Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 02/09/2009, 299478

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu l'ordonnance du 6 décembre 2006, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 décembre 2006, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. et Mme A ;

Vu le pourvoi et les mémoires enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel les 29 juillet 2005, 3 juillet 2006 et 27 septembre 2006 et les mémoires enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 5 et 12 février 2007, présentés pour M. Jean-Louis A et Mme Monique A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 mai 2005 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a rejeté leur demande de condamnation de l'Etat à leur verser diverses sommes en réparation du préjudice résultant pour eux du refus du préfet de Seine-Saint-Denis de leur accorder le concours de la force publique pour l'expulsion des occupants sans titre d'un ensemble immobilier sis 4, rue Jules Verne à Saint-Ouen ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à leur verser les sommes de 24 712,59 euros, 292 021,45 euros, 15 000 euros et 15 000 euros, assorties des intérêts au taux légal, en réparation de préjudices divers ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. A et Mme A,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. A et Mme A ;




Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Jules Verne, dont M. et Mme A détenaient la totalité des parts, a acquis en 1991 un ensemble immobilier sis 4, rue Jules Verne à Saint-Ouen ; que, saisi par la SCP Brouard Daude, agissant en qualité de mandataire liquidateur de cette SCI, le tribunal de grande instance de Bobigny a, par une ordonnance du 21 juillet 2000, ordonné l'expulsion des occupants sans titre de cet ensemble immobilier ; que le mandataire liquidateur a ensuite présenté au préfet de Seine-Saint-Denis, le 4 mai 2001, une demande de concours de la force publique pour l'exécution de cette ordonnance, que le préfet a rejetée ; que, saisi par le mandataire liquidateur ainsi que par M. et Mme A de demandes de versement d'indemnités en réparation du préjudice né du refus de concours de la force publique opposé au mandataire liquidateur, le préfet a rejeté ces demandes ; que le mandataire liquidateur de la SCI ainsi que M. et Mme A ont ensuite saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise de demandes tendant à la condamnation de l'Etat au versement de ces indemnités ; que le mandataire liquidateur, après avoir accepté l'indemnité de 259 062,95 euros que lui proposait le préfet, s'est désisté de sa demande ; que, par un jugement du 19 mai 2005, le tribunal administratif a, d'une part, donné acte de son désistement au mandataire liquidateur de la SCI et, d'autre part, rejeté la demande de M. et Mme A ; que ces derniers se pourvoient en cassation contre ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, si le tribunal administratif n'a pas communiqué à M. et Mme A un mémoire du préfet de la Seine-Saint-Denis présenté en défense sur la demande formée par le mandataire liquidateur de la SCI et auquel le préfet se référait pour conclure au rejet de leur demande, cette méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative n'a pu, dans les circonstances de l'espèce, préjudicier aux droits de M. et Mme A dès lors que le tribunal administratif, pour rejeter leur demande, ne s'est pas fondé sur des éléments contenus dans ce mémoire mais sur des motifs spécifiques à leur demande ; que M. et Mme A ne sont donc pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif n'a pas dénaturé les pièces du dossier en relevant que seul le mandataire liquidateur de la SCI avait demandé au préfet de Seine-Saint-Denis le concours de la force publique pour l'exécution de l'ordonnance d'expulsion du 4 mai 2001 ;

Considérant, en second lieu, que la responsabilité de l'Etat née du refus de prêter le concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision de justice ne peut être engagée qu'à l'égard de la personne au profit de laquelle a été rendue cette décision ou de la personne investie ultérieurement des droits de cette dernière ;

Considérant qu'il en résulte que le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit en relevant que M. et Mme A n'étaient pas les bénéficiaires de l'ordonnance d'expulsion de l'ensemble immobilier, dont ils n'étaient pas propriétaires, pour en déduire que la responsabilité de l'Etat, susceptible d'être engagée pour le refus de concours de la force publique opposé au bénéficiaire de l'ordonnance d'expulsion, n'était pas engagée à leur égard et que ce refus n'avait donc pas entraîné pour eux un préjudice indemnisable ;

Considérant, enfin, que c'est par des motifs surabondants que le tribunal administratif a estimé qu'en outre l'inaction de l'Etat n'était pas fautive ; que les moyens par lesquels M. et Mme A contestent ces motifs sont dès lors inopérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 mai 2005 ; que doivent être rejetées par voie de conséquence leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis et Mme Monique A et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

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