Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 28/01/2011, 342388, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi, enregistré le 11 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Frédéric A, demeurant 5 allée de la Croix des Champs à Savigny-le-Temple (77176) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1004511 du 21 juillet 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'arrêté du 11 mai 2010 par lequel le maire de la commune de Savigny-le-Temple l'a maintenu en disponibilité d'office jusqu'au 10 mars 2011 ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension et d'enjoindre à la commune de le placer en congé de longue maladie à compter de l'ordonnance rendue par le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Savigny-le-Temple la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A et de la SCP Bénabent, avocat de la commune de Savigny-le-Temple,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A et à la SCP Bénabent, avocat de la commune de Savigny-le-Temple ;



Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, fonctionnaire territorial, a été placé en congé de maladie à compter du 11 juin 2007, puis a été mis en position de disponibilité d'office à compter du 11 juin 2008 ; que, par un arrêté du 11 mai 2010, le maire de la commune de Savigny-le-Temple a maintenu M. A en position de disponibilité d'office jusqu'au 10 mars 2011; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté, pour défaut d'urgence, la demande de suspension de l'exécution de cette décision présentée par M. A ; qu'en se fondant, pour apprécier si la décision litigieuse préjudiciait de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du requérant, sur ce qu'il ne produisait aucun élément ni document relatif aux revenus dont il disposait réellement, alors qu'un agent public ayant été placé d'office dans une position statutaire qui le prive de son traitement n'est pas tenu de fournir de telles précisions à l'appui de sa demande de suspension de l'exécution de cette mesure, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit ; qu'au surplus, en se fondant, pour apprécier l'effet de la décision litigieuse du 11 mai 2010, qui maintenait l'intéressé dans la position de disponibilité d'office dans laquelle il était placé depuis le 11 juin 2008 et qui continuait ainsi à le priver de son traitement, sur la circonstance que le requérant n'avait saisi le juge des référés que près de deux ans après la première décision le plaçant en disponibilité d'office, dont il n'avait d'ailleurs pas demandé l'annulation, le juge des référés a aussi entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que M. A est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, d'une part, que la décision de maintenir M. A dans la position de disponibilité d'office pour un an à compter du 11 mai 2010 a pour effet de placer ce dernier, qui se trouve privé de son traitement depuis le 11 juin 2008, dans une situation financière précaire ; que l'intéressé fait état de nombreuses dettes qu'il ne peut honorer ; que si la commune de Savigny-le-Temple soutient que M. A dispose de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins et pour recevoir des soins adaptés à son état de santé, cela ne résulte pas de l'instruction ; que, dès lors, M. A doit être regardé, eu égard à la nature et aux effets de la mesure de maintien en position de disponibilité d'office dont il a fait l'objet, comme justifiant d'une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation ;

Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de ce que la lettre du 6 avril 2010 indiquant à M. A la date d'examen de son dossier par le comité médical départemental ne l'informait pas, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987, de son droit à la communication de son dossier et des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur, est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 11 mai 2010 pris après avis du comité médical départemental ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de la commune de Savigny-le-Temple du 11 mai 2010 ;

Considérant que la présente décision, si elle implique que le maire de la commune de Savigny-le-Temple procède à un nouvel examen de la situation de M. A, n'implique pas nécessairement qu'il le place en position de congé de longue maladie ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A doivent être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Savigny-le-Temple le versement à M. A de la somme de 3 000 euros ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Savigny-le-Temple et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 21 juillet 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 11 mai 2010 du maire de la commune de Savigny-le-Temple est suspendue.
Article 3 : La commune de Savigny-le-Temple versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Savigny-le-Temple tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Frédéric A et à la commune de Savigny-le-Temple.

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