Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 02/05/2013, 12DA00494, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 mars 2012 et régularisée par la production de l'original le 3 avril 2012, présentée pour la société Palchem, dont le siège est situé 19 rue Voltaire à Souchez (62153), pour la société Spéchinor, dont le siège est situé 16 rue Transvaal à Angres (62143), et pour la SCI Cellier, dont le siège est situé hameau de Launay à Connigis (02330), par Me Charles Papon, avocat ;

La société Palchem, la société Spéchinor et la SCI Cellier demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808279 du 31 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune d'Angres en date du 27 novembre 2006 approuvant le plan local d'urbanisme ainsi que la décision du 15 octobre 2008 par laquelle le maire de la commune d'Angres a refusé de procéder à l'abrogation de cette délibération ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre à la commune d'Angres de procéder à l'abrogation du plan local d'urbanisme dans son entier, ou à tout le moins, en tant qu'il classe en zone naturelle les parcelles AI 148 et AI 149, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Angres une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 5 avril 2013, confirmée par la production de l'original le 18 avril 2013, présentée pour les sociétés Palchem, Spéchinor et Cellier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller,

- les conclusions de M. David Moreau, rapporteur public,

- et les observations de Me Charles Papon, avocat des sociétés Palchem, Spéchinor et Cellier, et de Me Daniel Joseph, avocat de la commune d'Angres ;


1. Considérant que la société Palchem, la société Spéchinor et la SCI Cellier relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 31 janvier 2012 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 27 novembre 2006 par laquelle le conseil municipal d'Angres a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune ainsi que de la décision du 15 octobre 2008 par laquelle le maire d'Angres a refusé de faire droit à leur demande d'abrogation de ce plan, dans sa totalité ou, à tout le moins, en tant qu'il classe en zone N les parcelles AI 148 et AI 149 ;

2. Considérant que le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme alors applicable : " (...) les plans locaux d'urbanisme (...) déterminent les conditions permettant d'assurer : / (...) / 3° Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux, la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature " ;

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme alors applicable : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels " ;

5. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que s'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation sur ces différents points peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du rapport de présentation du plan local d'urbanisme que la commune d'Angres a choisi de maîtriser son développement urbain en affirmant sa volonté de conforter les espaces naturels de son territoire en créant " des zones tampons " entre le tissu urbain et les espaces agricoles ou boisés et en valorisant la trame verte définie par la communauté de communes du Val-de-Souchez ; qu'elle a ainsi décidé d'étendre la protection de l'espace boisé naturel situé au Sud-Ouest du tissu urbain de la commune ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme de la commune ne tient pas compte de la nécessité d'assurer la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature, et notamment ceux liés à la présence de l'activité de la société Palchem et d'anciens carreaux de mines ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les sociétés requérantes font valoir que le classement de la parcelle AI 148, appartenant à la SCI Cellier, en zone naturelle n'est pas justifié par son caractère boisé et ne permet pas d'assurer la prévention des risques technologiques générés par l'installation de fabrication de spécialités de chimie classée SEVESO seuil bas présente sur cette parcelle ; qu'elles soulignent que la société Palchem, exploitante de cette activité, se trouverait désormais dans l'impossibilité d'assurer, dans des conditions optimales, le stockage des produits dangereux, pour leur toxicité et leur caractère inflammable, et précisent que, conformément aux prescriptions de l'arrêté préfectoral du 4 mars 1998 autorisant la société à exploiter l'installation classée et aux recommandations de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, une distance minimale de 30 mètres doit être respectée entre les bâtiments de production et ceux de stockage et que seule la parcelle AI 148 permettrait de répondre à cette contrainte ; qu'il ne résulte toutefois pas des pièces du dossier que le classement en zone naturelle de la parcelle AI 148 ferait obstacle au maintien de l'exercice de l'activité autorisée au titre des installations classées ou qu'il serait contraire à l'objectif de prévention des risques technologiques poursuivis par le plan local d'urbanisme ; que les sociétés appelantes ne peuvent utilement se prévaloir des termes d'une circulaire ministérielle du 26 février 2008 relative à la maîtrise de l'urbanisme autour des stockages de produits agro-pharmaceutiques préconisant la définition d'un rayon de 100 à 200 mètres dans les zones immédiatement environnantes des sites industriels, qui, en tout état de cause, sont sans effet sur le choix du zonage opéré, ni davantage d'une évolution possible de la réglementation concernant les installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'en outre et contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle AI 148 est en grande partie boisée ; que, par suite, en classant la parcelle AI 148 en zone N, et alors même qu'elle serait désormais entourée d'une clôture et continuerait de présenter une utilité pour la poursuite de l'activité de la société Palchem, les auteurs du plan local d'urbanisme d'Angres n'ont pas entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, en troisième lieu, que les sociétés appelantes soutiennent que les auteurs de la révision du plan local d'urbanisme, en classant la parcelle AI 149 en zone naturelle, n'ont tenu compte ni de sa situation par rapport au secteur boisé, ni des risques pour la sécurité publique liés à l'existence d'un ancien site minier comportant des cavités souterraines qui rendent le sol instable ; que si le dossier départemental des risques majeurs du Pas-de-Calais de décembre 2004, repris sur ce point par le schéma de cohérence et d'organisation du territoire approuvé le 11 février 2008, relève l'existence de risques spécifiques à cette ancienne activité d'extraction de la houille, il souligne que ces risques, notamment ceux liés à l'affaissement de terrains, sont identifiés et stabilisés ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que, conformément aux préconisations des Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais, le plan local d'urbanisme a établi les périmètres de protection autour des puits de mine, lesquels sont constitutifs du risque le plus important pour la sécurité ; que la présence de vestiges de l'ancienne concession minière, d'un château d'eau, d'une antenne-relais de téléphonie mobile et d'une voie de desserte ne modifient pas les caractéristiques de la parcelle qui est principalement boisée et qui se situe en continuité avec un vaste espace boisé s'étirant en triangle vers le Sud-Ouest de la commune ; que, dans ces conditions et alors même que le classement prévoit l'aménagement d'aires de promenades et de loisirs, la commune d'Angres n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en classant la parcelle AI 149 (devenu AI 163) en zone naturelle non constructible ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif a rejeté leur demande ;

10. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge solidaire des sociétés Palchem, Spéchinor et Cellier le versement à la commune d'Angres d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle, en revanche, à ce que soit mise à la charge de la commune d'Angres, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les sociétés appelantes demandent sur ce même fondement ;



DÉCIDE :



Article 1er : La requête de la société Palchem, de la société Spéchinor et de la SCI Cellier est rejetée.

Article 2 : La société Palchem, la société Spéchinor et la SCI Cellier verseront solidairement à la commune d'Angres une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Palchem, à la société Spéchinor, à la SCI Cellier et à la commune d'Angres.

Copie sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
''
''
''
''
2
N°12DA00494



Retourner en haut de la page