Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 02/09/2009, 297126

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre 2006 et 4 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société SLIBAIL IMMOBILIER, dont le siège est 1-3 rue du Passeur de Boulogne à Issy-les-Moulineaux cedex 9 (92861), la société NATIOCREDIBAIL, dont le siège est 46-52 rue Arago à Puteaux (92823) et la société UNICOMI, dont le siège est 1-3 rue du Passeur de Boulogne à Issy-les-Moulineaux cedex 9 (92861) ; les sociétés requérantes demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une indemnité de 1 394 631,10 euros en réparation du préjudice résultant pour elles du refus du préfet de Vaucluse d'accorder le concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une ordonnance d'expulsion des occupants d'une usine située à Valréas ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à leur verser une somme de 1 394 631,10 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du commerce ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la société SLIBAIL IMMOBILIER, de la société NATIOCREDIBAIL et de la société UNICOMI,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Defrenois, Levis, avocat de la société SLIBAIL IMMOBILIER, de la société NATIOCREDIBAIL et de la société UNICOMI ;




Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les sociétés SLIBAIL IMMOBILIER, NATIOCREDIBAIL et UNICOMI, qui avaient consenti à la société Morel et Barneron un contrat de crédit-bail en vue de l'acquisition par celle-ci d'un immeuble à usage industriel à Valréas, sont devenues propriétaires de cet immeuble le 28 mars 1997 par l'effet de la résiliation de ce contrat ; que, à cette même date, la société Morel et Barneron a été mise en liquidation judiciaire et que des employés de celle-ci, licenciés ou en cours de licenciement, ont commencé à occuper les locaux ; que, saisi le 17 juillet 1997 par le mandataire liquidateur de la société Morel et Barneron, le tribunal de grande instance de Carpentras a, par une ordonnance du 3 septembre 1997, ordonné l'expulsion des occupants ; que le mandataire liquidateur a ensuite présenté au préfet de Vaucluse, le 23 octobre 1997, une demande de concours de la force publique pour l'exécution de cette ordonnance, que le préfet a rejetée ; que, saisi le 27 décembre 2004 par les sociétés SLIBAIL IMMOBILIER, NATIOCREDIBAIL et UNICOMI d'une demande de versement d'une indemnité en réparation du préjudice qui aurait résulté pour elles du refus de concours de la force publique opposé au mandataire liquidateur de la société Morel et Barneron, le préfet de Vaucluse a rejeté cette demande ; que les mêmes sociétés ont ensuite saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat au versement de cette indemnité ; qu'elles se pourvoient en cassation contre le jugement du 13 juin 2006 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les pièces produites par les requérantes établissent que, contrairement à ce qu'elles soutiennent, l'avocat qui les représentait a été destinataire de l'avis d'audience dans l'instance relative à leur demande d'indemnité, conformément aux dispositions combinées des articles R. 431-1 et R. 711-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, conformément aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le tribunal administratif a visé dans son jugement la note en délibéré que les requérants ont produite le 31 mai 2006, après l'audience publique mais avant la lecture de la décision ; qu'il n'avait pas à répondre aux moyens éventuellement invoqués dans cette note produite postérieurement à la clôture de l'instruction ; que si la note mentionnait que l'avis d'audience n'aurait pas été envoyé, que le commissaire du gouvernement n'aurait pas répondu à un moyen et qu'il aurait répondu de façon erronée en droit à un autre moyen, elle ne faisait état d'aucune circonstance de fait ou de droit faisant obligation au tribunal administratif d'ordonner la réouverture de l'instruction ;

Considérant qu'il résulte des mentions du jugement attaqué que le tribunal administratif a, dans les visas de ce jugement, analysé les conclusions de la demande dont les sociétés requérantes l'avaient saisi et, dans les motifs, répondu à tous les moyens invoqués par celles-ci avant la clôture de l'instruction ; que, dans ces conditions, d'une part l'absence d'analyse des moyens dans les visas ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué et d'autre part celui-ci n'est pas insuffisamment motivé ;

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait, dès lors qu'il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué qu'elle a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant que la responsabilité de l'Etat née du refus de prêter le concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision de justice ne peut être engagée qu'à l'égard de la personne au profit de laquelle a été rendue cette décision ou de la personne investie ultérieurement de ses droits ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que les sociétés SLIBAIL IMMOBILIER, NATIOCREDIBAIL et UNICOMI étaient déjà propriétaires de l'immeuble à usage industriel qui appartenait auparavant à la société Morel et Barneron lorsque celui-ci a été occupé par des employés de cette dernière société, licenciés ou en cours de licenciement et, d'autre part, qu'elles n'ont engagé aucune action devant le juge judiciaire pour obtenir la libération des locaux dont elles étaient propriétaires ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif n'a entaché son jugement ni d'erreur de droit ni de contradiction de motifs en relevant qu'elles n'étaient pas les bénéficiaires de l'ordonnance d'expulsion du 3 septembre 1997 rendue à la demande du mandataire liquidateur, et qu'elles n'ont pas été investies des droits de ce dernier agissant pour la liquidation d'une société qui n'était plus propriétaire de ces locaux à la date à laquelle il a demandé l'expulsion puis le concours de la force publique, pour en déduire que la responsabilité de l'Etat n'était pas engagée à leur égard ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés SLIBAIL, IMMOBILIER, NATIOCREDIBAIL et UNICOMI ne sont pas fondées à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 juin 2006 ; que doivent être rejetées par voie de conséquence leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi des sociétés SLIBAIL IMMOBILIER, NATIOCREDIBAIL et UNICOMI est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société SLIBAIL IMMOBILIER, à la société NATIOCREDIBAIL et à la société UNICOMI et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


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