Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 28/03/2013, 341269
Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 28/03/2013, 341269
Conseil d'État - 4ème et 5ème sous-sections réunies
- N° 341269
- ECLI:FR:CESSR:2013:341269.20130328
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
jeudi
28 mars 2013
- Rapporteur
- M. Jérôme Marchand-Arvier
- Avocat(s)
- SCP DELVOLVE, DELVOLVE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance du 20 mars 2012 par laquelle le président de la 4ème sous - section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de Mme A... B...dirigées contre l'ordonnance n° 1003416 du 16 mars 2010 de la présidente de la 7ème section du tribunal administratif de Paris en tant que cette décision a jugé irrecevables ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la carence de l'administration à la suite de la décision de la commission départementale de médiation de Paris du 24 octobre 2008 l'ayant reconnue comme prioritaire et devant être relogée d'urgence ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2012, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet du pourvoi ; il soutient que la présidente de section du tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant irrecevables les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... dans le cadre de la procédure spécifique du droit au logement opposable ;
Vu les pièces dont il résulte que le pourvoi a été communiqué au Premier ministre, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 mars 2013, présentée pour Mme B... ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de MmeB...,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de Mme B...;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le droit à un logement décent et indépendant (...) est garanti par l'Etat à toute personne qui (...) n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. / Ce droit s'exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et les articles L. 441-2-3 et L.441-2-3-1 " ; qu'aux termes de l'article L. 441-2-3-1 du même code : " I.-Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence et qui n'a pas reçu (...) une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. / (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne statue en urgence, dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroule sans conclusions du commissaire du Gouvernement. / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l'Etat et peut assortir son injonction d'une astreinte. / (...) / III. - Lorsque la juridiction administrative est saisie d'un recours dans les conditions prévues au I, elle peut ordonner l'accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale " ; qu'aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...). La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 " ;
2. Considérant que les dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation ne donnent compétence au juge saisi en vertu de ces dispositions que pour ordonner le logement ou le relogement, le cas échéant sous astreinte, de la personne reconnue par la commission de médiation comme prioritaire et devant être logée d'urgence lorsque cette personne n'a pas reçu d'offre tenant compte de ses besoins et de ses capacités et que l'urgence reconnue par la commission n'a pas disparu ; qu'en revanche, ce juge ne peut être saisi de conclusions mettant en cause la responsabilité de l'Etat à raison de sa carence dans la mise en oeuvre du droit au logement opposable, de telles conclusions ne pouvant être utilement présentées devant le tribunal administratif, statuant comme juge de droit commun du contentieux administratif, que dans le cadre d'une requête distincte ; que, toutefois, en présence de telles conclusions, le juge saisi en vertu des dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, est tenu, en application de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, d'inviter son auteur à les régulariser en les présentant dans le cadre d'une requête distincte ; que, dès lors, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ne pouvait rejeter les conclusions par lesquelles Mme B... lui demandait de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle imputait à la carence de l'administration dans l'exécution de la décision de la commission départementale de médiation de Paris du 24 octobre 2008 l'ayant reconnue comme prioritaire et devant être relogée d'urgence, sans l'avoir préalablement invitée à régulariser ses conclusions par la production d'une requête distincte ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, son ordonnance doit être annulée ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 16 mars 2010 de la présidente de la 7ème section du tribunal administratif de Paris en tant qu'elle a jugé irrecevables les conclusions indemnitaires présentées par Mme B...est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., au Premier ministre et à la ministre de l'égalité des territoires et du logement.