Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 26/10/2011, 339816
Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 26/10/2011, 339816
Conseil d'État - 4ème et 5ème sous-sections réunies
- N° 339816
- ECLI:FR:CESSR:2011:339816.20111026
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
26 octobre 2011
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION D'ACCUEIL AUX MEDECINS ET PERSONNELS DE SANTE REFUGIES EN FRANCE (APSR), dont le siège est à l'hôpital Sainte-Anne, Pavillon Piera Aulagnier, 1 rue Cabanis, à Paris (75014) ; l'APSR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de la santé et des sports, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministre des affaires étrangères sur ses demandes tendant à la modification, d'une part, des arrêtés des 8 juillet 2008 et 26 novembre 2009, d'autre part, de la circulaire du 30 novembre 2009 relative au diplôme de formation spécialisée et au diplôme de formation médicale spécialisée approfondie ;
2°) d'enjoindre à ces ministres de modifier ces textes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève relative au statut des réfugiés ;
Vu le code de l'éducation, notamment son article L. 632-1 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
Sur le refus de modifier les arrêtés du 8 juillet 2008 et du 26 novembre 2009 :
Considérant que lorsque, postérieurement à l'introduction d'une requête dirigée contre un refus d'abroger des dispositions à caractère réglementaire, l'autorité qui a pris le règlement litigieux procède à son abrogation expresse ou implicite, le litige né de ce refus d'abroger perd son objet ;
Considérant que l'ASSOCIATION D'ACCUEIL AUX MEDECINS ET PERSONNELS DE SANTE REFUGIES EN FRANCE a demandé au ministre des affaires étrangères et européennes, au ministre de la santé et des sports et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de modifier les articles 4, 5, 6 et 8 de l'arrêté du 8 juillet 2008 relatif au diplôme de formation médicale spécialisée et au diplôme de formation médicale spécialisée approfondie, modifié par l'arrêté du 16 mars 2009, afin d'y prévoir des dérogations aux modalités d'inscription dans les universités françaises à l'intention des réfugiés politiques, des apatrides et des personnes bénéficiant de la protection subsidiaire en France ; que, toutefois, cet arrêté a été abrogé par l'arrêté du 3 août 2010 ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du refus de ces ministres d'abroger les dispositions en cause ;
Considérant que l'arrêté du 26 novembre 2009, qui porte sur l'ouverture, au titre de l'année universitaire 2010/2011, des épreuves écrites de contrôle de niveau des connaissances prévues par l'arrêté du 8 juillet 2007, a épuisé ses effets à la date à laquelle le Conseil d'Etat statue ; que, dès lors, il appartient au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du refus de modifier cet arrêté ;
Sur le refus de modifier la circulaire du 30 novembre 2009 :
Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 22 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés : " Les Etats contractants accorderont aux réfugiés un traitement aussi favorable que possible, et en tout cas non moins favorable que celui qui est accordé aux étrangers en général, dans les mêmes circonstances, quant aux catégories d'enseignement autres que l'enseignement primaire et notamment en ce qui concerne (...) la reconnaissance de certificats d'études, de diplômes et de titres universitaires délivrés à l'étranger (...) " ;
Considérant que le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministre de la santé et des sports, chargés par l'article L. 632-1 du code de l'éducation de fixer le régime des études médicales et postuniversitaires ainsi que l'organisation de la recherche, ont, par les dispositions du IV de leur circulaire du 30 novembre 2009, reprises dans leur circulaire du 12 novembre 2010, autorisé les candidats ayant accompli l'intégralité de leur cursus d'études en langue française à produire une attestation délivrée nominativement par leur établissement d'origine, afin de leur permettre de justifier de leur connaissance de la langue française et d'être dispensés de passer le test de connaissance de la langue française, équivalent au niveau B2, ou d'obtenir le diplôme d'étude en langue française au minimum de niveau B2 ;
Considérant qu'en raison même de leur statut, les réfugiés et apatrides sont susceptibles de se voir refuser, par les autorités universitaires de leur pays d'origine, la production de l'attestation prévue par le IV de la circulaire ; qu'ainsi, l'application de la règle générale posée par la circulaire implique que les réfugiés et apatrides sont susceptibles de se voir appliquer un traitement moins favorable que celui effectivement appliqué aux autres étrangers ; que, par suite, ces dispositions méconnaissent les stipulations précitées de la convention de Genève ; qu'eu égard à l'objet de la loi du 10 décembre 2003 définissant le régime de la protection subsidiaire, l'association requérante est fondée à demander l'annulation du refus de procéder à leur modification, non seulement en ce qui concerne les réfugiés et apatrides, mais aussi pour les personnes bénéficiant de cette protection ;
Considérant que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre aux ministres compétents, s'ils entendent maintenir cette dérogation, de prendre une règlementation permettant aux réfugiés et apatrides, ainsi qu'aux personnes bénéficiant de la protection subsidiaire, d'apporter par tous moyens la preuve qu'ils ont accompli l'intégralité de leur cursus d'études en langue française ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ces conclusions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de l'ASSOCIATION D'ACCUEIL AUX MEDECINS ET PERSONNELS DE SANTE REFUGIES EN FRANCE tendant à l'annulation des refus implicites du ministre des affaires étrangères et européennes, du ministre de la santé et des sports et du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de modifier les articles 4, 5, 6 et 8 de l'arrêté du 8 juillet 2008 relatif au diplôme de formation médicale spécialisée et au diplôme de formation médicale spécialisée approfondie, modifié par l'arrêté du 16 mars 2009, ainsi que de modifier l'arrêté du 26 novembre 2009.
Article 2 : Les décisions implicites du ministre de la santé et des sports et du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche refusant de modifier les dispositions du IV de la circulaire du 30 novembre 2009, reprises par la circulaire du 12 novembre 2010, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, s'ils entendent maintenir la dérogation prévue par les dispositions du IV de la circulaire du 30 novembre 2009, reprises dans la circulaire du 12 novembre 2010, de prendre une règlementation permettant aux réfugiés et apatrides ainsi qu'aux personnes bénéficiant de la protection subsidiaire, d'apporter par tous moyens la preuve qu'ils ont ainsi accompli l'intégralité de leur cursus d'études en langue française ;
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION D'ACCUEIL AUX MEDECINS ET PERSONNELS DE SANTE REFUGIES EN FRANCE, au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.