Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 28/03/2013, 347794

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 23 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant..., ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1002476 du 14 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ordonner au préfet de la Haute-Garonne, sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, de lui attribuer un logement adapté à ses besoins et à ses capacités, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de MmeB...,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de Mme B...;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeB..., bénéficiaire d'une décision favorable de la commission de médiation de la Haute-Garonne pour l'attribution d'un logement, a saisi le tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habilitation, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne d'exécuter cette décision en lui attribuant un logement correspondant à ses besoins et à ses capacités ; que le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 14 octobre 2010 au motif que, Mme B... ayant refusé de se voir appliquer la mesure d'accompagnement social dont la commission de médiation avait assorti sa décision, elle n'avait pas mis l'administration en mesure d'exécuter la décision de la commission ; que la mesure d'accompagnement social était justifiée par le fait que Mme B...avait fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion du juge du tribunal d'instance de Toulouse en date du 23 septembre 2008 en raison des nuisances sonores dont elle avait été l'auteur, de jour comme de nuit, pendant deux ans ;

2. Considérant que si les dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation prévoient que le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, saisi d'un recours présenté sur le fondement de ces dispositions, statue dans un délai de deux mois, elles n'ont pas pour effet de rendre irrégulier un jugement prononcé après l'expiration de ce délai ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 441-2-3-1, dès lors que le tribunal administratif a statué au-delà du délai de deux mois qui lui était imparti par les dispositions de cet article, doit être écarté ;

3. Considérant le moyen tiré de ce que Mme B...n'aurait pas reçu communication du mémoire en défense du préfet de la Haute-Garonne manque en fait ;

4. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation : " (...) Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement, ainsi que, le cas échéant, les mesures de diagnostic ou d'accompagnement social nécessaires. Elle notifie par écrit au demandeur sa décision qui doit être motivée. (...)/ La commission de médiation transmet au représentant de l'Etat dans le département la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement. / (...) Le représentant de l'Etat dans le département désigne chaque demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande. ( ...) / En cas de refus de l'organisme de loger le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département qui l'a désigné procède à l'attribution d'un logement correspondant aux besoins et aux capacités du demandeur sur ses droits de réservation. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction en vigueur à la date du jugement attaqué : " I.-Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence et qui n'a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l'Etat et peut assortir son injonction d'une astreinte " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le juge, saisi sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, doit, s'il constate qu'un demandeur de logement a été reconnu par une commission de médiation comme prioritaire et devant être logé ou relogé d'urgence et que ne lui a pas été offert un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités définis par la commission, ordonner à l'administration de loger ou reloger l'intéressé, sauf si cette dernière apporte la preuve que l'urgence a complètement disparu ; que, toutefois, un comportement de nature à faire obstacle à l'exécution par le préfet de la décision de la commission de médiation peut délier l'administration de l'obligation de résultat qui pèse sur elle ; que, lorsque, sur le fondement du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la commission de médiation détermine des mesures d'accompagnement social qu'elle estime nécessaires, le refus de suivre un tel accompagnement social est un comportement de nature à délier l'administration de l'obligation de résultat qui pèse sur elle ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le refus de Mme B...de suivre un accompagnement social la privait du droit de faire exécuter la décision de la commission de médiation considérant comme prioritaire et urgente sa demande de relogement n'est pas fondé ;

6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le pourvoi de Mme B...doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi présenté par Mme B...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B...et à la ministre de l'égalité des territoires et du logement.


ECLI:FR:CESSR:2013:347794.20130328
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