Cour Administrative d'Appel de Nantes, 2ème Chambre, 18/03/2010, 09NT01101, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 6 mai 2009, présentée pour l'ASSOCIATION VENT DE VERITE, représentée par son président en exercice, dont le siège est ..., M. Michel ZX, demeurant ..., M. Olivier A, demeurant ..., Mme Nathalie X, demeurant ... et M. Serge Y, demeurant ..., par Me Enguéléguélé, avocat au barreau d'Amiens ; l'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 07-3972 et 08-3893 du Tribunal administratif d'Orléans du 10 mars 2009 en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation, d'une part, des arrêtés du préfet du Cher du 7 mai 2007 autorisant la société Nordex France à construire, sur le territoire de la commune de Civray, respectivement, quatre éoliennes et un poste de livraison chaussée Jules César Nord et quatre éoliennes et un poste de livraison chaussée Jules César Sud, ensemble la décision du 7 septembre 2007 rejetant le recours gracieux de l'ASSOCIATION VENT DE VERITE, d'autre part, des arrêtés du préfet du Cher du 11 juillet 2008 accordant des permis de construire modificatifs desdits projets, ensemble la décision du 15 septembre 2008 rejetant le recours gracieux de l'ASSOCIATION VENT DE VERITE ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 février 2010 :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Mezinc, substituant Me Enguéléguélé, avocat de l'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres ;

- et les observations de Me Gelas, substituant Me Cassin, avocat de la société Nordex France ;


Considérant que, par deux arrêtés du 7 mai 2007, le préfet du Cher a autorisé la société Nordex France à construire, sur le territoire de la commune de Civray, respectivement, quatre éoliennes et un poste de livraison chaussée Jules César Nord et quatre éoliennes et un poste de livraison chaussée Jules César Sud ; que, par deux arrêtés du 11 juillet 2008, il a accordé à cette société des permis de construire modificatifs desdits permis ; que l'ASSOCIATION VENT DE VERITE, M. ZX, M. A, Mme X et M. Y relèvent appel du jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 10 mars 2009 en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation, d'une part, des arrêtés du préfet du Cher du 7 mai 2007, ensemble la décision du 7 septembre 2007 rejetant le recours gracieux de l'ASSOCIATION VENT DE VERITE, d'autre part, des arrêtés du 11 juillet 2008, ensemble la décision du 15 septembre 2008 rejetant le recours gracieux de l'ASSOCIATION VENT DE VERITE ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Nordex France :

Considérant que les requérants ont justifié de l'accomplissement en appel des formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que la fin de non-recevoir opposée par la société Nordex France ne peut donc être accueillie ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas des pièces du dossier et notamment des attestations produites que le magistrat rapporteur et le rapporteur public, au cours de l'audience devant le Tribunal administratif d'Orléans, aient pris personnellement parti en défaveur des requérants avant le jugement de l'affaire ; qu'ainsi, le moyen tiré de la partialité de la formation de jugement doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal n'était pas tenu de répondre aux moyens inopérants tirés de ce que le pétitionnaire n'avait pas constitué de garanties financières pour couvrir les frais de démantèlement et de remise en état du site, contrairement aux prescriptions de l'article L. 553-3 du code de l'environnement et de ce qu'un mât de mesure a été construit après simple déclaration de travaux ;

Considérant, toutefois, en dernier lieu, que dans leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Cher du 11 juillet 2008 accordant deux permis de construire modificatifs, complétée par deux mémoires complémentaires enregistrés le 24 décembre 2008, l'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres soulevaient le moyen tiré de ce qu'en dépit de l'augmentation de la hauteur des éoliennes autorisées par ces permis modificatifs, ceux-ci avaient été délivrés sans avoir été précédés d'une nouvelle étude d'impact, d'une nouvelle enquête et de nouvelles mesures acoustiques ; que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que dès lors, le jugement du 10 mars 2009 doit être annulé en ce qu'il a statué sur la demande de l'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Cher du 11 juillet 2008 et de la décision du 15 septembre 2008 ;

Considérant qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les conclusions présentées par l'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres devant le Tribunal administratif d'Orléans tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Cher du 7 mai 2007 confirmés sur recours gracieux le 7 septembre 2007 et par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 11 juillet 2008 confirmés sur recours gracieux le 15 septembre 2008 ;

Sur les conclusions présentées par l'ASSOCIATION VENT DE VERITE :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-1 introduit dans le code de l'urbanisme par l'article 14 de la loi du 13 juillet 2006 : Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ; que ces dispositions sont entrées en vigueur, dans les conditions de droit commun, le lendemain de la publication de cette loi au Journal officiel de la République française, soit le 17 juillet 2006 ; qu'une disposition nouvelle qui affecte la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative est, en l'absence de dispositions expresses contraires, applicable aux recours formés contre les décisions intervenues après son entrée en vigueur, alors même que ces dernières statuent sur des demandes présentées antérieurement à cette entrée en vigueur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association requérante ne pouvait se prévaloir d'aucune situation juridique définitivement constituée lui permettant d'exercer un recours contre les arrêtés du préfet du Cher du 7 mai 2007 et du 11 juillet 2008 se prononçant sur les demandes de permis de construire de la société Nordex France, faute pour ces décisions d'être déjà intervenues à la date à laquelle la loi du 13 juillet 2006 est entrée en vigueur ; qu'il ressort des pièces du dossier que ses statuts n'ont été déposés à la préfecture du Cher que le 2 février 2006, soit après l'affichage en mairie, le 7 décembre 2005, de la demande de la société ; que, dès lors, les conclusions présentées par l'ASSOCIATION VENT DE VERITE devant le Tribunal administratif d'Orléans étaient irrecevables ;


Sur les conclusions présentées par M. ZX, M. A, Mme X et M. Y :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Cher du 7 mai 2007 et de la décision du 7 septembre 2007 :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : Le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : a) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l'article R. 421-39 ; b) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l'article R. 421-39 (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-39 de ce code, alors en vigueur : Mention du permis de construire doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de la décision d'octroi et pendant toute la durée du chantier (...) ;

Considérant qu'il ressort des constats d'huissier produits par la société Nordex France que les arrêtés litigieux ont fait l'objet d'un affichage sur le terrain et en mairie pendant une durée continue de deux mois au moins à partir du 10 mai 2007 ; qu'il suit de là que le délai de recours, déclenché à l'égard des tiers le 10 mai 2007, était expiré le 6 novembre 2007, date d'enregistrement de la demande de M. ZX, M. A, Mme X et M. Y tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Cher du 7 mai 2007 et de la décision du 7 septembre 2007 ; que le recours gracieux présenté le 4 juillet 2007 par l'ASSOCIATION VENT DE VERITE n'a pu proroger en leur faveur ledit délai ; qu'ainsi, leur demande était tardive et, par suite, irrecevable ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Cher du 11 juillet 2008 et de la décision du 15 septembre 2008 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Nordex France ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est allégué, les permis modificatifs du 11 juillet 2008 ont été délivrés après élaboration d'une étude d'impact complémentaire ; que le maire et les services intéressés ont émis de nouveaux avis ; que, par ailleurs, ces permis ont eu pour objet d'autoriser le pétitionnaire à ériger de nouveaux modèles d'éoliennes à la place des modèles autorisés initialement, dont la hauteur de la tour de 100 mètres et la puissance de 2,5 MW restent inchangées mais dont la longueur des pales est portée de 45 mètres à 50 mètres, portant ainsi le diamètre du rotor de 90 mètres à 100 mètres et la hauteur totale des machines de 145 mètres à 150 mètres et entraînant, le cas échéant, le déplacement de leur implantation de 5 mètres pour que l'extrémité des pales ne dépasse pas l'aplomb de la limite des terrains d'assiette ; que même si le commissaire-enquêteur avait émis un avis favorable sous réserve que la hauteur totale des éoliennes ne dépasse pas 125 mètres, le préfet du Cher n'était pas tenu, préalablement à la délivrance des permis de construire modificatifs contestés, qui n'entraînaient aucune modification substantielle des caractéristiques initiales des projets, d'organiser une nouvelle enquête publique ;

Considérant, en deuxième lieu, que les permis contestés qui répondent, ainsi qu'il a été dit, à une nécessité technique, ne sont entachés d'aucun détournement de pouvoir ;

Considérant, en dernier lieu, que les autres moyens, qui se rapportent aux permis de construire initiaux sont inopérants à l'encontre des permis de construire modificatifs, dont seuls les éventuels vices propres peuvent être utilement invoqués ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Cher du 7 mai 2007 et de la décision du 7 septembre 2007 ; que leur demande devant le Tribunal administratif d'Orléans tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Cher du 11 juillet 2008 et de la décision du 15 septembre 2008 doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres une somme globale de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Nordex France et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 10 mars 2009 est annulé en ce qu'il a statué sur la demande de l'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Cher du 11 juillet 2008 et de la décision du 15 septembre 2008.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres et leur demande devant le Tribunal administratif d'Orléans tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Cher du 11 juillet 2008 et de la décision du 15 septembre 2008 sont rejetés.
Article 3 : L'ASSOCIATION VENT DE VERITE et autres verseront à la société Nordex France une somme globale de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION VENT DE VERITE, à M. Michel ZX, à M. Olivier A, à Mme Nathalie X, à M. Serge Y, à la société par actions simplifiée Nordex France et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.



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