COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 1ère chambre - formation à 3, 04/12/2012, 12LY01445, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la décision n° 341314, en date du 24 avril 2012, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour la société Eiffage Immobilier Centre Est, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon n° 08LY00245 du 29 juin 2010 faisant droit à l'appel formé par la commune de Saint-Genis-Pouilly contre le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 0505627 du 29 novembre 2007 et a renvoyé à la Cour le jugement de l'affaire ;

Vu la requête, initialement enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 08LY00245 et désormais enregistrée sous le n° 12LY01445, présentée pour la commune de Saint-Genis-Pouilly par la SCP Vedesi ;

La commune de Saint-Genis-Pouilly demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 0505627, en date du 29 novembre 2007, qui l'a condamnée à verser à la société Eiffage Immobilier Centre Est la somme de 500 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2004 ;

2°) de rejeter la demande présentée au tribunal administratif de Lyon par la société Eiffage Immobilier Centre Est ;

3°) de condamner la société Eiffage Immobilier Centre Est à lui verser la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la demande de la société Eiffage Immobilier Centre Est aurait dû être déclarée irrecevable, la délégation consentie à M. , directeur immobilier, pour la représenter étant excessivement générale et imprécise ; que cette représentation a d'ailleurs évolué en cours d'instance, la société Eiffage Immobilier Centre Est ayant initialement indiqué agir par l'intermédiaire de son dirigeant légal ; que, sur le fond, la décision de sursis à statuer opposée le 9 février 2004 n'est entachée d'aucune illégalité et ne saurait donc engager la responsabilité de l'exposante ; que le projet de construction était manifestement contraire aux orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable, qui subordonnent le développement urbain à l'amélioration des conditions de stationnement et à la préservation du bâti ; que le projet de plan local d'urbanisme était suffisamment avancé pour permettre d'opposer une décision de sursis à statuer sur le fondement des articles L. 111-7 et L. 123-6 du code de l'urbanisme ; que les premiers juges ont en revanche à bon droit écarté l'allégation d'agissements fautifs ; que les autorités communales, si elles ont apporté leur soutien au premier projet de la société Eiffage Immobilier Centre Est, consistant en la construction d'une maison d'accueil pour personnes âgées dépendantes, n'ont donné aucune assurance quant à son aboutissement ni formulé quelque incitation que ce soit ; qu'elles n'ont aucunement encouragé son deuxième projet, relatif à la construction d'un ensemble de 52 logements et deux commerces ; que le refus de permis de construire, qui n'a d'ailleurs jamais été contesté, n'encourt aucune critique, le projet en cause étant contraire aux articles UAh 11 et UAh 12 du règlement du plan d'occupation des sols alors en vigueur, ainsi qu'aux dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; qu'il dénaturait la ferme et ne prévoyait aucune place de stationnement ; que la société Eiffage Immobilier Centre Est ne peut sérieusement prétendre avoir été incitée à présenter son troisième projet, de même nature que le deuxième ; qu'en tant que professionnelle, elle ne pouvait ignorer les aléas inhérents à tout projet immobilier et, en négligeant la portée des règles d'urbanisme, a commis une imprudence qui est seule cause du préjudice invoqué ; qu'elle a d'ailleurs d'elle-même renoncé à son premier projet ; que l'allégation selon laquelle elle aurait été dissuadée de présenter un quatrième projet est dépourvue de tout commencement de preuve et au demeurant contradictoire ; que le permis de construire ne pouvait en tout état de cause qu'être refusé, la société Eiffage Immobilier Centre Est n'ayant pas justifié d'un titre l'habilitant à demander ce permis, en méconnaissance de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur ; que son dossier ne satisfaisait pas aux exigences de l'article R. 421-2, dès lors qu'y faisaient défaut, d'une part, la localisation des arbres à abattre et à planter, d'autre part, une représentation de la situation à l'achèvement des travaux puis à long terme ; que le projet litigieux méconnaissait par ailleurs l'article UA 1.2 du règlement du plan d'occupation des sols relatif à la préservation du bâti remarquable, ainsi que les articles 5 et 6 des dispositions générales du même règlement relatifs aux secteurs de nuisances sonores, dans lesquels sont exigés des dispositifs d'isolement acoustique ; que le manque à gagner allégué n'est pas démontré ; que la société Eiffage Immobilier Centre Est n'a jamais établi avoir effectivement acquitté les frais notariés, frais d'études et honoraires dont elle réclame le remboursement, et ne précise d'ailleurs pas à quel projet ces dépenses se sont rapportées ; que les frais d'avocat ne peuvent donner lieu à remboursement que dans le cadre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ne sont donc pas un élément du préjudice indemnisable ;

Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire, enregistré le 6 octobre 2008, présenté pour la société Eiffage Immobilier Centre Est par Me Vergonjeanne, concluant au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Saint-Genis-Pouilly à lui verser la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la délégation consentie à M. n'est ni générale ni absolue ; que si une décision de sursis à statuer opposée à une demande de permis de construire peut éventuellement prendre appui sur de simples orientations du projet d'aménagement et de développement durable, c'est à la condition qu'elles définissent avec précision un objectif de mise en valeur de la zone concernée ; que cette condition n'est nullement remplie en l'espèce ; que le maire n'aurait pu refuser le permis de construire par les motifs vainement exposés dans le mémoire d'appel ; qu'en vertu de l'article R. 421-3 alors en vigueur du code de l'urbanisme, il lui appartenait, s'il estimait le dossier incomplet, de l'inviter à produire les pièces manquantes ; que le projet, respectueux du bâti existant et bien inséré, ne méconnaissait en rien les articles UA 1.2 et UA 11 du règlement du plan d'occupation des sol ; que la dénonciation du compromis de vente, par les propriétaires du terrain, est la conséquence directe de la décision litigieuse opposant le sursis à statuer ; que ce terrain a finalement été cédé à un autre promoteur ; que le Tribunal a fait une juste appréciation du préjudice subi, à partir de justificatif probants, sincères et mesurés ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre 2008, présenté pour la commune de Saint-Genis-Pouilly, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 septembre 2009, présenté pour la société Eiffage Immobilier centre Est, concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2010, présenté pour la commune de Saint-Genis-Pouilly, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que le lien de causalité entre la décision de sursis à statuer du 9 février 2004 et le préjudice allégué est anéanti par une attestation du propriétaire du terrain litigieux selon laquelle la société Eiffage Immobilier Centre Est a elle-même voulu mettre fin au compromis de vente dans le but d'engager la présente action en responsabilité ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 juillet 2012, présenté pour la commune de Saint-Genis-Pouilly, concluant à ce que la Cour atténue sa responsabilité dans la proportion des deux tiers ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2012, présenté pour la société Eiffage Immobilier, concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient que la commune de Saint-Genis-Pouilly ne conteste pas l'illégalité fautive commise par son maire ; que la décision du Conseil d'Etat impose de relever l'existence du lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi ; qu'elle s'est bornée à solliciter un permis de construire pour un projet qui respectait la règlementation d'urbanisme et n'a donc commis aucune faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ; que le projet était en effet réalisable lorsque la décision de sursis y a illégalement fait obstacle ; qu'il s'inscrivait dans un contexte d'attractivité commerciale et bénéficiait des économies d'échelle résultant de la proximité de la zone d'aménagement concerté du Bordeau, confiée à l'exposante ; que le marché de l'immobilier, dans le pays de Gex, était alors très dynamique ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :

- le rapport de M. Zupan, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Eard, représentant la SCP Vedesi, avocat de la commune de Saint-Genis-Pouilly, et celles de Me Brocheton, avocat de la société Eiffage Immobilier Centre Est ;


1. Considérant que la société Eiffage Immobilier Centre Est, alors dénommée société Eiffage Immobilier Rhônes-Alpes Auvergne, titulaire d'un compromis de vente conclu le 2 décembre 2002 portant sur un terrain bâti sis rue de Lyon à Saint-Genis-Pouilly, a initialement envisagé d'y édifier une maison d'accueil pour personnes âgées dépendantes ; qu'après avoir renoncé à ce projet, elle a présenté une première demande de permis de construire en vue de la réhabilitation du bâti existant et l'édification d'un nouvel immeuble collectif, l'ensemble totalisant 52 logements et deux commerces, qui a été rejetée par arrêté du maire de Saint-Genis-Pouilly du 21 octobre 2003 ; que ce dernier a ensuite opposé, le 9 février 2004, une décision de sursis à statuer pour une durée de deux ans à la seconde demande de permis de construire déposée par la société Eiffage Immobilier Centre Est, portant sur un projet de même nature, mais réduit à 44 logements et deux commerces ; que, par un courrier en date du 27 avril 2004, les propriétaires du terrain d'assiette du projet ont entendu, en raison de cette mesure, ne pas donner suite au compromis de vente ; que la société Eiffage Immobilier Centre Est a dès lors engagé une action en responsabilité contre la commune de Saint-Genis-Pouilly ; que cette dernière relève appel du jugement, en date du 29 novembre 2007, par lequel le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à verser à la société Eiffage Immobilier Centre Est la somme de 500 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2004, en réparation du préjudice résultant de l'échec de son projet immobilier ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant que la société Eiffage Immobilier Centre Est, société en nom collectif, a pour gérante la société en nom collectif Eiffage Immobilier, investie à ce titre, en vertu des articles L. 221-4 et L. 221-5 du code de commerce, du pouvoir d'engager toute action juridictionnelle jugée utile à la défense de ses intérêts, et qui a elle-même pour gérante la société par actions simplifiée Eiffage Construction ; qu'en raison de ce mode de gérance confiée à des personnes morales, la société Eiffage Immobilier Centre Est devait normalement être représentée à l'instance par le président de la société Eiffage Construction, agissant dans l'exercice des pouvoirs que lui confère l'article L. 227-6 du code de commerce ; que, cependant, ni les dispositions législatives susmentionnées, ni les statuts de la société Eiffage Immobilier Centre Est ne faisaient obstacle à ce que l'intéressé délègue à l'un de ses subordonnés cette fonction de représentation en justice, y compris au moyen d'une décision visant indistinctement l'ensemble des actions juridictionnelles et non pas spécifiquement celle portée devant le tribunal administratif de Lyon ; que la délégation dont il a ainsi investi M. , directeur immobilier de la région Centre Est, selon décision du 4 octobre 2004, est dépourvue de toute ambiguïté quant à son objet et à son champ d'application ; que, par suite, nonobstant la mention imprécise du mémoire introductif d'instance selon laquelle la demande était présentée par le " dirigeant légal en exercice " de la société Eiffage Immobilier Centre Est, cette dernière a été valablement représentée par M. devant le Tribunal ; que ladite demande a donc été à bon droit jugée recevable ;

Sur le fond :

En ce qui concerne les fautes imputées à la commune de Saint-Genis-Pouilly :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan " ; qu'en vertu de l'article L. 123-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, les plans locaux d'urbanisme " comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune " ; que si le projet d'aménagement et de développement durable n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation de construire, il appartient à l'autorité compétente de prendre en compte les orientations d'un tel projet, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan et, dans l'affirmative, opposer à la demande de permis de construire dont elle est saisie le sursis à statuer prévu par l'article L. 123-6 précité ; que l'arrêté du maire de Saint-Genis-Pouilly du 9 février 2004 décidant de surseoir à statuer pour une durée de deux ans sur la seconde demande de permis de construire de la société Eiffage Immobilier Centre Est mentionne la procédure alors en cours d'élaboration du plan local d'urbanisme, prescrite par délibération du 3 juillet 2001, puis indique que, " au vu des problèmes de stationnement existants générés par la zone d'aménagement concerté du Bordeau, le conseil municipal est amené à reconsidérer le zonage et le règlement du secteur qui sont devenus inadaptés " et que " le projet présenté est de nature à compromettre le site et à aggraver le problème de stationnement des véhicules et par conséquent le fonctionnement urbain du centre ville " ; que cet arrêté se réfère à ce titre aux " thématiques développées dans le projet d'aménagement et de développement durable qui visent, en particulier, à accompagner le développement de Saint-Genis-Pouilly vers le statut de petite ville, en créant les conditions d'un meilleur fonctionnement urbain en matière de transport, de déplacements et de stationnement et en garantissant les qualités urbaines et naturelles du cadre de vie, notamment en termes d'architecture (intégrant les constructions nouvelles), de paysages urbains, de préservation du bâti traditionnel " ; que ni les " thématiques " ainsi exposées, ni l'ensemble des orientations du projet d'aménagement et de développement durable, telles qu'elles étaient définies à la date de la décision en cause, dépourvue de toute indication propre au secteur concerné, ne traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme pour permettre la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ; que, par ailleurs, les perspectives d'évolution du zonage, dont seules les grandes lignes étaient alors ébauchées ainsi qu'il ressort notamment du compte-rendu d'une réunion de la commission d'urbanisme tenue le 24 septembre 2003, n'auguraient encore aucun changement pour le terrain litigieux ; qu'enfin, si l'arrêté contesté mentionne également que le projet examiné comporte la rénovation d'une ancienne bâtisse, la " Ferme " décrite comme le " dernier bâtiment de caractère du centre historique, qu'il convient de préserver ", il n'est pas motivé par l'atteinte susceptible de lui être portée ; qu'ainsi, comme l'énonce à bon droit le jugement attaqué, ledit arrêté est entaché d'illégalité ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Genis-Pouilly ;

4. Considérant, en revanche, que si le maire de Saint-Genis-Pouilly a manifesté son soutien au premier projet de la société Eiffage Immobilier Centre Est et a notamment pris l'attache du président du conseil général de l'Ain afin d'appuyer la demande d'agrément de la maison d'accueil pour personnes âgées dépendantes alors envisagée, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait formulé des promesses ou donné des assurances quant à l'issue favorable de ce projet, dont l'abandon ne résulte d'ailleurs d'aucune décision administrative, ou qu'il aurait exercé des pressions afin d'inciter cette société à en poursuivre l'élaboration ; que, de même, il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait ensuite, par son comportement, dissuadé la société Eiffage Immobilier Centre Est de présenter de nouveaux projets immobiliers ; qu'enfin, la légalité du refus de permis de construire opposé le 21 octobre 2003, motivé par l'atteinte portée à la " ferme " et par l'insuffisance du nombre de places de stationnement, n'a donné lieu à aucune contestation et n'est pas discutée, par voie d'exception, dans le cadre du présent litige ; qu'ainsi, la responsabilité de la commune de Saint-Genis-Pouilly n'est engagée qu'à raison de l'échec du dernier projet de la société Eiffage Immobilier Centre Est ;

En ce qui concerne le lien de causalité :

5. Considérant que le courrier susmentionné du 27 avril 2004 par lequel les propriétaires du terrain d'assiette du projet ont indiqué ne pas donner suite au compromis de vente qui les liait à la société Eiffage Immobilier Centre Est, dont ils avaient déjà accepté la prorogation à plusieurs reprises, s'en justifie expressément par la décision de sursis à statuer prise deux mois et demi plus tôt ; que l'attestation établie par l'une de ces personnes en mars 2010, de rédaction ambigüe et délivrée à la commune dans des conditions demeurées équivoques, ne peut suffire à établir que la société Eiffage Immobilier Centre Est aurait elle-même suscité ou précipité cette réaction des intéressés afin d'appuyer sa future action en responsabilité contre la commune ; qu'au demeurant, eu égard à la motivation précitée de l'arrêté du 9 février 2004, ladite société pouvait légitimement estimer que tout autre projet immobilier se heurterait désormais à une décision de même nature et ainsi renoncer elle-même au compromis de vente sans qu'il en résultât une rupture du lien de causalité entre ledit arrêté et le préjudice invoqué ;

6. Considérant, il est vrai, que la commune de Saint-Genis-Pouilly soutient que son maire, à défaut de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire de la société Eiffage Immobilier Centre Est, aurait été conduit à y opposer un refus en raison du caractère incomplet du dossier et de la méconnaissance, par la construction projetée, de certaines dispositions du règlement du plan d'occupation des sols ; que, toutefois, la commune n'aurait pu opposer un refus sur le fondement de l'article R. 421-1-1 alors en vigueur du code de l'urbanisme alors que la société pétitionnaire, qui disposait d'un compromis de vente, se présentait dans le formulaire de demande comme le propriétaire et devait donc être regardée comme ayant qualité à déposer ladite demande ; que, contrairement à ce qui est soutenu, les différents plans et la notice d'insertion contenus dans le dossier établi par la société Eiffage Immobilier Centre Est permettaient de déterminer l'emplacement des arbres à abattre ou à planter ; que les plantations envisagées ne comportant pas d'arbres de haute tige, les documents graphiques n'avaient pas à faire apparaître, comme l'imposait le 6° de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme en pareil cas uniquement, la représentation des espaces verts à l'achèvement des travaux et à long terme ; que, par ailleurs, l'autorité d'urbanisme ne pouvant légalement imposer de joindre aux demandes d'autorisations d'urbanisme d'autres documents que ceux dont les dispositions du code de l'urbanisme dressent limitativement la liste, la commune de Saint-Genis-Pouilly n'argue pas utilement de l'absence, dans le dossier en cause, de pièce justifiant du respect des mesures d'isolement acoustique imposées aux constructeurs du fait du classement du terrain d'assiette du projet en secteur exposé aux nuisances sonores ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le projet de restructuration de la " Ferme ", qui ne devait pas en modifier le volume et les principales caractéristiques architecturales, ait été contraire aux dispositions de l'article UA 1.2 du règlement du plan d'occupation des sols de Saint-Genis-Pouilly relatif à la préservation du " bâti remarquable " identifié comme tel par les documents graphiques ;

7. Considérant enfin qu'en se bornant à faire valoir qu'en tant que professionnelle de la construction, la société Eiffage Immobilier Centre Est ne pouvait ignorer la portée des règles d'urbanisme et les aléas inhérents à tout projet immobilier, la commune de Saint-Genis-Pouilly n'établit pas l'existence d'une faute imputable à cette société et de nature à atténuer sa propre responsabilité ;

En ce qui concerne le préjudice indemnisable :

8. Considérant que, pour retenir l'existence d'un manque à gagner subi par la société Eiffage Immobilier Centre Est sur la commercialisation des logements et locaux commerciaux projetés et l'évaluer à la somme de 500 000 euros, le tribunal a, à juste titre, admis la valeur probante du bilan financier prévisionnel établi par cette société à l'époque de l'élaboration du projet, qui définit avec précision les postes de charges et envisage une marge nette d'environ 7 %, conforme aux résultats généralement observés pour ce type d'opération et réaliste au regard du contexte local, marqué par la vitalité non contestée du marché de l'immobilier sur le territoire de la commune de Saint-Genis-Pouilly, dont la population a décuplé au cours des dernières décennies ; que, toutefois, la somme ainsi allouée, déterminée hors taxes conformément aux termes de la demande de la société Eiffage immobilier Centre Est, excède celle figurant sur le bilan financier prévisionnel susmentionné, soit 468 000 euros, et ne prend pas convenablement en compte l'aléa, expressément concédé par ce document lui-même, pesant sur le coût de la rénovation de la ferme ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments d'appréciation, ladite somme doit dès lors être ramenée à 350 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Genis-Pouilly est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué afin de ramener à 350 000 euros l'indemnité qu'il a accordée à la société Eiffage Immobilier Centre Est ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Genis-Pouilly, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la société Eiffage Immobilier Centre Est la somme qu'elle réclame en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Saint-Genis-Pouilly ;




DECIDE :


Article 1er : Le montant de l'indemnité allouée à la société Eiffage Immobilier Centre Est par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon n° 0505627 du 29 novembre 2007 est ramené de 500 000 à 350 000 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 0505627 du 29 novembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Genis-Pouilly et de la société Eiffage Immobilier Centre Est tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Genis-Pouilly et à la société Eiffage Immobilier Centre Est.


Délibéré après l'audience du 13 novembre 2012, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président de chambre,
M. Bézard, président,
M. Zupan, président-assesseur.
Lu en audience publique, le 4 décembre 2012.
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