Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 10/11/2010, 341133, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi, enregistré le 2 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n°1000334 en date du 16 juin 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la décision du 10 mai 2010 du directeur de la direction de l'infrastructure de la défense à Cayenne rejetant la candidature de la société Multi Travaux Guyane (MTG) pour un marché de travaux de rénovation du hangar technique du centre de contrôle militaire de Kourou ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de la société MTG ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 ;

Vu le code des marchés publics ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;



Considérant que le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 16 juin 2010 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Cayenne, statuant en application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Multi Travaux Guyane (MTG), annulé la décision du 10 mai 2010 du directeur de l'infrastructure de la défense à Cayenne rejetant la candidature de cette société à l'appel public à la concurrence lancé le 1er mars 2010 en vue de la passation d'un marché de rénovation d'un hangar technique ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements ; qu'il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ; que, par suite, en annulant la décision litigieuse au motif que le pouvoir adjudicateur ne pouvait écarter la candidature de la société MTG en se fondant sur les seuls manquements relevés contre cette société dans le cadre de l'exécution d'un précédent marché en l'absence de tout examen des garanties nouvelles offertes par cette société postérieurement à ce marché, sans rechercher si ces manquements étaient susceptibles d'avoir lésé la société MTG ou risquaient de la léser, le juge des référés a commis une erreur de droit justifiant l'annulation de son ordonnance ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société MTG ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de la défense :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 551-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 27 novembre 2009, applicable au présent marché : Le représentant de l'Etat ou l'auteur du recours est tenu de notifier son recours au pouvoir adjudicateur. / Cette notification doit être faite en même temps que le dépôt du recours et selon les mêmes modalités. / Elle est réputée accomplie à la date de sa réception par le pouvoir adjudicateur. ; que ces dispositions, prévues dans l'intérêt de l'auteur du référé en vue d'éviter que le marché contesté ne soit prématurément signé par le pouvoir adjudicateur resté dans l'ignorance de l'introduction d'un recours, ne sont pas prescrites à peine d'irrecevabilité de ce recours ; qu'il suit de là que la fin de non recevoir opposée par le MINISTRE DE LA DEFENSE tirée de ce qu'en l'absence de la notification le recours de la société MTG était irrecevable doit être écartée ;

Sur les conclusions de la société MTG tendant à l'annulation de la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE écartant sa candidature :

Considérant qu'aux termes du 3° de l'article 8 de l'ordonnance du 6 juin 2005 : Ne peuvent soumissionner à un marché passé par un pouvoir adjudicateur : (...) Les personnes soumises à la procédure de liquidation judiciaire prévue à l'article L. 640-1 du code de commerce (...) Les personnes admises à la procédure de redressement judiciaire instituée par l'article L. 631-1 du code de commerce (....) doivent justifier qu'elles ont été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d'exécution du marché ; que l'article 38 de la même ordonnance prévoit l'application de cette disposition à l'ensemble des marchés publics ; qu'aux termes de l'article 43 du code des marchés publics : Les interdictions de soumissionner aux marchés et accords-cadres soumis au présent code s'appliquent conformément aux dispositions de l'article 38 de l'ordonnance du 6 juin 2005 (..) ; que l'article 52 du même code prévoit que (...) Les candidats qui ne peuvent soumissionner à un marché en application des dispositions de l'article 43 (...) ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du marché ;

Considérant que si la société MTG soutient que le pouvoir adjudicateur ne pouvait écarter sa candidature en se fondant sur les difficultés rencontrées à l'occasion d'un précédent marché sans rechercher si d'autres éléments de son dossier de candidature ne permettaient pas de justifier de son aptitude à réaliser le marché en cours de passation, il résulte toutefois des dispositions précitées qu'une société en redressement judiciaire n'est pas recevable à soumissionner à un marché dont l'exécution s'étend au-delà de la période d'observation admise par le jugement l'autorisant à poursuivre son activité ; que, par un jugement du 23 septembre 2009, le tribunal de commerce de Cayenne a fixé au 23 mars 2010 la fin de la période d'observation de la société MTG alors que les travaux prévus au marché litigieux devaient débuter au mois de juin 2010, soit après la fin de la période d'observation ; qu'il suit de là que la société MTG, qui n'était pas recevable à soumissionner au marché litigieux, n'était pas susceptible d'être lésée ou de risquer d'être lésée par l'irrégularité qu'elle invoque ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par la société MTG devant le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne doit être rejetée ; que doivent aussi être rejetées par voie de conséquence les conclusions présentées par cette société devant le tribunal administratif de Cayenne tendant à ce que soient mis à la charge de l'Etat les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 16 juin 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Cayenne est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société MTG devant le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE et à la société MTG.

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