COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 5ème chambre - formation à 3, 17/11/2011, 11LY00868, Inédit au recueil Lebon
COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 5ème chambre - formation à 3, 17/11/2011, 11LY00868, Inédit au recueil Lebon
COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON - 5ème chambre - formation à 3
- N° 11LY00868
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
17 novembre 2011
- Président
- M. DUCHON-DORIS
- Rapporteur
- M. Jean Christophe DUCHON-DORIS
- Avocat(s)
- ARCANE JURIS AVOCATS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré le 15 septembre 2006 au greffe de la Cour sous le n° 06LY01960 puis, après renvoi du Conseil d'Etat, le 6 avril 2011 sous le n° 11LY00868, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0203660 du 4 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. Vanni A des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997 ;
2°) de rétablir les suppléments d'impôts litigieux ;
Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal a jugé que la procédure de redressement est entachée d'irrégularité en raison de l'absence d'information, dans la notification de redressement, sur l'origine du protocole d'achat du 2 août 1997 que l'administration a obtenu dans le cadre de son pouvoir général d'investigation auprès de M. B et qui a été utilisé pour établir les impositions litigieuses ; elle s'est conformée à ses obligations d'information en informant le contribuable dans la notification de redressement de l'existence de ce protocole d'accord du 2 août 1997, document pour lequel le contribuable a été ainsi mis à même d'en demander la communication ; par ailleurs, dans sa réponse du 3 septembre 1998, le contribuable fait expressément référence au droit de communication exercé par l'administration auprès de M. B, ce qui démontre qu'il avait été informé, au moins verbalement, de l'origine du document litigieux avant la mise en recouvrement des impositions ; le contribuable, signataire de ce protocole, avait parfaitement connaissance de ce document et aucune erreur substantielle n'a été commise ;
- le droit de communication exercé auprès de M. B n'est pas entaché d'irrégularité dès lors qu'il a été exercé dans le cadre des pouvoirs généraux d'investigation de l'administration sans revêtir un caractère contraignant ;
- le requérant ne démontre pas que le vérificateur aurait méconnu son obligation au secret professionnel et, en tout état de cause, une telle méconnaissance serait sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
- la création de la société civile Yves suivie le même jour de l'apport des titres de la société A Vanni (MV) n'a été motivée que par des considérations fiscales aux fins d'obtenir un report d'imposition sur la plus-value d'une cession de titres envisagée, voire d'échapper définitivement à toute imposition en cas de donation ultérieure de ses parts ; il en est de même de la cession du fonds d'industrie pour laquelle l'interposition de la société Yves n'est pas également justifiée ; le recours à ce montage constitue ainsi un abus de droit ; le contribuable ne peut enfin se prévaloir de l'instruction 13 L 1432 pour soutenir que l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne lui serait pas applicable ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2006, présenté pour M. Vanni A qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que la procédure d'imposition était entachée d'irrégularité dès lors que la notification de redressements n'a pas mentionné l'origine des renseignements recueillis par l'administration et qu'il n'a pu ainsi organiser sa défense ;
- la demande de renseignements effectuée par l'administration auprès de M. B est entachée d'irrégularité compte tenu de ce qu'elle a entendu exercer son droit de communication à l'égard d'une personne non visée par le dispositif légal concernant ce droit et des conditions contraignantes dans lesquelles elle a obtenu le protocole d'accord auprès de M. B à la suite des pressions exercées sur ce dernier ;
- la procédure de répression d'abus de droit définie à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable dès lors qu'il n'a pas entendu réduire l'assiette de son imposition ou échapper définitivement à toute imposition mais qu'il a sollicité uniquement le report d'imposition, la plus-value ayant été déclarée régulièrement par ses soins ; ce report d'imposition ne peut être regardé comme une réalisation ou un transfert de bénéfices ou de revenus ;
- l'utilisation de la procédure d'abus de droit n'est pas également justifiée pour un report d'imposition au regard de l'instruction 13 L 1352 du 1er juillet 1989 qui dispose que l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne concerne que l'assiette de l'impôt et qui peut être utilement invoquée ;
- l'apport des titres de la société MV à la société civile Yves n'avait pas un but exclusivement fiscal ; l'objet de cette société civile est ainsi l'organisation familiale du patrimoine ; les fonds issus de la cession de la société MV ont été remployés dès le 27 juillet 1998 pour une prise de participation dans la société familiale A Karting et l'investissement en titres des 100 000 francs apportés par ses enfants ; cette société civile, qui a opté pour l'impôt sur les sociétés, n'a effectué aucun portage et n'est pas fictive ;
Vu le mémoire enregistré le 13 août 2008, présenté par LE MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Il soutient que :
- le vérificateur a fait usage de son pouvoir d'investigation générale auprès de M. B en précisant que la visite ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une procédure contraignante ; l'existence du protocole d'accord n'a pu être révélée que par M. B qui en a remis une copie au vérificateur qui n'en avait pas eu connaissance auparavant ; aucune pression sur M. B n'est établie ; la mention dans des courriers ultérieurs de l'exercice d'un droit de communication ne saurait entacher la procédure d'irrégularité alors que l'administration n'est intervenue que dans le cadre de ses pouvoirs généraux d'investigation ;
- le contenu de sa réponse à la notification de redressement démontre qu'il était informé à ce stade des renseignements que l'administration avait recueillis et notamment de la révélation du protocole d'accord ; le redressement n'a pas été déterminé par la seule obtention de ce document mais par un faisceau d'éléments d'information déjà réunis par l'administration et énumérés dans la notification de redressement ; l'absence de l'origine du protocole ne constitue donc pas une irrégularité substantielle ;
- la définition du domaine d'intervention de l'abus de droit résultant de l'instruction 13 L 1352 du 1er juillet 1989 ne peut conduire à écarter l'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans le cas d'espèce alors que le montage retenu a eu pour objet de soustraire de l'assiette de l'impôt au titre de l'année 1997 la plus-value réalisée et qu'elle a eu pour objet d'éluder le paiement immédiat de l'impôt ;
- le contribuable n'apporte aucun élément susceptible de justifier de l'intérêt successoral ou patrimonial de la société civile Yves de détenir pendant un mois les titres de la société MV si ce n'est pour échapper à l'impôt sur le montant de la plus-value ; il ne justifie pas de l'utilisation ultérieure des fonds provenant de la cession des titres de la société MV ;
Vu l'ordonnance du 8 octobre 2008 fixant la clôture de l'instruction au 31 octobre 2008, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2008, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu l'arrêt n° 06LY01960 du 5 février 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon rejette le recours du ministre ;
Vu l'arrêt du Conseil d'Etat, n° 326959, en date du 16 mars 2011, annulant l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 5 février 2009 et renvoyant l'affaire à la même Cour ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe le 30 mai 2011, par lequel M. A confirme ses précédentes écritures ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2011, par lequel MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT confirme ses précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2011 :
- le rapport de M. Duchon-Doris, président ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant que, le 2 septembre 1997, M. A a constitué avec ses deux enfants la société civile Yves ayant pour objet l'acquisition, la propriété et la gestion de titres de participations, l'achat et la vente de titres ainsi que la gestion d'un patrimoine composé de titres de sociétés ; que le même jour, M. A a apporté au capital de la société civile Yves la totalité des 9 400 actions de la société anonyme (SA) MV qu'il détenait et dont il était aussi président-directeur général, en échange de 235 000 parts de la société Yves d'une valeur nominale de 100 francs ; que cet apport a généré une plus-value évaluée à 23 265 000 francs laquelle a fait l'objet par M. A d'un report d'imposition en application des dispositions de l'article 160 du code général des impôts ; qu'alors que, comme il avait été prévu dans un protocole d'accord en date du 2 août 1997, la société Philippe B Industrie, représentée par M. B, a acquis, le 9 octobre 1997, la totalité des 10 000 actions de la SA MV pour un prix total de 25 000 000 francs, dont 23 500 000 francs pour les 9 400 actions détenues par la société civile Yves, le report d'imposition a été considéré par l'administration comme constitutif d'un abus de droit par la volonté de différer le paiement de l'impôt et d'éviter ainsi la taxation immédiate de cette plus-value au taux proportionnel de l'impôt sur le revenu ; que le comité consultatif pour la répression des abus de droits a rendu le 12 juin 2001 un avis favorable au redressement ; que, le ministre relève appel du jugement en date du 4 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. A des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997 à raison de ce redressement ;
Considérant que la notification de redressements en date du 3 août 1998 adressée à M. MENONI précisait que l'accord sur la chose et le prix concernant la cession de l'ensemble des actions de la SA MV à M. B était parfait depuis le 2 août 1997 date de signature d'un protocole d'accord conclu entre M. A et M. B pour la cession notamment de ces titres ; qu'il est constant que le protocole d'accord a été remis par M. B à l'agent vérificateur lors d'une visite effectuée dans le cadre de son pouvoir général d'investigation ; que le requérant fait valoir que l'administration n'a pas précisé à M. A dans la notification de redressements, l'origine de ce renseignement obtenu auprès d'un tiers qui a été utilisé pour procéder au redressement litigieux ; que toutefois, le requérant, qui a signé ce protocole d'accord, en connaissait le contenu, a fait état de l'origine de cette information dans ses observations formulées à la suite de la notification de redressements et a pu discuter de la portée de cet acte et des conditions d'obtention de cette information au cours de la procédure d'imposition ; que, par suite, il ne peut être regardé comme ayant été, du seul fait de l'absence d'information précise de la part de l'administration sur l'origine dudit renseignement avant la mise en recouvrement des impositions, privé de la possibilité de discuter le redressement ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal a déchargé les impositions litigieuses au motif qu'elles auraient été établies à l'issue d'une procédure ayant méconnu les droits de la défense en raison de ce que ni la notification de redressement du 3 août 1998, ni aucun autre document qui aurait été notifié au requérant avant la mise en recouvrement, ne comportaient d'indications suffisamment précises sur l'origine de ce renseignement ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A, tant en première instance qu'en appel ;
Sur le moyen relatif au droit de communication et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que si l'administration peut régulièrement, pour les besoins de l'établissement de l'impôt, demander des renseignements à des personnes non soumises au droit de communication prévu au chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales, c'est à la double condition que les intéressés ne soient pas tenus de répondre aux questions posées, et que la demande de renseignements qui leur est adressée par le service ne soit pas susceptible d'induire les destinataires en erreur sur l'étendue de leur obligation à cet égard ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a pris connaissance du protocole d'accord du 2 août 1997 au cours d'une visite de l'agent chargé du contrôle effectuée le 22 juillet 1998 au siège de la société MV, après l'avoir reçu des mains de M. B, directeur de ladite société ; que, selon le courrier adressé par M. B à l'administration deux jours après cette visite, le 24 juillet 1998 et consécutif à un entretien du même jour entre celui-ci et la direction régionale, l'administration lui aurait demandé de produire tout document relatif à l'opération réalisée avec la société Yves en menaçant sa société d'une pénalité de 4,8 millions de francs pour complicité d'abus de droit ; que, dans la réponse adressée à M. B par l'administration en date du 29 juillet 1998, celle-ci confirme que son agent s'est présenté, sans se faire annoncer, le 22 juillet 1998 à 8 heures 30 au siège de la société MV pour en repartir vers 9 heures, que l'objet de cette visite était de rechercher des éléments concernant la cession d'actions intervenue entre la société Yves et la société PM, que l'agent a informé M. B de ce que risquaient, en termes d'intérêt de retard et de majoration, en cas d'abus de droit, toutes les parties à l'acte ou à la convention et qu'il l'a, à la fin de cet exposé, interrogé sur l'existence d'un protocole d'accord avant de lui en demander copie ; que ce courrier conclut à " la légalité du droit de communication exercé à l'occasion de cette affaire " ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances qui révèlent que la demande de documents relatifs à la cession litigieuse effectuée auprès de M. B s'est accompagnée d'une menace de sanctions financières au titre d'une procédure d'abus de droit qui visait avant tout la constitution de la société civile Yves et l'apport d'actions effectué par M. A au profit de cette société qui ne concernait pas directement la société MV, l'administration doit être regardée comme ayant exercé une pression sur le destinataire de la demande de renseignement, susceptible de l'induire en erreur sur l'étendue de son obligation ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que l'obtention par l'administration du protocole d'accord du 2 août 1997 sur lequel se fonde en partie la notification de redressements pour asseoir les redressements litigieux est entachée d'une irrégularité qui affecte l'ensemble de la procédure de contrôle et a demandé, pour ce motif, la décharge de l'imposition litigieuse ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement en date du 4 avril 2006 le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. Vanni A des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Vanni A.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président,
Mme Besson-Ledey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2011.
''
''
''
''
1
2
N° 11LY00868
Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0203660 du 4 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. Vanni A des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997 ;
2°) de rétablir les suppléments d'impôts litigieux ;
Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal a jugé que la procédure de redressement est entachée d'irrégularité en raison de l'absence d'information, dans la notification de redressement, sur l'origine du protocole d'achat du 2 août 1997 que l'administration a obtenu dans le cadre de son pouvoir général d'investigation auprès de M. B et qui a été utilisé pour établir les impositions litigieuses ; elle s'est conformée à ses obligations d'information en informant le contribuable dans la notification de redressement de l'existence de ce protocole d'accord du 2 août 1997, document pour lequel le contribuable a été ainsi mis à même d'en demander la communication ; par ailleurs, dans sa réponse du 3 septembre 1998, le contribuable fait expressément référence au droit de communication exercé par l'administration auprès de M. B, ce qui démontre qu'il avait été informé, au moins verbalement, de l'origine du document litigieux avant la mise en recouvrement des impositions ; le contribuable, signataire de ce protocole, avait parfaitement connaissance de ce document et aucune erreur substantielle n'a été commise ;
- le droit de communication exercé auprès de M. B n'est pas entaché d'irrégularité dès lors qu'il a été exercé dans le cadre des pouvoirs généraux d'investigation de l'administration sans revêtir un caractère contraignant ;
- le requérant ne démontre pas que le vérificateur aurait méconnu son obligation au secret professionnel et, en tout état de cause, une telle méconnaissance serait sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
- la création de la société civile Yves suivie le même jour de l'apport des titres de la société A Vanni (MV) n'a été motivée que par des considérations fiscales aux fins d'obtenir un report d'imposition sur la plus-value d'une cession de titres envisagée, voire d'échapper définitivement à toute imposition en cas de donation ultérieure de ses parts ; il en est de même de la cession du fonds d'industrie pour laquelle l'interposition de la société Yves n'est pas également justifiée ; le recours à ce montage constitue ainsi un abus de droit ; le contribuable ne peut enfin se prévaloir de l'instruction 13 L 1432 pour soutenir que l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne lui serait pas applicable ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2006, présenté pour M. Vanni A qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que la procédure d'imposition était entachée d'irrégularité dès lors que la notification de redressements n'a pas mentionné l'origine des renseignements recueillis par l'administration et qu'il n'a pu ainsi organiser sa défense ;
- la demande de renseignements effectuée par l'administration auprès de M. B est entachée d'irrégularité compte tenu de ce qu'elle a entendu exercer son droit de communication à l'égard d'une personne non visée par le dispositif légal concernant ce droit et des conditions contraignantes dans lesquelles elle a obtenu le protocole d'accord auprès de M. B à la suite des pressions exercées sur ce dernier ;
- la procédure de répression d'abus de droit définie à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable dès lors qu'il n'a pas entendu réduire l'assiette de son imposition ou échapper définitivement à toute imposition mais qu'il a sollicité uniquement le report d'imposition, la plus-value ayant été déclarée régulièrement par ses soins ; ce report d'imposition ne peut être regardé comme une réalisation ou un transfert de bénéfices ou de revenus ;
- l'utilisation de la procédure d'abus de droit n'est pas également justifiée pour un report d'imposition au regard de l'instruction 13 L 1352 du 1er juillet 1989 qui dispose que l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne concerne que l'assiette de l'impôt et qui peut être utilement invoquée ;
- l'apport des titres de la société MV à la société civile Yves n'avait pas un but exclusivement fiscal ; l'objet de cette société civile est ainsi l'organisation familiale du patrimoine ; les fonds issus de la cession de la société MV ont été remployés dès le 27 juillet 1998 pour une prise de participation dans la société familiale A Karting et l'investissement en titres des 100 000 francs apportés par ses enfants ; cette société civile, qui a opté pour l'impôt sur les sociétés, n'a effectué aucun portage et n'est pas fictive ;
Vu le mémoire enregistré le 13 août 2008, présenté par LE MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Il soutient que :
- le vérificateur a fait usage de son pouvoir d'investigation générale auprès de M. B en précisant que la visite ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une procédure contraignante ; l'existence du protocole d'accord n'a pu être révélée que par M. B qui en a remis une copie au vérificateur qui n'en avait pas eu connaissance auparavant ; aucune pression sur M. B n'est établie ; la mention dans des courriers ultérieurs de l'exercice d'un droit de communication ne saurait entacher la procédure d'irrégularité alors que l'administration n'est intervenue que dans le cadre de ses pouvoirs généraux d'investigation ;
- le contenu de sa réponse à la notification de redressement démontre qu'il était informé à ce stade des renseignements que l'administration avait recueillis et notamment de la révélation du protocole d'accord ; le redressement n'a pas été déterminé par la seule obtention de ce document mais par un faisceau d'éléments d'information déjà réunis par l'administration et énumérés dans la notification de redressement ; l'absence de l'origine du protocole ne constitue donc pas une irrégularité substantielle ;
- la définition du domaine d'intervention de l'abus de droit résultant de l'instruction 13 L 1352 du 1er juillet 1989 ne peut conduire à écarter l'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans le cas d'espèce alors que le montage retenu a eu pour objet de soustraire de l'assiette de l'impôt au titre de l'année 1997 la plus-value réalisée et qu'elle a eu pour objet d'éluder le paiement immédiat de l'impôt ;
- le contribuable n'apporte aucun élément susceptible de justifier de l'intérêt successoral ou patrimonial de la société civile Yves de détenir pendant un mois les titres de la société MV si ce n'est pour échapper à l'impôt sur le montant de la plus-value ; il ne justifie pas de l'utilisation ultérieure des fonds provenant de la cession des titres de la société MV ;
Vu l'ordonnance du 8 octobre 2008 fixant la clôture de l'instruction au 31 octobre 2008, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2008, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu l'arrêt n° 06LY01960 du 5 février 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon rejette le recours du ministre ;
Vu l'arrêt du Conseil d'Etat, n° 326959, en date du 16 mars 2011, annulant l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 5 février 2009 et renvoyant l'affaire à la même Cour ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe le 30 mai 2011, par lequel M. A confirme ses précédentes écritures ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2011, par lequel MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT confirme ses précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2011 :
- le rapport de M. Duchon-Doris, président ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant que, le 2 septembre 1997, M. A a constitué avec ses deux enfants la société civile Yves ayant pour objet l'acquisition, la propriété et la gestion de titres de participations, l'achat et la vente de titres ainsi que la gestion d'un patrimoine composé de titres de sociétés ; que le même jour, M. A a apporté au capital de la société civile Yves la totalité des 9 400 actions de la société anonyme (SA) MV qu'il détenait et dont il était aussi président-directeur général, en échange de 235 000 parts de la société Yves d'une valeur nominale de 100 francs ; que cet apport a généré une plus-value évaluée à 23 265 000 francs laquelle a fait l'objet par M. A d'un report d'imposition en application des dispositions de l'article 160 du code général des impôts ; qu'alors que, comme il avait été prévu dans un protocole d'accord en date du 2 août 1997, la société Philippe B Industrie, représentée par M. B, a acquis, le 9 octobre 1997, la totalité des 10 000 actions de la SA MV pour un prix total de 25 000 000 francs, dont 23 500 000 francs pour les 9 400 actions détenues par la société civile Yves, le report d'imposition a été considéré par l'administration comme constitutif d'un abus de droit par la volonté de différer le paiement de l'impôt et d'éviter ainsi la taxation immédiate de cette plus-value au taux proportionnel de l'impôt sur le revenu ; que le comité consultatif pour la répression des abus de droits a rendu le 12 juin 2001 un avis favorable au redressement ; que, le ministre relève appel du jugement en date du 4 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. A des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997 à raison de ce redressement ;
Considérant que la notification de redressements en date du 3 août 1998 adressée à M. MENONI précisait que l'accord sur la chose et le prix concernant la cession de l'ensemble des actions de la SA MV à M. B était parfait depuis le 2 août 1997 date de signature d'un protocole d'accord conclu entre M. A et M. B pour la cession notamment de ces titres ; qu'il est constant que le protocole d'accord a été remis par M. B à l'agent vérificateur lors d'une visite effectuée dans le cadre de son pouvoir général d'investigation ; que le requérant fait valoir que l'administration n'a pas précisé à M. A dans la notification de redressements, l'origine de ce renseignement obtenu auprès d'un tiers qui a été utilisé pour procéder au redressement litigieux ; que toutefois, le requérant, qui a signé ce protocole d'accord, en connaissait le contenu, a fait état de l'origine de cette information dans ses observations formulées à la suite de la notification de redressements et a pu discuter de la portée de cet acte et des conditions d'obtention de cette information au cours de la procédure d'imposition ; que, par suite, il ne peut être regardé comme ayant été, du seul fait de l'absence d'information précise de la part de l'administration sur l'origine dudit renseignement avant la mise en recouvrement des impositions, privé de la possibilité de discuter le redressement ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal a déchargé les impositions litigieuses au motif qu'elles auraient été établies à l'issue d'une procédure ayant méconnu les droits de la défense en raison de ce que ni la notification de redressement du 3 août 1998, ni aucun autre document qui aurait été notifié au requérant avant la mise en recouvrement, ne comportaient d'indications suffisamment précises sur l'origine de ce renseignement ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A, tant en première instance qu'en appel ;
Sur le moyen relatif au droit de communication et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que si l'administration peut régulièrement, pour les besoins de l'établissement de l'impôt, demander des renseignements à des personnes non soumises au droit de communication prévu au chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales, c'est à la double condition que les intéressés ne soient pas tenus de répondre aux questions posées, et que la demande de renseignements qui leur est adressée par le service ne soit pas susceptible d'induire les destinataires en erreur sur l'étendue de leur obligation à cet égard ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a pris connaissance du protocole d'accord du 2 août 1997 au cours d'une visite de l'agent chargé du contrôle effectuée le 22 juillet 1998 au siège de la société MV, après l'avoir reçu des mains de M. B, directeur de ladite société ; que, selon le courrier adressé par M. B à l'administration deux jours après cette visite, le 24 juillet 1998 et consécutif à un entretien du même jour entre celui-ci et la direction régionale, l'administration lui aurait demandé de produire tout document relatif à l'opération réalisée avec la société Yves en menaçant sa société d'une pénalité de 4,8 millions de francs pour complicité d'abus de droit ; que, dans la réponse adressée à M. B par l'administration en date du 29 juillet 1998, celle-ci confirme que son agent s'est présenté, sans se faire annoncer, le 22 juillet 1998 à 8 heures 30 au siège de la société MV pour en repartir vers 9 heures, que l'objet de cette visite était de rechercher des éléments concernant la cession d'actions intervenue entre la société Yves et la société PM, que l'agent a informé M. B de ce que risquaient, en termes d'intérêt de retard et de majoration, en cas d'abus de droit, toutes les parties à l'acte ou à la convention et qu'il l'a, à la fin de cet exposé, interrogé sur l'existence d'un protocole d'accord avant de lui en demander copie ; que ce courrier conclut à " la légalité du droit de communication exercé à l'occasion de cette affaire " ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances qui révèlent que la demande de documents relatifs à la cession litigieuse effectuée auprès de M. B s'est accompagnée d'une menace de sanctions financières au titre d'une procédure d'abus de droit qui visait avant tout la constitution de la société civile Yves et l'apport d'actions effectué par M. A au profit de cette société qui ne concernait pas directement la société MV, l'administration doit être regardée comme ayant exercé une pression sur le destinataire de la demande de renseignement, susceptible de l'induire en erreur sur l'étendue de son obligation ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que l'obtention par l'administration du protocole d'accord du 2 août 1997 sur lequel se fonde en partie la notification de redressements pour asseoir les redressements litigieux est entachée d'une irrégularité qui affecte l'ensemble de la procédure de contrôle et a demandé, pour ce motif, la décharge de l'imposition litigieuse ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement en date du 4 avril 2006 le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. Vanni A des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Vanni A.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président,
Mme Besson-Ledey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2011.
''
''
''
''
1
2
N° 11LY00868