Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 28/07/2011, 330824, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi, enregistré le 14 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06MA03105 du 30 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé le jugement n° 0204433 du 4 juillet 2006 du tribunal administratif de Montpellier ayant accordé à M. et Mme Jean-Luc A la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1997, et n'a, d'autre part, que partiellement remis à la charge des intéressés les cotisations dont les premiers juges leur avaient accordé la décharge, en excluant la somme de 758 561 F de leur base d'imposition ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit au surplus des conclusions de son appel devant la cour administrative d'appel de Marseille ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blondel, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blondel, avocat de M. et Mme A ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A ont donné à bail à la commune de Ganges, le 7 septembre 1983, une parcelle de quatre hectares située sur le territoire de la commune de Brissac, pour une durée de vingt ans à compter du 1er janvier 1985, en vue de la réparation et de l'extension d'une piste de karting ; que le bail stipulait expressément que tous les travaux, améliorations, embellissements et décors quelconque (...) resteront en fin de bail, de quelque manière et à quelque époque que cela arrive, la propriété du bailleur, sans indemnité ; qu'aux termes d'un acte notarié du 23 octobre 1997, M. et Mme A ont cédé à la commune de Ganges le terrain précédemment loué, ainsi que des parcelles attenantes ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal des époux A, l'administration a estimé que la cession à la commune du terrain qui avait fait l'objet du contrat de location avait eu pour effet d'entraîner la résiliation de ce contrat et a imposé, au titre de l'année 1997, le supplément de loyer constitué par la valeur des aménagements et constructions réalisés par le preneur, évaluée à la somme de 1 415 000 F, dans la catégorie des revenus fonciers ; que le tribunal administratif de Montpellier, a, par un jugement du 4 juillet 2006, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. et Mme A au titre de l'année 1997 ; que, par un arrêt du 30 juin 2009, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal et remis à la charge de M. et Mme A les cotisations dont ils avaient obtenu la décharge, en excluant toutefois de la base imposable la somme de 758 561 F ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de son appel ;

Sur les conclusions principales du pourvoi :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 29 du code général des impôts : Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires et diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires (...) ; que lorsqu'un contrat de bail prévoit, en faveur du bailleur, la remise gratuite en fin de bail des aménagements ou constructions réalisés par le preneur, la valeur de cet avantage constitue, pour le bailleur, un complément de loyer ayant le caractère d'un revenu foncier imposable au titre de l'année au cours de laquelle le bail arrive à expiration ou fait l'objet avant l'arrivée du terme d'une résiliation ;

Considérant que la cour n'a pas dénaturé la portée du contrat de location signé le 7 septembre 1983 en estimant que si la cession consentie par M. et Mme A à la commune de Ganges avait, au regard de la loi fiscale, les effets d'une résiliation amiable tacite du bail, entraînant la remise gratuite anticipée des immeubles au bailleur préalablement à la vente, les travaux de remise aux normes, de réfection et d'amélioration de la piste de karting réalisés par la commune en juillet et août 1997 pour un montant de 758 561 F n'entraient en revanche pas dans les prévisions du contrat de bail et que leur valeur ne constituait pas un revenu foncier imposable au titre de 1997, dès lors que ces travaux avaient été effectués en vertu du compromis de vente du terrain signé par Mme A et la commune le 4 juin 1997 et pris en charge par la commune en sa qualité non de locataire mais d'acquéreur potentiel du terrain en exécution du compromis de vente qui prévoyait que les aménagements réalisés avaient vocation à revenir à l'acquéreur ; que la cour a exactement qualifié les faits en jugeant que la somme de 758 561 F ne constituait pas un revenu foncier ;

Sur les conclusions subsidiaires du pourvoi :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la somme de 758 561 F constituait la valeur à laquelle l'administration fiscale avait estimé les travaux de remise aux normes, de réfection et d'amélioration de la piste de karting réalisés par la commune en juillet et août 1997 ; que, par suite, la cour a commis une erreur de droit en excluant cette somme de la base d'imposition de M. et Mme A à l'impôt sur le revenu (catégorie des revenus fonciers) et aux contributions sociales au titre de l'année 1997, au lieu de l'exclure du montant du revenu brut, avant application de la déduction forfaitaire de 14 % représentant les frais de gestion et l'amortissement, alors prévue par l'article 31 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 juin 2009 en tant seulement qu'il exclut la somme de 758 561 F de la base d'imposition et non du revenu brut foncier de M. et Mme A ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, pour les motifs exposés ci-dessus, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que la somme de 758 561 F doit être déduite du revenu brut foncier perçu par M. et Mme A pour le calcul de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales qu'ils doivent au titre de l'année 1997 ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme A tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme qu'ils demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 juin 2009 est annulé en tant qu'il prévoit que la somme de 758 561 F est exclue de la base d'imposition de M. et Mme A à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales dus au titre de l'année 1997.
Article 2 : La somme de 758 561 F (115 642 euros) est exclue du revenu brut foncier pour le calcul de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales dus par M. et Mme A au titre de l'année 1997.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à M. et Mme Jean-Luc A.

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