Cour Administrative d'Appel de Paris, 6ème Chambre, 08/03/2010, 08PA03503, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2008, présentée pour la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS, dont le siège est 54 quai de la Rapée à Paris (75012), par la SCP Adden Avocats ; la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302774/6-1 du 9 mai 2008 par lequel Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Compagnie Eiffel construction métallique des intérêts de retard du marché n° 99.047 du 12 mai 1999 conclu avec elle ;

2°) de rejeter la demande de la société Compagnie Eiffel construction métallique ;

3°) de condamner la société Compagnie Eiffel construction métallique à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2010 :
- le rapport de M. Guillou, rapporteur,

- les conclusions de Mme Dely, rapporteur public,

- et les observations de Me Giudicelli, représentant le cabinet Adden Avocats, pour la RATP, et de Me Dubois pour la Compagnie française Eiffel construction métallique ;


Considérant que, par un marché du 12 mai 1999, la RATP a confié les travaux de réfection du viaduc aérien Pont de l'est - Anvers situé sur la ligne 2 du métro, à un groupement d'entreprises conjoint composé de GTM Construction, mandataire, Eiffel construction métallique, Pichenot-Bouille et Prezioso, ; que la réception des travaux a été prononcée le 23 novembre 1999; que par un courrier du 12 février 2002, la RATP a adressé à GTM Construction une mise en demeure de produire le projet général de décompte définitif; que par un courrier du 25 juin 2002, réceptionné le 3 juillet 2002, la RATP a notifié à GTM Construction le décompte définitif du marché faisant apparaître des pénalités pour remise tardive du projet de décompte pour un montant de 2 098 034, 60 francs HT (319 843, 31 euros HT) correspondant à un retard de 776 jours; que la société GTM génie civil et service qui a succédé depuis 2001 à GTM Construction, a, par courrier du 8 juillet 2002, contesté le décompte en ce qu'il met à sa charge des pénalités pour notification tardive du projet de décompte; que la RATP a, par un courrier du 29 août 2002 rejeté la contestation présentée le 8 juillet 2002 par la société GTM génie civil et service au motif qu'elle n'avait pas qualité à se substituer à GTM Construction; que par une nouvelle mise en demeure adressée le 17 septembre 2002 à GTM Construction, la RATP lui a réclamé le versement d'une somme 680 376, 21 euros TTC au titre du solde du décompte définitif du marché ; que, par la présente requête, la RATP demande l'annulation du jugement du 9 mai 2008 par lequel Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Compagnie Eiffel construction métallique de pénalités de retard mises à la charge du groupement d'entreprise qu'elle a constitué avec GTM construction, Pichenot-Bouille et Prezioso ; que la Compagnie française Eiffel construction métallique conclut, à titre subsidiaire, à ce que le nombre de jours de pénalités de retard soit fixé à 64 jours ;

Sur les conclusions principales :

Considérant qu'aux termes de l'article 13-43 alinéa 3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux conclus par la RATP : Si la signature du décompte définitif est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamations qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au chef de service ou à son délégué dans le délai de quarante-cinq jours indiqué ci-dessus. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 ; qu'aux termes de l'article 13-52 dudit cahier des charges : Le mandataire est seul habilité à présenter les projets de décomptes et à accepter le projet de décompte définitif ; sont seules recevables les réclamations formulées ou transmises par ses soins ; qu'aux termes de l'article 50 du même cahier des clauses administratives générales : 50-1 - Intervention du Directeur général : si, dans le cours de l'entreprise, des difficultés s'élèvent avec l'entrepreneur, n'ayant pu être réglées au niveau du chef de service ou de son délégué ni à celui du Directeur, il en est référé au Directeur général de la RATP qui fait connaître sa réponse dans le délai de deux mois. /50-2 - Intervention du Président du Conseil d'Administration : 50-21 - En cas de contestation, l'entrepreneur doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à partir de la notification de la réponse du Directeur général, ou à partir de l'expiration du délai de deux mois prévu au 50-1, faire parvenir à celui-ci pour être transmis avec son avis au Président du Conseil d'Administration de la RATP, un mémoire où il indique les motifs et le montant de ses réclamations. 50-22 - Si, dans un délai de trois mois à partir de la remise du mémoire au Directeur général, le Président du Conseil d'Administration n'a pas fait connaître sa réponse, l'entrepreneur peut, comme dans le cas où ses réclamations ne seraient pas admises, saisir desdites réclamations la juridiction compétente.
50-23 - Si, dans le délai de six mois à dater de la notification de la décision intervenue sur les réclamations auxquelles aura donné lieu le décompte général et définitif, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal compétent, il sera considéré comme ayant adhéré à ladite décision, et toute réclamation se trouvera éteinte. [...] 50-4 - Lorsque le marché est passé avec les entrepreneurs groupés conjoints, le mandataire représente chacun d'eux pour l'application des dispositions du présent article jusqu'à la date définie au 1 de l'article 44, à laquelle prennent fin les obligations contractuelles, chaque entrepreneur étant ensuite seul habilité à poursuivre les litiges le concernant ;

Considérant que si, en principe, lorsque le marché est confié à un groupement conjoint d'entrepreneurs, le mandataire de ce groupement ne représente les entrepreneurs conjoints vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de la personne responsable du marché et du maître d'oeuvre que jusqu'à l'expiration du délai de garantie des travaux, il demeure, même après l'expiration de ce délai, seul habilité à signer le décompte général et à présenter, le cas échéant, le mémoire de réclamation prévu par l'article 13-43 du cahier des clauses administratives générales ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, que postérieurement à l'expiration du délai de garantie des travaux, la société GTM génie civil et service, a acquis par acte sous-seing privé du 26 juin 2001, la tranche d'activité grands bâtiments de la société GTM Construction sans que la société cédante n'en n'informe la RATP; que la RATP ne saurait s'en prévaloir pour dénier au cessionnaire qualité pour contester le décompte, dès lors qu'il est constant qu'elle a pris en compte les éléments du projet notifié par GTM génie civil et services, le 2 mai 2002 comme base de départ pour l'établissement du décompte final notifié le
25 juin 2002 et retenu cette date du 2 mai 2002 dans son calcul du nombre de jours de retard donnant lieu à pénalités; que, dans ces circonstances et eu égard aux liens entre ces sociétés, la société GTM génie civil et service, qui doit être regardée comme ayant bénéficié d'une cession du marché, avait qualité pour saisir la RATP d'une réclamation relative à ce marché ; que par suite, la RATP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges ont admis la recevabilité de la demande de la Compagnie française Eiffel construction métallique, membre du groupement d'entreprises constitué avec GTM construction, Pichenot-Bouille et Prezioso, qui satisfaisait, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, aux exigences de délai énoncées par les stipulations susrappelées de l'article 51-23 du cahier des clauses administratives générales ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 20-4 du cahier des clauses administratives générales : En cas de retard dans la remise du projet de décompte définitif l'entrepreneur est passible, comme il est prévu au 32 de l'article 13, d'une pénalité journalière dont le montant est fixé, sauf stipulation contraire du marché, au 1/10 000e du montant du décompte. Ces pénalités sont appliquées après un ordre de service rappelant à l'entrepreneur ses obligations et sont calculées depuis la date limite fixée par l'ordre de service jusqu'à la remise effective du projet de décompte attendu. Si le retard excède 30 jours, la RATP établit elle-même le décompte définitif, en tenant compte des pénalités appliquées, et le remet à l'entrepreneur qui dispose d'un nouveau délai de 15 jours pour faire parvenir à la RATP un contre-projet. Passé ce délai, l'entrepreneur est réputé, par son silence, avoir accepté le montant arrêté par la RATP qui procède alors au règlement dans les conditions prévues à l'article 13. ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société GTM génie civil et service a remis un projet de décompte à la RATP le 2 mai 2002 et a demandé, par un courrier du
8 juillet 2002 adressé à la RATP, la suppression au passif du décompte établi par la RATP et notifié le 3 juillet 2002 sur la base du projet remis le 2 mai précédent des pénalités pour remise tardive du projet de décompte ; que, dans ces conditions, la société GTM génie civil et services doit être regardée comme ayant adressé, dans le délai énoncé à l'article 24-1 précité, un contre-projet de décompte ; que, par suite, la RATP n'est pas fondée à soutenir que, par son silence, la société GTM génie civil aurait accepté le décompte notifié le 3 juillet 2002, lequel serait ainsi devenu définitif ;

Considérant, en troisième lieu, que le renvoi à l'article 50 auquel procède l'article
13-43 relatif à la contestation du décompte définitif doit s'entendre comme concernant les dispositions de l'article 50-22 en ce qui concerne le point de départ du délai de la saisine du tribunal et celles de l'article 50-23, dès lors que celles-ci visent expressément les réclamations auxquelles aura donné lieu le décompte général et définitif en ce qui concerne l'expiration dudit délai; que, par suite, la RATP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir tiré du défaut de réclamation préalable de la part du mandataire ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le marché en litige a été conclu par la RATP avec un groupement d'entreprises conjoint ; qu'il n'appartenait pas à la RATP, à laquelle la convention de groupement n'est pas opposable, de procéder à la répartition des pénalités pour remise tardive du décompte entre les membres du groupement, en fonction de l'imputabilité des jours de retard constatés ; que, par suite, la RATP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la tribunal administratif de Paris a déchargé la Compagnie française Eiffel construction métallique desdites pénalités, au motif que le retard dans l'établissement du projet de décompte ne lui est pas imputable ;

Sur les conclusions subsidiaires de la SOCIETE COMPAGNIE EIFFEL CONSTRUCTION METALLIQUE :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ordre de service de la RATP demandant à l'entrepreneur le projet de décompte a été reçu le 13 février 2002 par la société GTM génie civil et services, la RATP l'assortissant d'un délai de 15 jours ; que la société GTM génie civil et service a remis le projet de décompte le 2 mai 2002 ; que, par suite, celle-ci est fondée à soutenir que la RATP ne peut lui réclamer des pénalités pour une durée supérieure à 64 jours ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que la Compagnie française Eiffel construction métallique, partie principalement perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Compagnie française Eiffel construction métallique une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à verser à la RATP ;


D E C I D E :


Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 mai 2008 est annulé.
Article 2 : Le montant des pénalités visées à l'article 20-4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux de la RATP, inscrites au passif du décompte général du marché conclu le 12 mai 1999 pour la réfection du viaduc aérien Pont de l'Est-Anvers situé sur la ligne 2 du métro, est fixé à 64 jours.
Article 3 : La Compagnie française Eiffel construction métallique versera à la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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