Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 19/07/2010, 331013

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août et 9 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Fabio A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 23 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, premièrement, à l'annulation du jugement du 2 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2007 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement constatant l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux, deuxièmement, à l'annulation de ces décisions, troisièmement, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de lui accorder la naturalisation ;

2°) de mettre à la charge du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Gounin, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. A ;





Considérant qu'aux termes de l'article 21-16 du code civil : Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France, de manière stable, le centre de ses intérêts, sa demande ne peut qu'être rejetée ; que, pour apprécier si cette condition se trouve remplie, l'administration peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la durée de la présence du demandeur en France, sa situation familiale et le caractère suffisant et durable des ressources lui permettant de demeurer en France ; que la circonstance que, lorsque la condition de résidence posée à l'article 21-16 précité n'est pas remplie, l'administration doive rejeter la demande de l'intéressé ne fait pas obstacle à ce que ce dernier puisse se prévaloir utilement devant le juge de l'excès de pouvoir de tout moyen de légalité externe et interne à l'encontre de la décision attaquée ;

Considérant ainsi qu'en relevant que le moyen du requérant tiré de l'incompétence alléguée du signataire de la décision était inopérant, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que la décision attaquée a été signée par M. Eric Magnes, chef du premier bureau des naturalisations, bénéficiant par arrêté du 5 juin 2007 de la délégation de M. Patrick Butor, directeur de la population et des migrations, nommé par décret du 14 avril 2005, à l'effet de signer au nom du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, tous les actes relatifs aux affaires relevant des naturalisations à l'exclusion des décrets ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée n'est pas fondé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A exerce son activité professionnelle en Suisse, que son épouse réside dans ce pays, dont elle a la nationalité, où elle travaille et ne rejoint le requérant qu'en fin de semaine et que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance que le requérant habite en France depuis 2001 et y soit correctement intégré, il ne peut être regardé comme ayant en France le centre de ses intérêts matériels et familiaux ; que, par suite, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement pouvait déclarer irrecevable sa demande de naturalisation ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. A, ne nécessite aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A les sommes que demande le ministre au même titre ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Nantes du 23 juin 2009 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. A devant la cour administrative de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Fabio A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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