juridique et ne constitue pas un acte faisant grief susceptible de recours devant le juge administratif ; que, dès lors, les demandes de la fédération Interco CFDT et des deux autres organisations syndicales requérantes tendant à l'annulation du protocole d'accord et de la décision du ministre du 19 décembre 2011 en tant qu'elle rejette leur demande d'annulation de ce protocole sont entachées d'une irrecevabilité insusceptible d'être couverte en cours d'instance ; qu'elles doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions relatives à l'opposition au protocole d'accord :

5. Considérant que les dispositions précitées de la loi du 5 juillet 2010 définissent les conditions que doivent respecter les accords signés avec des organisations syndicales pour être valides ; qu'une organisation syndicale, qui fait valoir auprès du ministre qu'elle s'oppose à un accord et que les conditions ne sont pas réunies pour que celui-ci soit valide, est recevable à contester, devant le juge de l'excès de pouvoir, la décision du ministre refusant de prendre en compte son opposition, qui a le caractère d'une décision faisant grief ; que, toutefois, la demande tendant à l'annulation d'une telle décision, qui n'est pas réglementaire, relève de la compétence du tribunal administratif territorialement compétent ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 312-1 du code de justice administrative, ce tribunal est le tribunal administratif de Paris ; que le jugement de la requête des organisations syndicales requérantes sur ce point doit, par suite, lui être renvoyé ;

Sur l'intervention de l'union syndicale solidaire unitaire démocratique des services départementaux d'incendie et de secours de France et des DOM-TOM :

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intervention de l'union syndicale solidaire unitaire démocratique des services départementaux d'incendie et de secours de France et des DOM-TOM est irrecevable en tant qu'elle tend à l'annulation du protocole d'accord et de la décision du ministre du 19 décembre 2011 rejetant la demande d'annulation de ce protocole ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'union syndicale solidaire unitaire démocratique des services départementaux d'incendie et de secours de France et des DOM-TOM au soutien des conclusions de la requête tendant à l'annulation du protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs pompiers professionnels et de la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 19 décembre 2011 en tant qu'elle rejette la demande d'annulation de ce protocole n'est pas admise.
Article 2 : Les conclusions de la requête de la fédération Interco CFDT et autres tendant à l'annulation du protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs pompiers professionnels et de la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 19 décembre 2011 en tant qu'elle rejette leur demande d'annulation de ce protocole sont rejetées.
Article 3 : Le jugement du surplus des conclusions de la requête est renvoyé au tribunal administratif de Paris.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la fédération Interco CFDT, à la fédération des services publics CGT, à la fédération autonome de la fonction publique territoriale, à l'union syndicale solidaire unitaire démocratique des services départementaux d'incendie et de secours de France et des DOM-TOM, au ministre de l'intérieur et au président du tribunal administratif de Paris.

ECLI:FR:CESSR:2013:356903.20130522
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