Cour Administrative d'Appel de Nantes, 4ème chambre, 13/04/2012, 10NT00543, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2010, présentée pour la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT, dont le siège est Aéroport de Nantes à Bouguenais (44340), représentée par Me Vincent X, mandataire liquidateur, par Me des Ylouses, avocat au barreau de Paris ; la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-204 en date du 31 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du 5 septembre 2005 de la commission permanente du conseil général du Finistère écartant son offre pour l'attribution de la délégation de service public relative à la desserte aérienne de l'Ile d'Ouessant et à l'annulation de la décision implicite du président du conseil général rejetant son recours gracieux et, d'autre part, à la condamnation du département du Finistère à lui verser une indemnité correspondant tant aux frais qu'elle a inutilement exposés pour participer à la procédure de délégation de service public qu'au manque à gagner résultant de son éviction de ladite procédure ;

2°) d'annuler ladite délibération du 5 septembre 2005 ;

3°) de condamner le département du Finistère à lui verser la somme de 880 960 euros ;

4°) de mettre à la charge du département du Finistère le versement de la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) 2408/92 du 23 juillet 1992 relatif à l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires ;
Vu le règlement (CE) n°2042/2003 du 20 novembre 2003 relatif notamment au maintien de la navigabilité des aéronefs ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 95-968 du 9 mai 1995 relatif au fonctionnement du Fonds de péréquation des transports aériens ;

Vu le décret n° 2005-473 du 16 mai 2005 relatif aux règles d'attribution par l'Etat de compensations financières aux transporteurs aériens et aux exploitants d'aéroports ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2012 :

- le rapport de M. Gauthier, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- et les observations de Me des Ylouses, avocat de la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT ;





Considérant que dans le cadre du renouvellement de la délégation de service public ayant pour objet la desserte aérienne entre Brest-Guipavas et Ouessant, le département du Finistère a publié un appel d'offres au Journal officiel de l'Union européenne du 22 mars 2005 ; que la société Finist'Air, précédemment titulaire de la délégation de service public, et la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT ont présenté une offre ; que conformément à l'avis rendu le 5 juillet 2005 par la commission de délégation de service public, la commission permanente du conseil général du Finistère a décidé, par une délibération du 5 septembre 2005, de retenir l'offre de la société Finist'Air ; que la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT interjette appel du jugement en date du 31 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du 5 septembre 2005 de la commission permanente du conseil général du Finistère écartant son offre pour l'attribution de la délégation de service public relative à la desserte aérienne de l'Ile d'Ouessant et à l'annulation de la décision implicite du président du conseil général rejetant son recours gracieux et, d'autre part, à la condamnation du département du Finistère à lui verser une indemnité correspondant tant aux frais qu'elle a inutilement exposés pour participer à la procédure de délégation de service public qu'au manque à gagner résultant de son éviction de ladite procédure ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 5 septembre 2005 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1 du décret du 16 mai 2005 susvisé : "L'Etat peut accorder des compensations financières aux transporteurs aériens titulaires d'une licence délivrée en application du règlement (CEE) n° 2407/92 susvisé, exploitant en exclusivité des liaisons aériennes soumises à des obligations de service public." ; qu'aux termes de l'article 2 de ce décret : "Les compensations financières visées à l'article 1er du présent décret sont attribuées dans les conditions prévues par l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408/92 susvisé et les dispositions du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales relatif aux délégations de service public. / Ces compensations prennent la forme de subventions. Elles sont financées sur le budget du programme "Transports aériens", dans la limite des crédits disponibles." ; qu'aux termes de l'article 7 de ce décret : "L'appel d'offres visé à l'article 4, paragraphe 1 (d), du règlement (CEE) n° 2408/92 susvisé est réalisé à l'initiative d'une collectivité territoriale ou d'une autre personne publique intéressée. Le règlement particulier de cet appel d'offres comporte l'ensemble des clauses figurant dans un modèle type défini par arrêté conjoint du ministre chargé de l'aviation civile, du ministre chargé de l'intérieur, du ministre chargé de la concurrence et du ministre chargé de l'outre-mer. / Un représentant de l'Etat assiste à la procédure de sélection de la meilleure offre." ; qu'aux termes de l'article 8 de ce décret : "Lorsque l'Etat décide de participer financièrement, une convention de délégation de service public est conclue entre l'Etat (ministre chargé de l'aviation civile), la collectivité territoriale ou la personne publique intéressée et le transporteur retenu pour exploiter la liaison considérée. Cette convention comporte l'ensemble des clauses figurant dans un modèle type défini par arrêté conjoint du ministre chargé de l'aviation civile, du ministre chargé de l'intérieur, du ministre chargé de la concurrence et du ministre chargé de l'outre-mer." ;

Considérant que le décret du 9 mai 1995 susvisé relatif au fonctionnement du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien a été abrogé par le décret du 16 mai 2005 précité relatif aux règles d'attribution par l'Etat de compensations financières aux transporteurs aériens et aux exploitants d'aéroports ; qu'ainsi, à la date de la délibération contestée du 5 septembre 2005, les dispositions du décret du 16 mai 2005 étaient applicables ; que ni la circonstance que l'Etat ait refusé de signer la convention de délégation de service public, refusant ainsi de participer financièrement à la liaison aérienne, ni celle que la procédure aurait été entamée avant l'abrogation du décret de 1995 n'ont d'incidence sur la légalité de la délibération contestée ;

Considérant que s'il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle et s'il en va ainsi en particulier lorsque les règles nouvelles sont susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours qui ont été légalement nouées, le département du Finistère n'a pas méconnu le principe de sécurité juridique, à l'encontre de la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT, en appliquant les dispositions du décret du 16 mai 2005, dès lors que cette société ne se trouvait pas dans une situation contractuelle à l'égard du département ;

Considérant que l'éventuelle absence de réception par la préfecture de la délibération du 5 septembre 2005 est sans incidence sur la légalité de celle-ci ; qu'au demeurant cette délibération a été transmise au préfet le 6 septembre 2005 et la convention de délégation de service public a été signée le 23 septembre 2005 ;

Considérant que l'article 3.4 b) du règlement de la consultation invitait les candidats à préciser s'ils souhaitaient bénéficier de la mise à disposition des appareils du département et, dans cette hypothèse, à signer la convention de mise à disposition figurant en annexe 4 à ce règlement de consultation ; que le point 4 de cette convention de mise à disposition stipule : "(...) En outre, pour raison de sécurité et de responsabilité, le transporteur est titulaire des agréments relatifs à la maintenance des appareils qui lui sont confiés, relevant du règlement CE n° 2042/2003 agrément Partie-145 délivrés par l'Aviation civile ou d'équivalence européenne. Il assure, pour le compte du Département, les interventions, le contrôle des opérations des travaux susnommés et leur bonne exécution" ; que la commission permanente du conseil général du Finistère s'est fondée, pour écarter l'offre de la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT, sur le rapport de la commission de délégation de service public constatant que cette offre ne répondait pas au cahier des charges, dès lors que cette société proposait d'exploiter un aéronef du département sans disposer de l'agrément partie-145 ; que la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT soutient que l'obligation qui lui était faite de détenir l'agrément partie-145 était injustifiée et que, par un courrier du 3 juin 2005, elle avait indiqué au département pouvoir obtenir l'agrément partie-145, si nécessaire, mais ne pas vouloir a priori dénoncer son contrat d'entretien avec Finist'Air atelier, détenteur de l'agrément requis ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'attribution de la délégation de service public n'était pas subordonnée à la détention personnelle de l'agrément partie-145 ; qu'une telle détention n'était exigée des candidats que s'ils souhaitaient obtenir la mise à disposition des appareils du département pour l'exécution de leurs prestations ; que l'engagement du signataire de cette convention de disposer de l'agrément lui permettant d'assurer lui-même la maintenance des aéronefs qui lui étaient confiés était en rapport avec l'objet de la convention de mise à disposition des appareils ; qu'il ressort des termes mêmes de la lettre du 3 juin 2005 de la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT que celle-ci n'était pas en mesure de détenir l'agrément exigé à la date de mise à disposition des avions ; que, par suite, la commission permanente du conseil général du Finistère a pu régulièrement, par sa délibération du 5 septembre 2005, écarter l'offre de la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT, sans porter atteinte au principe d'égalité de traitement des candidats à la commande publique ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales : "(...) Les élus locaux agissant en tant que mandataires des collectivités territoriales ou de leurs groupements au sein du conseil d'administration ou de surveillance des sociétés d'économie mixte locales et exerçant les fonctions de membre ou de président du conseil d'administration, de président-directeur général ou de membre ou de président du conseil de surveillance, ne sont pas considérés comme étant intéressés à l'affaire, au sens de l'article L. 2131-11, lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur ses relations avec la société d'économie mixte locale (...)" ;

Considérant que le capital de la société Finist'Air est entièrement détenu par la société de développement du Finistère (SODEFI), société d'économie mixte locale, contrôlée à 70,63 % par le département du Finistère ; que, toutefois, la circonstance que M. Y, conseiller général, membre du conseil d'administration de la SODEFI et ancien dirigeant de la société Finist'Air ait participé à la délibération litigieuse, ne suffit à établir ni que ce dernier aurait été intéressé à l'affaire au sens des dispositions précitées de l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales, ni que la commission d'appel d'offres aurait fait preuve de partialité dans la sélection des offres ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant, en tout état de cause, qu'en l'absence d'illégalité fautive commise par le département du Finistère, les conclusions indemnitaires de la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'omission à statuer, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Finistère, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT le versement au département du Finistère de la somme de 1 500 euros en remboursement des frais de même nature qu'il a supportés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT versera au département du Finistère la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Vincent X, mandataire liquidateur de la SOCIETE ATLANTIC AIR LIFT, et au département du Finistère.


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