COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 3ème chambre - formation à 3, 18/10/2010, 09LY00748, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2009, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL , dont le siège est B.P 127 à Vienne Cedex (38209) ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403246 en date du 30 janvier 2009 du Tribunal administratif de Grenoble :
- en tant qu'il a annulé la décision du 15 mai 2003 radiant M. A des cadres à compter du 1er mai 2003 ;
- en tant qu'il l'a condamné à verser à M. A la somme de 50 000 euros ;
- en tant qu'il lui a enjoint de réintégrer juridiquement M. A à compter du 1er janvier 1999 et de régulariser les droits à pension de ce dernier à compter de cette date ;
- en tant qu'il l'a condamné à verser à M. A la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision susmentionnée du 15 mai 2003 ;

3°) de rejeter les conclusions indemnitaires de M. A, ainsi que celles tendant à sa réintégration et à la régularisation de ses droits à pension ;

4°) de mettre à la charge de M. A la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, le médecin du travail, a conclu à une inaptitude de l'intéressé au travail et non pas à une inaptitude aux fonctions ; également, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, le médecin du travail a prononcé son avis d'inaptitude compte tenu des possibilités de le reclasser ; la décision de radiation des cadres est explicitement fondée en fait sur l'inaptitude au travail de M. A ; la décision de radiation des cadres n'est ainsi pas entachée d'erreur de droit ; elle repose sur des faits matériellement établis et n'est entachée d'aucune erreur de qualification juridique des faits ;
- la décision du 21 août 1998 n'a causé aucun préjudice économique à l'intéressé, comme en témoigne la passivité qu'il a manifestée à retrouver du travail pendant cinq ans ;
- le dossier établissant que l'intéressé était inapte au travail, il n'est pas fondé à réclamer le préjudice constitué par la perte des traitements qu'il n'était pas en état de percevoir ;
- dès lors que pendant les années indemnisées à tort, M. A n'a ni travaillé, ni recherché à travailler et qu'il a perçu des revenus immobiliers, l'existence d'un préjudice moral ou de troubles dans les conditions d'existence n'est pas caractérisée ;
- dès lors que l'intéressé n'était pas en état de travailler à compter de l'année 1998, il doit pouvoir établir que la réalité de son état de santé, lui aurait ouvert le bénéfice d'un congé statutaire, lui permettant d'acquérir des droits à pension ; en outre, s'il avait été placé en disponibilité d'office, ainsi qu'il le demandait, il n'aurait pu, placé dans cette position prétendre à ses droits à pension ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2010, présenté pour M. A qui demande à la Cour de :
- rejeter la requête ;
- réformer le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 30 janvier 2009 en tant qu'il a limité l'indemnisation qui lui a été accordée en réparation de ses préjudices à hauteur de 50 000 euros ;
- de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL à lui verser la somme de 195 227,80 euros, outre intérêts de droit à compter du 15 juillet 2003, date de réception de sa demande préalable et capitalisation desdits intérêts ;
- de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :
- dès lors que le centre hospitalier ne conteste pas le jugement en tant qu'il a annulé la décision du 21 août 1998 refusant de le réintégrer, l'annulation prononcé est devenue définitive et il doit être regardé comme juridiquement réintégré le 1er janvier 1999 ;
- il ressort très clairement de l'avis du médecin du travail qu'il était uniquement inapte, à cette date, au poste d'ambulancier c'est-à-dire à ses seules fonctions et cette inaptitude n'était pas définitive ; en outre, le comité médical départemental a reconnu son aptitude à son poste ;
- le centre hospitalier n'établit pas qu'il aurait examiné toutes les possibilités de reclassement dont il disposait ;
- la décision du 15 mai 2003 émane d'une autorité incompétente ;
- cette décision devait être précédée de la communication du dossier ;
- le comité médical départemental aurait dû être consulté ;
- cette décision est entachée de rétroactivité illégale ;
- s'agissant de la régularisation des droits à pension, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, le médecin du travail n'a pas conclu à une inaptitude depuis l'année 1998 ;
- l'illégalité des décisions du 21 août 1998 et du 15 mai 2003 implique que le centre hospitalier procède à la régularisation des droits à pension de l'intéressé à compter du 1er janvier 1999, jusqu'à la date de sa réintégration effective ;
- il a droit à une indemnité destinée à compenser la perte de revenus et les troubles dans les conditions d'existence ;
- contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, l'avis rendu par le comité médical départemental en date du 25 novembre 2008 permet d'établir sa capacité à exercer durablement ses fonctions et aucun élément du dossier ne permet de justifier une limitation de l'indemnisation de son préjudice ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 juillet 2010, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL , qui demande en outre à la Cour, d'ordonner une expertise ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 août 2010, présenté pour M. A qui conclut en outre au rejet de la demande d'expertise sollicitée par le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL ;

Vu les ordonnances en date des 25 juin et 27 juillet 2010 par lesquelles, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la Troisième chambre de la Cour a fixé puis reporté la clôture de l'instruction au 26 juillet et au 20 août 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et aux régimes des congés de maladie des fonctionnaires ;

Vu le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers ;

Vu le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 pris pour l'application de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et relatif au reclassement des fonctionnaires pour raisons de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les observations de Me Brocheton, pour le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL et de Me Doitrand, pour M. A ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que, par la présente requête, le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL interjette appel du jugement en date du 30 janvier 2009 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a annulé sa décision en date du 15 mai 2003 radiant M. A des cadres, le condamnant à verser à ce dernier une somme de 50 000 euros et lui enjoignant de réintégrer ce dernier à la première vacance de poste de conducteur ambulancier et de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er janvier 1999 en régularisant ses droits à pension ; que M. A conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour de porter la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser à 195 227,80 euros ;

Sur la légalité de la décision en date du 15 mai 2003 radiant M. ARTHAUD des cadres :

Considérant qu'il ressort de son avis rendu le 24 mars 2003, que le médecin du travail n'a pas conclu à l'inaptitude définitive de M. A à l'exercice de toutes fonctions, mais à une inaptitude au travail compte tenu de son état de santé et de la lourdeur du poste de travail d'ambulancier ; que, pas plus en appel que devant les premiers juges, le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL n'établit que M. A était dans l'incapacité d'occuper un autre emploi au sein d'une collectivité publique ; que, dans ces conditions, le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 15 mai 2003 prononçant la radiation des cadres de M. A ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL :

En ce qui concerne la période allant du 1er janvier 1999 au 1er mai 2003 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du jugement attaqué, devenu définitif sur ce point, que les premiers juges ont annulé le refus de réintégration qui a été opposé à l'intéressé par décision du 21 août 1998 ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL ;

Considérant qu'il résulte ce qui précède que M. A a été illégalement privé d'emploi et donc des ressources correspondantes à compter du 1er janvier 1999, date à laquelle il aurait pu occuper le poste d'ambulancier qui venait de se libérer, jusqu'au 1er mai 2003, date à laquelle il a présenté une nouvelle demande de réintégration ; que le centre hospitalier n'apporte aucun élément de nature à établir que, sur cette période, l'intéressé aurait été physiquement inapte à occuper cet emploi ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne s'est pas manifesté pour faire valoir ses droits au cours de cette période pour laquelle il demande réparation ; que, dans ces conditions, il doit être tenu pour responsable à raison d'un tiers des préjudices allégués à ce titre ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation des préjudices qu'il a subis au cours de cette période en condamnant le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL à lui verser la somme de 50 000 euros ;

En ce qui concerne la période du 1er mai 2003 au 1er mai 2009 :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'en prenant la décision du 15 mai 2003 prononçant la radiation des cadres de M. A, le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL , a commis une faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de ce dernier ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. A reconnu apte à son poste par avis du comité médical départemental a été constaté à la date du 25 novembre 2008 ; qu'en ce qui concerne la période comprise entre le 1er mai 2003 et le 25 novembre 2008, la production du seul avis du médecin du travail établi le 24 mars 2003 concluant à une inaptitude au travail en tant qu'ambulancier, n'établit pas la pleine capacité de l'intéressé d'exercer durablement ses fonctions ou la possibilité d'obtenir un reclassement au sein de l'établissement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices subis par M. A au cours de cette période en condamnant le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL à lui verser la somme de 25 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise médicale, qu'il y a lieu de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL à verser à M. A une indemnité d'un montant total de 75 000 euros ; que ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2003, date de réception de sa demande préalable ; que les intérêts échus le 7 janvier 2009, date à laquelle la demande de capitalisation a été présentée, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur la réintégration de M. A et sur la régularisation de ses droits à pension :

Considérant que, par l'effet de l'annulation des décisions refusant de faire droit à la demande de réintégration de M. A et le radiant des cadres, le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL est tenu, non seulement de réintégrer l'intéressé mais également de le rétablir dans ses droits à pension, en procédant à la régularisation des cotisations afférentes à sa période d'éviction ; que, par suite, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a enjoint au CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL , de procéder à la régularisation des droits à pension de l'intéressé ;




Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL le versement à M. A de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais ;

DECIDE :

Article 1er : Le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL est condamné à payer à M. A la somme de 75 000 euros. Cette somme portera intérêts aux taux légal à compter du 15 juillet 2003. Les intérêts échus le 7 janvier 2009 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du 30 janvier 2009 du Tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE LUCIEN HUSSEL et à M. René A.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Seillet et Mme Dèche, premiers conseillers,
Lu en audience publique, le 18 octobre 2010.
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N° 09LY00748



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