Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 03/06/2009, 311798, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2007 et 8 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 décembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, lui a ordonné de suspendre la procédure de passation d'un marché relatif à la réhabilitation de terrains situés sur la plaine d'Achères et de la reprendre, au cas où elle entend attribuer le marché, selon les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;

2°) de mettre à la charge de la société SOREN la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alban de Nervaux, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société SOREN,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;


La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société SOREN ;




Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...) Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. (...) Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE a souhaité procéder à la réhabilitation de terrains, appartenant à la ville de Paris, situés dans la plaine d'Achères, en vue d'y développer des espaces paysagers ou forestiers, d'y créer un centre de recherche sur les technologies de l'eau et de l'assainissement et d'y installer un centre d'entraînement du club professionnel du Paris Saint-Germain ; que pour financer l'acquisition de ces terrains, ainsi que leur dépollution, la commune a souhaité en confier la charge à un opérateur moyennant le droit d'exploiter, sur une partie des terrains en cause, pendant une durée de quinze ans, un gisement de granulats compris dans le sous-sol, la ville percevant une rétribution au titre du droit de fortage en tenant compte des charges incombant à l'opérateur et du bénéfice qu'il est en droit d'attendre ; que la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE a lancé en 2006 une consultation en vue du choix de l'opérateur ; que le cahier des charges établi par la commune prévoit notamment, s'agissant des terrains affectés au club du Paris Saint-Germain et qui ne seront pas exploités comme carrière, que l'opérateur prendra à sa charge leur dépollution et qu'à la fin des travaux de dépollution, les terrains devront être rendus à la même altimétrie et conformes à l'aménagement de terrains de sport ; que s'agissant des terrains exploités comme carrière, il dispose que l'opérateur devra apporter les garanties qu'il met en oeuvre une réhabilitation du site assurant durablement sa compatibilité avec le type d'activités prévues au PLU (...) et qu'au terme de leur exploitation, les terrains devront être recouverts de terre saine sur au moins deux mètres pour permettre un aménagement paysager de ces terrains, à la charge de l'opérateur et à l'issue de l'activité d'extraction (...) et que l'aménagement comportera une partie plantée en arbre de haute tige et d'essence forestière. Le reste sera aménagé en prairie. ; que saisi par la société SOREN, dont l'offre avait été rejetée, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, qui a qualifié le contrat que la commune envisageait de signer au terme de cette consultation de marché public de travaux au sens de la directive 2004/18 du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, a, par une ordonnance du 3 décembre 2007, prononcé la suspension de la procédure, enjoignant à la commune, si elle entend attribuer le marché, de reprendre la passation dans le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ; que la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Considérant que le juge des référés n'a pas dénaturé les termes du cahier des charges ni commis d'erreur de droit au regard de la réglementation applicable en matière d'installations classées en jugeant que si le contrat envisagé concédait à l'exploitant le droit d'extraire les matériaux du sous-sol d'une partie des terrains concernés, en lui rappelant les obligations de remise en état incombant à l'exploitant d'une installation classée, il avait pour objet de répondre, par les travaux demandés au titulaire, à un besoin de la commune en matière de dépollution et d'aménagement des parcelles en cause ;

Considérant qu'ayant ainsi caractérisé l'objet du contrat, le juge des référés en a déduit, ainsi qu'il y était explicitement tenu dès lors que sa compétence pour connaître de la procédure était contestée, et sans soulever d'office un moyen, que ce contrat administratif devait être regardé comme un marché public de travaux au sens de l'article 1er de la directive 2004/18 du 31 mars 2004; que la circonstance que la commune n'assurerait pas la maîtrise d'ouvrage des travaux envisagés ne faisant pas obstacle à une telle qualification, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit à cet égard ; qu'il a également pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que la rémunération du titulaire du marché était en l'espèce assurée par l'exploitation de la carrière ; que le juge des référés n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative en se reconnaissant compétent pour connaître de la demande dirigée contre la procédure de passation d'un tel contrat ;

Considérant que pour prononcer la suspension de la procédure de passation, le juge des référés a jugé que si le marché de travaux publics ne relevait pas du champ d'application de la directive 2004/18 du 31 mars 2004, du fait d'un montant d'environ 5 millions d'euros inférieur au seuil de 6 242 000 euros, il était néanmoins soumis aux règles fondamentales du traité instituant la Communauté européenne, au nombre desquelles figure une obligation de transparence des procédures; que le juge des référés, qui a implicitement mais nécessairement estimé que le marché présentait un intérêt communautaire, en a déduit, sans soulever d'office un moyen qui n'aurait pas été développé devant lui, que la commune avait méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence en s'abstenant d'indiquer les critères de sélection des offres dans le règlement de la consultation et en rejetant l'offre de cette société sans lui indiquer les motifs de ce rejet ;

Considérant qu'en jugeant qu'il appartenait à la commune, pour assurer le respect du principe de transparence des procédures, d'assortir le rejet de l'offre de la société SOREN de l'indication des motifs de ce rejet, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, toutefois l'ordonnance contestée est également fondée sur le motif tiré de ce que faute d'avoir indiqué les critères de sélection des offres dans les documents de la consultation, la commune a également méconnu à ce titre les règles de publicité et de mise en concurrence ;

Considérant qu'en jugeant que le cahier des charges de la consultation ne mentionnait aucun critère de sélection des offres, le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la commune, le juge des référés ne s'est pas fondé sur la méconnaissance de l'article 53 du code des marchés publics mais a jugé que l'absence d'indication, dans les documents de la consultation fournis aux candidats, sur les critères de sélection des offres, méconnaissait les règles fondamentales du traité instituant la Communauté européenne, au nombre desquelles figure une obligation de transparence des procédures ; qu'il n'a pas ce faisant commis d'erreur de droit ; que ce motif justifie à lui seul l'annulation de la procédure par l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune le versement d'une somme de 3 000 euros à la société SOREN au même titre ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE est rejeté.
Article 2 : La COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE versera une somme de 3 000 euros à la société SOREN au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE et à la société SOREN.

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