Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 24/11/2010, 336264, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 4 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE RAMATUELLE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE RAMATUELLE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08MA01676 du 7 décembre 2009 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il rejette ses conclusions d'appel dirigées contre le jugement n° 0500345 du tribunal administratif de Nice du 29 janvier 2008 en tant qu'il annule la décision de la commission des délégations de service public du 5 novembre 2004 rejetant la candidature de M. A à l'attribution du lot n° 6 de la plage de Pampelonne ;

2°) de mettre la somme de 3 500 euros à la charge de M. A en application des dispositions de l'article L. 761-1 ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 octobre 2010, présentée pour M. A ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 octobre 2010, présentée pour la COMMUNE DE RAMATUELLE ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de la COMMUNE DE RAMATUELLE et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Ange A,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de la COMMUNE DE RAMATUELLE et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Ange A ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DE RAMATUELLE a, par une délibération du conseil municipal du 7 mars 2003, adopté le principe de la délégation du service public des plages, approuvé le règlement de consultation et autorisé le maire à conduire la procédure de publicité ; que la commission des délégations de service public a, lors de sa réunion du 5 novembre 2004, rejeté la candidature de M. Paul A à l'attribution du lot n° 6 ; que M. A a demandé l'annulation de cette décision ; que M. Ange A est venu aux droits de son père, décédé au mois de février 2005 ; que par un jugement du 28 janvier 2008, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision de la commission des délégations de service public du 5 novembre 2004 rejetant la candidature de M. A pour le lot n° 6 ; que la cour administrative d'appel de Marseille a, par l'arrêt attaqué du 7 décembre 2009, rejeté l'appel présenté par la COMMUNE DE RAMATUELLE ;

Considérant que pour juger illégal le rejet, par la commission des délégations de service public, de la candidature de M. A, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur une grille d'analyse établie par cette commission, laquelle n'a pas été versée au dossier ni soumise au débat contradictoire ; que la cour a ainsi méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, qu'il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette les conclusions d'appel dirigées contre le jugement n° 0500345 du tribunal administratif de Nice du 28 janvier 2008 en tant qu'il annule la décision de la commission des délégations de service public du 5 novembre 2004 rejetant la candidature de M. A ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans la mesure de l'annulation prononcée en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) / - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) / - refusent une autorisation (...) ;

Considérant que la décision de rejet d'une candidature dans le cadre d'une procédure de passation d'un contrat portant délégation de service public ne constitue pas le refus d'une autorisation au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'elle n'entre dans aucune autre catégorie de décision administrative devant faire l'objet d'une motivation en application de ces dispositions ; que, dès lors, la COMMUNE DE RAMATUELLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision litigieuse motif pris de son insuffisante motivation au regard de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2004 rejetant sa candidature à l'attribution du lot n° 6 de la plage de Pampelonne ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : La commission mentionnée à l'article L. 1411-5 dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public ; que la commission peut légalement prendre en compte, au titre de l'appréciation de l'aptitude d'un candidat à assurer la continuité du service public, celle qu'il a manifesté dans le cadre d'une précédente délégation, à condition de prendre également en considération tout autre élément du dossier produit par le candidat ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'exploitation du lot n° 6 de la plage de Ramatuelle par M. A avait provoqué d'importants troubles de voisinage et nuisances ; que l'exploitant n'y a pas remédié en dépit de nombreuses demandes et actions engagées pour les faire cesser ; qu'il a poursuivi l'exploitation de son établissement construit sur le domaine public longtemps après l'expiration de sa délégation ; que la commission des délégations de services publics de la commune de Ramatuelle, qui a pris en considération l'ensemble des documents et pièces produits, a pu légalement se fonder sur ces éléments, sans entacher sa décision d'inexactitudes matérielles ni d'erreur manifeste d'appréciation, pour rejeter la candidature de M. A au motif qu'il ne justifiait pas de son aptitude à assurer la continuité du service public, laquelle implique un fonctionnement du service conforme aux exigences légales ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A, seul candidat à l'attribution du lot n° 6, ne peut utilement soutenir que l'examen de sa candidature aurait reposé sur des critères différents de ceux qui auraient fondé l'examen des candidatures pour d'autres lots de plage ;

Considérant, en troisième lieu, que si le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par sa décision du 5 octobre 2005, annulé la délibération du conseil municipal de Ramatuelle en date du 8 septembre 2000, laquelle procédait à une nouvelle délimitation des lots de plage à concéder en excluant le lot précédemment exploité par M. A, cette annulation n'a pas eu pour effet de proroger la précédente délégation dont M. A bénéficiait, laquelle était venue à expiration ; qu'ainsi l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la commission des délégations de service public aurait inexactement fondé le rejet de sa candidature sur le second motif tiré de ce qu'il avait continué à occuper sans titre le domaine public ;

Considérant, en dernier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, la COMMUNE DE RAMATUELLE avait rendu publics les critères de sélection des offres ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE RAMATUELLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 5 novembre 2004 de la commission des délégations de service public rejetant la candidature de M. A à l'attribution du lot n° 6 de la plage de Pampelonne ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. A soit mise à la charge de la COMMUNE DE RAMATUELLE qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. Ange A une somme de 6 000 euros qui sera versée à la COMMUNE DE RAMATUELLE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, pour l'ensemble de la procédure ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 08MA01676 du 7 décembre 2009 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement n° 0500345 du 28 janvier 2008 du tribunal administratif de Nice sont annulés en tant qu'ils statuent sur les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision de la commission des délégations de services publics du 5 novembre 2004.

Article 2 : La demande présentée par M. A au tribunal administratif de Nice tendant à l'annulation de la décision de la commission des délégations de service public du 5 novembre 2004 et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 3 : M. A versera à la COMMUNE DE RAMATUELLE une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE RAMATUELLE et à M. Ange A.

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