Cour Administrative d'Appel de Versailles, 4ème Chambre, 27/03/2012, 11VE01204, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Varunen A, demeurant chez M. B ..., par Me Lecacheux, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007675 en date du 14 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2010 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Lecacheux au titre des frais irrépétibles, ladite condamnation valant renonciation à l'indemnisation prévue par la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que le jugement du tribunal est insuffisamment motivé en fait ;

- que la décision portant obligation de quitter le territoire a méconnu l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 car il n'a pas pu présenter ses observations ; que cette décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour elle-même motivée par l'ordonnance de tri rendue par la CNDA le 6 septembre 2010 ; que n'étant pas francophone, il n'a pas pu être auditionné par la commission ; que le principe d'égalité devant la justice a été méconnu ; que l'ordonnance a été rendue sur le fondement des articles L. 733-2 et R. 733-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont contraires à l'article 39 de la directive 2005/85/CE ; que le droit au recours effectif a été méconnu ; que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnait le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- que la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ; que le préfet n'est pas lié par l'examen et l'avis de l'OFPRA et de la CNDA ; que la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que son épouse et ses parents sont sur le territoire français ; qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ;
- que la décision fixant le pays de renvoi ne se fonde sur aucun élément de fait ; que compte tenu de la situation actuelle au Sri Lanka et de son appartenance à la communauté tamoul, il risquerait des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que cette décision ne peut être motivée par l'ordonnance de la CNDA ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2012, le rapport de Mme Rollet-Perraud, premier conseiller ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par le requérant, a répondu, de façon suffisante, aux moyens soulevés par M. A ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier de ce chef ;

Sur le fond :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de résident est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du même code ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 janvier 2010 ; que la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a rejeté le 6 septembre 2010 le recours de l'intéressé formé contre cette décision ; que, par suite, compte tenu des termes mêmes des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Yvelines était tenu de refuser de délivrer à l'intéressé la carte de résident qu'il sollicitait en qualité de réfugié ; que la circonstance que le rejet du recours prononcé par la CNDA, dont il n'appartient pas à la cour administrative d'appel d'apprécier la régularité, serait irrégulier est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ; qu'il en résulte, d'une part, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas fondé et, d'autre part, que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour attaquée est inopérant ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que si M. A soutient qu'il vit en France depuis le 1er octobre 2009 avec sa femme et que ses parents sont présents sur le territoire français, cette circonstance n'est pas de nature à elle seule, compte tenu de la durée de ce séjour et de la circonstance que son épouse, en situation irrégulière, peut retourner avec lui dans son pays d'origine, à faire regarder la décision attaquée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et par suite, aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, en prévoyant que ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que pour les mêmes motifs que précédemment, les moyens dirigés contre la décision litigieuse tiré de l'irrégularité alléguée de l'ordonnance rendue par la CNDA le 6 septembre 2010 et le moyen tiré de la méconnaissance du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être rejetés ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, pour les motifs énoncés plus haut, que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences qu'un refus de titre de séjour pouvait avoir sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel un étranger doit être éloigné doit être motivée en droit et en fait ; qu'au soutien de sa demande tendant à l'annulation de cette décision, M. A fait valoir à bon droit qu'elle ne comporte l'énoncé d'aucune considération de fait qui en constitue le fondement ; que, par suite, elle doit être annulée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation du jugement du 14 janvier 2011 du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2010 par laquelle le préfet des Yvelines a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi n'implique, par elle-même, aucune mesure d'exécution au sens des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ; que les conclusions à fins d'injonction doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que M. Lecacheux renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat de verser à Me Lecacheux la somme de 1 000 euros ;


DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 14 janvier 2011 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2010 par laquelle le préfet des Yvelines a fixé le pays de destination

Article 2 : L'arrêté du 22 octobre 2010 du préfet des Yvelines est annulé en tant qu'il fixe le pays dont M. A a la nationalité ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible comme pays de destination.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Lecacheux en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lecacheux renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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