Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 09/05/2012, 335613, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 09/05/2012, 335613, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État - 6ème et 1ère sous-sections réunies
- N° 335613
- ECLI:FR:CESSR:2012:335613.20120509
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
09 mai 2012
- Rapporteur
- M. Didier Ribes
- Avocat(s)
- SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 1er mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la SOCIETE GODET FRERES, dont le siège est au 34 quai Louis Durand à La Rochelle (17000) et la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS, dont le siège est au 1, rue du Duc à La Rochelle (17000) ; la SOCIETE GODET FRERES et la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS demandent au Conseil d'État :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07BX01643 du 16 novembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur le recours du ministre de l'écologie et du développement durable, d'une part, a annulé les articles 2 et 3 du jugement du 31 mai 2007 par lequel le tribunal administratif de Poitiers avait condamné l'État à verser à la SOCIETE GODET FRERES une indemnité de 676 748,35 euros, en réparation du préjudice subi du fait de la fermeture des installations de stockage d'alcool exploitées par cette société, d'autre part, a rejeté la demande présentée par la SOCIETE GODET FRERES devant le tribunal administratif de Poitiers, l'appel incident de cette société et celui de la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS, ainsi que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers et de condamner l'État au paiement des indemnités sollicitées devant les juges du fond ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 6 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 avril 2012, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 avril 2012, présentée pour la SOCIETE GODET FRERES et la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 avril 2012, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 avril 2012, présentée pour la SOCIETE GODET FRERES et la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIÉTÉ CHARENTAISE D'ENTREPOTS et de la SOCIÉTÉ GODET FRERES et de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIÉTÉ CHARENTAISE D'ENTREPOTS et de la SOCIÉTÉ GODET FRERES et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique " ; que l'article L. 513-1 du même code précise que " Les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d'un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation ou déclaration à la seule condition que l'exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l'année suivant la publication du décret. (...) " ; que l'article L. 514-7 du code de l'environnement dispose que : " Un décret en Conseil d'État, pris après avis du conseil supérieur des installations classées, peut ordonner la fermeture ou la suppression de toute installation, figurant ou non à la nomenclature, qui présente, pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, des dangers ou inconvénients tels que les mesures prévues par le présent titre ne puissent les faire disparaître " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que du cognac était produit depuis 1782 dans deux chais situés à la Rochelle rue du Duc et rue Saint-Claude, aujourd'hui dans le centre de la ville, près du vieux port ; que la SOCIETE GODET FRERES exploitait ces deux chais dont la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS était propriétaire ; qu'à la suite de la modification de la nomenclature des installations classées en 1999, ces installations ont été soumises à ce régime et ont bénéficié de l'antériorité aujourd'hui prévue par l'article L. 513-1 du code de l'environnement ; que, sur le fondement des dispositions de l'article L. 514-7 du code de l'environnement citées ci-dessus, un décret en date du 21 octobre 2004 a ordonné la fermeture des installations de stockage d'alcool exploitées par la SOCIETE GODET FRERES ; que la SOCIETE GODET FRERES et la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS ont recherché la responsabilité de l'Etat en raison des préjudices causés par cette fermeture ; que par un jugement du 31 mai 2007, le tribunal administratif de Poitiers a retenu le principe de la responsabilité sans faute de l'État et condamné ce dernier à verser à la SOCIETE GODET FRERES la somme de 676 748,35 euros en réparation du préjudice subi à l'occasion de la fermeture des installations exploitées par cette société ; que, saisie d'un appel du ministre de l'écologie et du développement durable et d'appels incidents des sociétés, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par un arrêt du 16 novembre 2009, d'une part, rejeté comme irrecevable l'appel incident de la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS et, d'autre part, annulé le jugement et rejeté la demande présentée par la SOCIETE GODET FRERES ; que la SOCIETE GODET FRERES et la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;
En ce qui concerne l'appel incident formé par la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS :
Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux a été saisie d'un appel principal par le ministre de l'écologie et du développement durable contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 31 mai 2007 en tant qu'il a condamné l'État à réparer une partie des préjudices résultant pour la SOCIETE GODET FRERES du décret du 21 octobre 2004 prononçant la fermeture des chais exploités par cette société ; que, saisie par la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS d'un appel incident contre le même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires, la cour l'a rejeté pour irrecevabilité, au motif que de telles conclusions procédaient d'un litige distinct ;
Considérant qu'il ressort de l'analyse des mémoires des parties faite par l'arrêt et des pièces du dossier soumis au juge du fond que les conclusions de l'appel principal et de l'appel incident portaient sur des chefs de préjudices distincts ; qu'ainsi, en jugeant l'appel incident de la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS irrecevable, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier ;
En ce qui concerne l'appel principal du ministre et l'appel incident de la société GODET FRERES :
Considérant qu'il résulte des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute de l'État que le silence d'une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en oeuvre ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer ; qu'ainsi, en l'absence même de dispositions le prévoyant expressément, l'exploitant d'une installation dont la fermeture ou la suppression a été ordonnée sur le fondement de l'article L. 514-7 du code de l'environnement en raison des dangers ou inconvénients qu'elle représentait, est fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé ; qu'il revient aux juges du fond, afin de mettre à même le juge de cassation d'exercer son contrôle, d'exposer les éléments de droit et de fait sur lesquels ils se fondent pour juger qu'un préjudice revêt ou ne revêt pas un caractère anormal ; qu'il leur revient également de déterminer la part du préjudice qui, revêtant un tel caractère, ouvre droit à indemnisation ;
Considérant que, pour dénier l'existence d'un aléa excédant ceux que comporte nécessairement l'exploitation de l'installation en cause, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur la circonstance que la société n'ignorait pas les risques que son exploitation faisait courir au voisinage ni les conséquences que l'autorité préfectorale était susceptible d'en tirer au seul motif qu'elle avait bénéficié en 1999 du régime de l'antériorité qui autorise, en application de l'article L. 513-1 du code de l'environnement, les installations concernées à continuer à fonctionner sans avoir à détenir l'autorisation à laquelle la modification de la réglementation postérieure à leur mise en service a soumis leur activité ; qu'en se bornant à apprécier l'existence d'un aléa consubstantiel à l'activité de la société requérante à la date à laquelle elle a bénéficié du régime de l'antériorité, sans rechercher dans quelles conditions le risque affectant l'exploitation des chais et justifiant leur fermeture s'était développé entre la mise en service de l'installation en 1782 et la date à laquelle est intervenu le décret pour en tirer les conséquences nécessaires dans l'appréciation de l'anormalité du préjudice subi par la société, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la SOCIETE GODET FRERES est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne le principe de l'engagement de la responsabilité sans faute de l'État :
Considérant que pour faire droit aux conclusions de la société GODET FRERES tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat, le tribunal administratif de Poitiers s'est borné à juger que la fermeture des installations de cette société ainsi que les frais qu'elle devait exposer afin de construire des installations équivalentes à celles qui ont été supprimées sur un autre site constituaient un préjudice grave et spécial dont la société était fondée à demander l'indemnisation sans tenir compte, comme il devait le faire, des aléas que comporte normalement une telle exploitation ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les demandes indemnitaires présentées par la SOCIETE GODET FRERES sur le terrain de la responsabilité sans faute devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi le 13 février 2004 par l'inspecteur des installations classées dont les conclusions ont été approuvées par le Conseil supérieur des installations classées dans sa séance du 11 mars 2004, au cours de laquelle les représentants de l'exploitant ont pu faire valoir leur point de vue, que les deux chais exploités par la SOCIETE GODET FRERES ont été installés en 1782 dans une zone dépourvue de toute habitation ; que l'urbanisation a pu se développer à proximité immédiate des chais ; qu'en 1996, dans le cadre des mesures prises à la suite de plusieurs accidents survenus dans des chais de stockage de cognac, le service départemental d'incendie et de secours a constaté que l'installation comportait des risques d'incendie et d'explosion liés au stockage de l'alcool, ce qui avait conduit le préfet à imposer à la société exploitante des travaux de sécurisation par un arrêté du 20 mai 1996 ; que le décret du 28 décembre 1999 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement a créé une rubrique visant spécifiquement les installations de stockage d'alcool de bouche d'origine agricole, d'eaux de vie et de liqueurs et a soumis ces installations au régime de l'autorisation lorsque la capacité de stockage dépasse, comme c'était le cas pour les installations de la SOCIETE GODET FRERES, 500 mètres cubes ; que la société, qui a bénéficié du régime de l'antériorité aujourd'hui régi par l'article L. 513-1 du code de l'environnement, a été, par arrêté préfectoral du 27 juin 2001, mise en demeure de produire une étude de dangers, laquelle, réalisée en janvier 2002, a montré que l'emplacement de l'entreprise désormais en milieu urbain présentait, quel que soit le niveau de sécurité atteint par l'installation, un risque tant pour la population que pour l'industriel lui-même ; qu'en effet, si la mise en sécurité progressive de l'installation avait notablement contribué à la diminution des risques, le risque de propagation d'un incendie depuis les habitations contigües jusqu'aux chais ou depuis les chais jusqu'à celles-ci ne pouvait être totalement éliminé ; que les conclusions de la tierce expertise ensuite ordonnée n'ont pas permis d'infirmer ce constat ;
Considérant que si la SOCIETE GODET FRERES n'ignorait pas les risques graves résultant de la présence inadéquate en milieu désormais urbanisé des chais qu'elle exploitait, ni l'intention de l'administration d'en éviter la réalisation, l'existence de tels risques ayant justifié l'intervention du décret du 21 octobre 2004 ne résultait pas des seules caractéristiques propres de l'installation et des conditions dans lesquelles la SOCIETE GODET FRERES s'est installée en 1782 et exploitait depuis lors son installation ; que le dommage résultant de la fermeture de l'installation excédait dès lors, à la date à laquelle la mesure est intervenue, en partie les aléas que comporte nécessairement son exploitation ; qu'il sera fait une juste appréciation de la part du préjudice devant être supportée, en l'espèce, par l'État sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques, en la limitant à trente pour cent du montant indemnisable ;
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :
Considérant que les frais allégués par la société pour le déménagement de ses installations sur un autre site doivent, pour ouvrir droit à indemnisation, être en relation directe avec le fait générateur de responsabilité ; qu'il résulte de l'instruction qu'il en va ainsi des seuls frais de conseil consistant en des consultations juridiques et des frais d'huissier en relation directe avec le fait générateur de responsabilité, des frais liés à la fermeture de l'ancien site, de la majoration du loyer que la société a supportée du 1er décembre 2005 au 31 août 2009, des frais de transport et de remontage des équipements, des frais d'étude et de réalisation de l'installation des outillages ainsi que des frais liés à son installation dans les nouveaux locaux, tels qu'une étude de maîtrise d'oeuvre, une mission de coordination, des aménagements intérieurs, la location temporaire de chariots élévateurs, des équipements fixes indispensables au stockage des alcools, des frais de signalétique, l'installation d'un système de sécurité, des travaux d'aménagement des bureaux, des frais de transfert des installations informatiques et téléphoniques, des acquisitions de cuves en inox ainsi que des travaux de raccordements de ces dernières ; que l'ensemble de ces frais s'élèvent à la somme globale de 673 705,11 euros ;
Considérant qu'en revanche, sont sans lien direct avec le fait générateur de responsabilité le coût des études relatives à l'ancien site imposées par le préfet de Charente-Maritime, les frais des personnels ayant, dans le cadre de leurs fonctions, étudié et suivi le déménagement, dès lors que les salaires versés n'étaient pas, à cette occasion, supérieurs à ceux habituellement versés, la perte de chiffre d'affaires de la vente à emporter dès lors que le décret de fermeture n'impliquait pas le déménagement du point de vente, les frais d'entretien et de réparation du matériel, les frais d'achats de mobiliers supplémentaires, de climatisation et de chauffage, de création d'un espace supplémentaire de stockage et de réparations diverses ; qu'enfin, la SOCIETE GODET FRERES ne justifie pas des frais de " réinstallation équivalente " qu'elle allègue ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme de 676 748,35 euros que l'État a été condamné à verser à la SOCIETE GODET FRERES par le jugement du tribunal administratif de Poitiers doit être ramenée à 202 111,53 euros ; que cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2006, date de la réception par le ministre de l'écologie et du développement durable de la demande indemnitaire de la SOCIETE GODET FRERES ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par la SOCIETE GODET FRERES le 15 janvier 2010, date à laquelle il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE GODET FRERES et à la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SOCIETE GODET FRERES et de la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 16 novembre 2009 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société GODET FRERES tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat.
Article 2 : La somme de 676 748,35 euros que l'État a été condamné à verser à la SOCIETE GODET FRERES par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 31 mai 2007 est ramenée à 202 111,53 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 19 mai 2006. Les intérêts échus le 15 janvier 2010 seront capitalisés à cette date, puis à chaque échéance annuelle, pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 31 mai 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus du pourvoi de la SOCIETE GODET FRERES et de la SOCIETE CHARENTAISE d'ENTREPOTS est rejeté.
Article 5 : Le surplus du recours du ministre de l'écologie et du développement durable devant la cour administrative d'appel et le surplus de la requête présentée par la SOCIETE GODET FRERES devant le tribunal administratif sont rejetés.
Article 6 : L'Etat versera à la SOCIETE GODET FRERES et à la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Les conclusions du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GODET FRERES, à la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS et au Premier ministre, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
ECLI:FR:CESSR:2012:335613.20120509
1°) d'annuler l'arrêt n° 07BX01643 du 16 novembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur le recours du ministre de l'écologie et du développement durable, d'une part, a annulé les articles 2 et 3 du jugement du 31 mai 2007 par lequel le tribunal administratif de Poitiers avait condamné l'État à verser à la SOCIETE GODET FRERES une indemnité de 676 748,35 euros, en réparation du préjudice subi du fait de la fermeture des installations de stockage d'alcool exploitées par cette société, d'autre part, a rejeté la demande présentée par la SOCIETE GODET FRERES devant le tribunal administratif de Poitiers, l'appel incident de cette société et celui de la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS, ainsi que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers et de condamner l'État au paiement des indemnités sollicitées devant les juges du fond ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 6 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 avril 2012, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 avril 2012, présentée pour la SOCIETE GODET FRERES et la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 avril 2012, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 avril 2012, présentée pour la SOCIETE GODET FRERES et la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIÉTÉ CHARENTAISE D'ENTREPOTS et de la SOCIÉTÉ GODET FRERES et de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIÉTÉ CHARENTAISE D'ENTREPOTS et de la SOCIÉTÉ GODET FRERES et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique " ; que l'article L. 513-1 du même code précise que " Les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d'un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation ou déclaration à la seule condition que l'exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l'année suivant la publication du décret. (...) " ; que l'article L. 514-7 du code de l'environnement dispose que : " Un décret en Conseil d'État, pris après avis du conseil supérieur des installations classées, peut ordonner la fermeture ou la suppression de toute installation, figurant ou non à la nomenclature, qui présente, pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, des dangers ou inconvénients tels que les mesures prévues par le présent titre ne puissent les faire disparaître " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que du cognac était produit depuis 1782 dans deux chais situés à la Rochelle rue du Duc et rue Saint-Claude, aujourd'hui dans le centre de la ville, près du vieux port ; que la SOCIETE GODET FRERES exploitait ces deux chais dont la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS était propriétaire ; qu'à la suite de la modification de la nomenclature des installations classées en 1999, ces installations ont été soumises à ce régime et ont bénéficié de l'antériorité aujourd'hui prévue par l'article L. 513-1 du code de l'environnement ; que, sur le fondement des dispositions de l'article L. 514-7 du code de l'environnement citées ci-dessus, un décret en date du 21 octobre 2004 a ordonné la fermeture des installations de stockage d'alcool exploitées par la SOCIETE GODET FRERES ; que la SOCIETE GODET FRERES et la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS ont recherché la responsabilité de l'Etat en raison des préjudices causés par cette fermeture ; que par un jugement du 31 mai 2007, le tribunal administratif de Poitiers a retenu le principe de la responsabilité sans faute de l'État et condamné ce dernier à verser à la SOCIETE GODET FRERES la somme de 676 748,35 euros en réparation du préjudice subi à l'occasion de la fermeture des installations exploitées par cette société ; que, saisie d'un appel du ministre de l'écologie et du développement durable et d'appels incidents des sociétés, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par un arrêt du 16 novembre 2009, d'une part, rejeté comme irrecevable l'appel incident de la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS et, d'autre part, annulé le jugement et rejeté la demande présentée par la SOCIETE GODET FRERES ; que la SOCIETE GODET FRERES et la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;
En ce qui concerne l'appel incident formé par la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS :
Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux a été saisie d'un appel principal par le ministre de l'écologie et du développement durable contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 31 mai 2007 en tant qu'il a condamné l'État à réparer une partie des préjudices résultant pour la SOCIETE GODET FRERES du décret du 21 octobre 2004 prononçant la fermeture des chais exploités par cette société ; que, saisie par la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS d'un appel incident contre le même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires, la cour l'a rejeté pour irrecevabilité, au motif que de telles conclusions procédaient d'un litige distinct ;
Considérant qu'il ressort de l'analyse des mémoires des parties faite par l'arrêt et des pièces du dossier soumis au juge du fond que les conclusions de l'appel principal et de l'appel incident portaient sur des chefs de préjudices distincts ; qu'ainsi, en jugeant l'appel incident de la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS irrecevable, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier ;
En ce qui concerne l'appel principal du ministre et l'appel incident de la société GODET FRERES :
Considérant qu'il résulte des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute de l'État que le silence d'une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en oeuvre ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer ; qu'ainsi, en l'absence même de dispositions le prévoyant expressément, l'exploitant d'une installation dont la fermeture ou la suppression a été ordonnée sur le fondement de l'article L. 514-7 du code de l'environnement en raison des dangers ou inconvénients qu'elle représentait, est fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé ; qu'il revient aux juges du fond, afin de mettre à même le juge de cassation d'exercer son contrôle, d'exposer les éléments de droit et de fait sur lesquels ils se fondent pour juger qu'un préjudice revêt ou ne revêt pas un caractère anormal ; qu'il leur revient également de déterminer la part du préjudice qui, revêtant un tel caractère, ouvre droit à indemnisation ;
Considérant que, pour dénier l'existence d'un aléa excédant ceux que comporte nécessairement l'exploitation de l'installation en cause, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur la circonstance que la société n'ignorait pas les risques que son exploitation faisait courir au voisinage ni les conséquences que l'autorité préfectorale était susceptible d'en tirer au seul motif qu'elle avait bénéficié en 1999 du régime de l'antériorité qui autorise, en application de l'article L. 513-1 du code de l'environnement, les installations concernées à continuer à fonctionner sans avoir à détenir l'autorisation à laquelle la modification de la réglementation postérieure à leur mise en service a soumis leur activité ; qu'en se bornant à apprécier l'existence d'un aléa consubstantiel à l'activité de la société requérante à la date à laquelle elle a bénéficié du régime de l'antériorité, sans rechercher dans quelles conditions le risque affectant l'exploitation des chais et justifiant leur fermeture s'était développé entre la mise en service de l'installation en 1782 et la date à laquelle est intervenu le décret pour en tirer les conséquences nécessaires dans l'appréciation de l'anormalité du préjudice subi par la société, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la SOCIETE GODET FRERES est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne le principe de l'engagement de la responsabilité sans faute de l'État :
Considérant que pour faire droit aux conclusions de la société GODET FRERES tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat, le tribunal administratif de Poitiers s'est borné à juger que la fermeture des installations de cette société ainsi que les frais qu'elle devait exposer afin de construire des installations équivalentes à celles qui ont été supprimées sur un autre site constituaient un préjudice grave et spécial dont la société était fondée à demander l'indemnisation sans tenir compte, comme il devait le faire, des aléas que comporte normalement une telle exploitation ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les demandes indemnitaires présentées par la SOCIETE GODET FRERES sur le terrain de la responsabilité sans faute devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi le 13 février 2004 par l'inspecteur des installations classées dont les conclusions ont été approuvées par le Conseil supérieur des installations classées dans sa séance du 11 mars 2004, au cours de laquelle les représentants de l'exploitant ont pu faire valoir leur point de vue, que les deux chais exploités par la SOCIETE GODET FRERES ont été installés en 1782 dans une zone dépourvue de toute habitation ; que l'urbanisation a pu se développer à proximité immédiate des chais ; qu'en 1996, dans le cadre des mesures prises à la suite de plusieurs accidents survenus dans des chais de stockage de cognac, le service départemental d'incendie et de secours a constaté que l'installation comportait des risques d'incendie et d'explosion liés au stockage de l'alcool, ce qui avait conduit le préfet à imposer à la société exploitante des travaux de sécurisation par un arrêté du 20 mai 1996 ; que le décret du 28 décembre 1999 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement a créé une rubrique visant spécifiquement les installations de stockage d'alcool de bouche d'origine agricole, d'eaux de vie et de liqueurs et a soumis ces installations au régime de l'autorisation lorsque la capacité de stockage dépasse, comme c'était le cas pour les installations de la SOCIETE GODET FRERES, 500 mètres cubes ; que la société, qui a bénéficié du régime de l'antériorité aujourd'hui régi par l'article L. 513-1 du code de l'environnement, a été, par arrêté préfectoral du 27 juin 2001, mise en demeure de produire une étude de dangers, laquelle, réalisée en janvier 2002, a montré que l'emplacement de l'entreprise désormais en milieu urbain présentait, quel que soit le niveau de sécurité atteint par l'installation, un risque tant pour la population que pour l'industriel lui-même ; qu'en effet, si la mise en sécurité progressive de l'installation avait notablement contribué à la diminution des risques, le risque de propagation d'un incendie depuis les habitations contigües jusqu'aux chais ou depuis les chais jusqu'à celles-ci ne pouvait être totalement éliminé ; que les conclusions de la tierce expertise ensuite ordonnée n'ont pas permis d'infirmer ce constat ;
Considérant que si la SOCIETE GODET FRERES n'ignorait pas les risques graves résultant de la présence inadéquate en milieu désormais urbanisé des chais qu'elle exploitait, ni l'intention de l'administration d'en éviter la réalisation, l'existence de tels risques ayant justifié l'intervention du décret du 21 octobre 2004 ne résultait pas des seules caractéristiques propres de l'installation et des conditions dans lesquelles la SOCIETE GODET FRERES s'est installée en 1782 et exploitait depuis lors son installation ; que le dommage résultant de la fermeture de l'installation excédait dès lors, à la date à laquelle la mesure est intervenue, en partie les aléas que comporte nécessairement son exploitation ; qu'il sera fait une juste appréciation de la part du préjudice devant être supportée, en l'espèce, par l'État sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques, en la limitant à trente pour cent du montant indemnisable ;
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :
Considérant que les frais allégués par la société pour le déménagement de ses installations sur un autre site doivent, pour ouvrir droit à indemnisation, être en relation directe avec le fait générateur de responsabilité ; qu'il résulte de l'instruction qu'il en va ainsi des seuls frais de conseil consistant en des consultations juridiques et des frais d'huissier en relation directe avec le fait générateur de responsabilité, des frais liés à la fermeture de l'ancien site, de la majoration du loyer que la société a supportée du 1er décembre 2005 au 31 août 2009, des frais de transport et de remontage des équipements, des frais d'étude et de réalisation de l'installation des outillages ainsi que des frais liés à son installation dans les nouveaux locaux, tels qu'une étude de maîtrise d'oeuvre, une mission de coordination, des aménagements intérieurs, la location temporaire de chariots élévateurs, des équipements fixes indispensables au stockage des alcools, des frais de signalétique, l'installation d'un système de sécurité, des travaux d'aménagement des bureaux, des frais de transfert des installations informatiques et téléphoniques, des acquisitions de cuves en inox ainsi que des travaux de raccordements de ces dernières ; que l'ensemble de ces frais s'élèvent à la somme globale de 673 705,11 euros ;
Considérant qu'en revanche, sont sans lien direct avec le fait générateur de responsabilité le coût des études relatives à l'ancien site imposées par le préfet de Charente-Maritime, les frais des personnels ayant, dans le cadre de leurs fonctions, étudié et suivi le déménagement, dès lors que les salaires versés n'étaient pas, à cette occasion, supérieurs à ceux habituellement versés, la perte de chiffre d'affaires de la vente à emporter dès lors que le décret de fermeture n'impliquait pas le déménagement du point de vente, les frais d'entretien et de réparation du matériel, les frais d'achats de mobiliers supplémentaires, de climatisation et de chauffage, de création d'un espace supplémentaire de stockage et de réparations diverses ; qu'enfin, la SOCIETE GODET FRERES ne justifie pas des frais de " réinstallation équivalente " qu'elle allègue ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme de 676 748,35 euros que l'État a été condamné à verser à la SOCIETE GODET FRERES par le jugement du tribunal administratif de Poitiers doit être ramenée à 202 111,53 euros ; que cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2006, date de la réception par le ministre de l'écologie et du développement durable de la demande indemnitaire de la SOCIETE GODET FRERES ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par la SOCIETE GODET FRERES le 15 janvier 2010, date à laquelle il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE GODET FRERES et à la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SOCIETE GODET FRERES et de la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 16 novembre 2009 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société GODET FRERES tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat.
Article 2 : La somme de 676 748,35 euros que l'État a été condamné à verser à la SOCIETE GODET FRERES par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 31 mai 2007 est ramenée à 202 111,53 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 19 mai 2006. Les intérêts échus le 15 janvier 2010 seront capitalisés à cette date, puis à chaque échéance annuelle, pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 31 mai 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus du pourvoi de la SOCIETE GODET FRERES et de la SOCIETE CHARENTAISE d'ENTREPOTS est rejeté.
Article 5 : Le surplus du recours du ministre de l'écologie et du développement durable devant la cour administrative d'appel et le surplus de la requête présentée par la SOCIETE GODET FRERES devant le tribunal administratif sont rejetés.
Article 6 : L'Etat versera à la SOCIETE GODET FRERES et à la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Les conclusions du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GODET FRERES, à la SOCIETE CHARENTAISE D'ENTREPOTS et au Premier ministre, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.