Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 16/05/2012, 345137

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi, enregistré le 20 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN-ELBEUF-AUSTREBERTHE (CREA), venant aux droits de la communauté de l'agglomération rouennaise, dont le siège est à Norwich House, 14 bis, avenue Pasteur, BP 589 à Rouen cedex 1 (76006), représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN-ELBEUF-AUSTREBERTHE (CREA) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09DA01058-09DA01215 du 19 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à payer certaines sommes aux sociétés Eurovia Haute-Normandie et Colas Ile-de-France Normandie ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Eurovia Haute-Normandie et Colas Ile-de-France Normandie la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boulloche, avocat de la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION ROUEN-ELBEUF-AUSTREBERTHE et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société Eurovia Haute-Normandie et de la société Colas
Ile-de-France Normandie,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boulloche, avocat de la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION ROUEN-ELBEUF-AUSTREBERTHE et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société Eurovia Haute-Normandie et de la société Colas Ile-de-France Normandie ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un acte d'engagement du 22 décembre 1999, la communauté de l'agglomération rouennaise, aux droits de laquelle est venue la COMMUNAUTE DE L'AGGLOMERATION
ROUEN-ELBEUF-AUSTREBERTHE (CREA), a confié au groupement composé des sociétés Eurovia Normandie et Devaux, aux droits desquelles sont venues respectivement les sociétés Eurovia Haute-Normandie et Colas Ile-de-France Normandie, un marché comportant 7 lots et ayant pour objet la fourniture et la mise en oeuvre de la structure de la voirie du programme du transport est-ouest rouennais (TEOR) dans le secteur " A " ; que des réceptions partielles par lot sont intervenues le 9 février 2001 pour les lots n° 1 (plate-forme uniquement), n° 4 et n° 7 et le 21 mai 2001 pour les lots n° 1 (complet), n° 5, n° 6 et n° 9 ; que le décompte général et définitif notifié au groupement d'entreprises le 10 décembre 2007 incluait des pénalités de retard dans l'exécution du chantier pour la période allant du 19 janvier au 21 mai 2001 ; que par un jugement du 14 mai 2009, le tribunal administratif de Rouen a, retenant la date du 9 février 2001 comme date d'achèvement des travaux, réduit le montant de ces pénalités ; que, par un arrêt du 19 octobre 2010, la cour administrative d'appel de Douai a confirmé ce jugement ; que le pourvoi de la CREA doit être regardé comme dirigé contre cet arrêt en tant seulement qu'il a statué sur ses conclusions relatives aux pénalités de retard dans l'exécution du marché ;

Sur le pourvoi incident :

Considérant que si les constructeurs ont saisi le maître d'ouvrage d'une mise en demeure de présenter le décompte général, laquelle peut être regardée comme un mémoire en réclamation au sens de l'article 55-22 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, et si le silence gardé par le maître de l'ouvrage sur cette réclamation, à l'expiration d'un délai de trois mois, fait naître un refus d'établir un décompte général en application de l'article 50-31 du même cahier, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la saisine du juge par les constructeurs, après naissance de ce refus, en vue d'établir le décompte général du marché ne privait pas d'objet le litige sur les pénalités de retard infligées par le maître de l'ouvrage en cours d'instance ;

Sur le pourvoi principal :

En ce qui concerne l'arrêt en tant qu'il statue sur les pénalités de retard au titre des travaux supplémentaires prévus par l'ordre de service n° 13 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maître d'ouvrage a, par l'ordre de service n° 13, ordonné la réalisation des travaux supplémentaires correspondant à la planche n° 462, sans accorder aux constructeurs de délai d'exécution supplémentaire ; que la cour a jugé que ne pouvait justifier l'application de pénalités de retard, la circonstance que ces travaux n'étaient pas terminés à la date d'achèvement contractuellement fixée, au motif qu'ils n'étaient pas inclus dans le marché initial ; qu'en ne faisant pas application du délai d'exécution prévu au marché initial pour la réalisation des travaux supplémentaires prévus par l'ordre de service n° 13, sans rechercher si les constructeurs avaient émis des réserves sur ce délai d'exécution et si un accord était intervenu entre les parties pour ne pas soumettre leur réalisation au délai d'exécution prévu au marché initial ou pour les exclure du champ d'application des pénalités de retard contractuelles, la cour a commis une erreur de droit ;

En ce qui concerne l'arrêt en tant qu'il statue sur les pénalités de retard au titre des autres travaux :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les travaux ont fait l'objet de deux réceptions partielles successives, la première, fixée au 9 février 2001, concernant les lots n° 1 uniquement pour la plate-forme, n° 4 et n° 7, la seconde, fixée au 21 mai 2001, relative aux lots n° 1 (complet), n° 5, n° 6 et n° 9 ; qu'en retenant que l'ensemble des travaux pouvait être considéré comme achevé le 9 février 2001, au motif que, nonobstant une réception ultérieure d'autres lots, cette date correspondait à la prise de possession de l'ouvrage, sans rechercher s'il résultait de la commune intention des parties de fixer l'achèvement de l'ensemble des travaux à cette date, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la requérante relatives aux pénalités de retard dans l'exécution du marché ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 3 000 euros à la charge des sociétés Eurovia Haute-Normandie et Colas Ile-de-France Normandie en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 19 octobre 2010 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION
ROUEN-ELBEUF-AUSTREBERTHE (CREA) relatives aux pénalités de retard dans l'exécution du marché.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Le pourvoi incident des sociétés Eurovia Haute-Normandie et Colas Ile-de-France Normandie est rejeté.
Article 4 : Les sociétés Eurovia Haute-Normandie et Colas Ile-de-France Normandie verseront à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN-ELBEUF-AUSTREBERTHE (CREA) une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN-ELBEUF-AUSTREBERTHE (CREA) et aux sociétés Eurovia Haute-Normandie et Colas Ile-de-France Normandie.
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ECLI:FR:CESSR:2012:345137.20120516
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