Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 22/02/2012, 335200, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le pourvoi et les mémoires complémentaires, enregistrés les 4 janvier, 6 avril et 29 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mariano-Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07VE03040 du 14 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, d'une part, a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0507796 du 4 octobre 2007 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision du 28 décembre 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement autorisant la société Axa Reim France à le licencier pour faute, d'autre part, a annulé ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 12 juillet 2005 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement ainsi que l'article 1er de la décision du ministre rejetant son recours hiérarchique formé contre cette décision ;

2°) de mettre à la charge de la société Axa Reim France et de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. A et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Axa Reim France,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. A et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Axa Reim France,




Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 436-4 du code du travail alors applicable, devenu l'article R. 2421-11, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ;

Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

Considérant que, pour rejeter l'appel principal de M. A dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Versailles du 4 octobre 2007 en tant qu'il lui faisait grief, et faire droit à l'appel incident de la société Axa Reim France dirigé contre ce même jugement, en tant que celui-ci avait annulé la décision du 12 juillet 2005 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. A, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir rappelé que, lors de son entretien avec l'inspecteur du travail du 28 juin 2005, l'intéressé avait reçu copie de la demande d'autorisation de licenciement de son employeur, ainsi que de certaines pièces qui y avaient été annexées afin d'établir la matérialité des faits reprochés, a jugé que l'inspecteur du travail avait pu légalement ne pas communiquer au salarié les autres annexes au seul motif qu'elles étaient constituées soit de documents se bornant à établir sa qualité de salarié protégé ou à décrire le poste qu'il occupait, soit de courriers échangés entre la société Axa Reim France et l'intéressé et qui étaient donc connus de ce dernier ; qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit au regard des principes mentionnés plus haut ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Axa Reim France la somme de 1 750 euros chacun à verser à M. A au même titre ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 14 octobre 2009 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : La société Axa Reim France et l'Etat verseront à M. A la somme de 1 750 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Axa Reim France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Mariano-Robert A, à la société Axa Reim France et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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