Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/11/2009, 325551
Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/11/2009, 325551
Conseil d'État - 6ème et 1ère sous-sections réunies
- N° 325551
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
13 novembre 2009
- Président
- M. Vigouroux
- Rapporteur
- M. Hugues Ghenassia de Ferran
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 24 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES, dont le siège est 33, avenue de Wagram à Paris cedex 17 (75 116) ; la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa saisine effectuée en application de l'article L. 52-15 du code électoral, après rejet du compte de campagne de M. Patrick A, candidat tête de liste à l'élection municipale générale des 9 et 16 mars 2008 dans la commune de Valence ;
2°) de confirmer le rejet du compte de campagne de M. Patrick A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hugues Ghenassia de Ferran, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, rapporteur public ;
Considérant que, par un jugement du 23 janvier 2009, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la saisine de la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES, fondée sur les dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral, après rejet du compte de campagne de M. A, candidat tête de liste à l'élection municipale générale de Valence (Drôme) des 9 et 16 mars 2008 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : (...) / A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ; que selon l'article L. 52-8 de ce code : (.../...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués (...) ; qu'en vertu de l'article L. 52-12 de ce même code : Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit (...) ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la municipalité de Valence a fait apposer en treize points de la ville, à partir du 28 janvier 2008, des affiches de quatre mètres sur trois faisant état d'une absence d'augmentation des taux communaux d'imposition pour la treizième année consécutive ; qu'eu égard à son contenu, repris dans les documents de campagne électorale de M. A, ainsi qu'à sa date de lancement, cette opération d'affichage présente le caractère d'une campagne de promotion publicitaire de la gestion d'une collectivité, au sens de l'article L. 52-1 du code électoral, dont l'intéressé, qui a exercé le mandat de maire de Valence de 1996 à 2004, a tiré bénéfice pour sa campagne électorale, nonobstant la circonstance que cette opération ait été réalisée tous les ans depuis janvier 1996 ; qu'il constitue un avantage direct ou indirect ayant été consenti à M. A par une personne morale en violation de l'article L. 52-8 du code électoral et dont le coût devait être intégré dans son compte de campagne en application de l'article L. 52-12 du code électoral ;
Considérant, en second lieu, que si les articles relevés par la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES dans les bulletins municipaux de février et mars 2008 se bornent à présenter les projets de la commune résultant notamment de l'adoption du budget par le conseil municipal pour l'année 2008, il résulte toutefois de l'instruction que la première page du bulletin de février 2008 reprend tant le contenu que la forme des affiches précitées ; que cette reprise à l'identique d'une affiche publicitaire est de nature à faire regarder le bulletin litigieux comme un document de propagande électorale devant être regardé comme un avantage direct ou indirect consenti à M. A par une personne morale et dont le coût ne figurait pas dans son compte de campagne ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a estimé qu'il n'y avait pas lieu de rejeter le compte de campagne de M. A ; que c'est donc à bon droit que la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES a rejeté le compte de campagne de M. A ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du caractère substantiel de l'obligation qui a été méconnue et de l'absence d'ambiguïté des règles applicables, la bonne foi de M. A ne peut être regardée comme établie au sens des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral ; qu'il y a donc lieu de déclarer M. A inéligible en qualité de conseiller municipal pour une durée d'un an à compter de la présente décision ; que M. A ayant démissionné de ses fonctions de conseiller municipal, il n'y a pas lieu de le déclarer démissionnaire d'office ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 janvier 2009 est annulé.
Article 2 : M. A est déclaré inéligible aux fonctions de conseiller municipal pour une période d'un an à compter de la date de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES et à M. Patrick A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.