Cour Administrative d'Appel de Nantes, 1ère Chambre , 23/03/2009, 08NT00336, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2008, présentée pour Mme Nathalie X Y, demeurant ... et pour M. Pascal Y, demeurant ..., par Me Lavelot, avocat au barreau de Nanterre ; Mme X Y et M. Y demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-415 du 11 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à concurrence des dégrèvements prononcés et rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000 ainsi que des pénalités afférentes ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2009 :

- le rapport de M. Ragil, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;


Considérant que M. Y et Mme X Y, mariés à l'époque des faits et aujourd'hui divorcés, étaient associés de la SARL Concept de loisirs et de communication, laquelle exploitait une discothèque à Vigneux-de-Bretagne (Loire-Atlantique) ; que cette SARL a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 ; qu'à l'issue des opérations de contrôle, l'administration a estimé que la comptabilité de cette société était irrégulière et non probante et a notifié à cette dernière les redressements résultant de la reconstitution des recettes taxables ; que le service a, corrélativement, imposé entre les mains des requérants, sur le fondement des dispositions du 1 de l'article 109 du code général des impôts les recettes éludées, qui ont été regardées comme des revenus distribués ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la motivation des notifications de redressement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ;

Considérant que, dans la notification de redressement en date du 21 décembre 2001 à l'origine des cotisations à l'impôt sur le revenu mises à la charge des requérants au titre de l'année 1998, l'administration s'est bornée à faire référence à la vérification de la comptabilité de la SARL Concept de loisirs et de communication et à indiquer aux contribuables que ce contrôle avait donné lieu à des redressements qui, compte tenu de leur nature, étaient imposables à leur nom, conformément aux dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que si cette notification indiquait, par ailleurs, d'une part, que la vérification de la comptabilité de la SARL avait mis en lumière de graves anomalies comptables lui ôtant tout caractère régulier et probant, d'autre part, qu'une comptabilité occulte avait été découverte et faisait, enfin, état de déclarations des consorts Y recueillies par la gendarmerie de Sautron (Loire-Atlantique), avant de chiffrer les recettes éludées imposables entre les mains des requérants, elle ne saurait, toutefois, être regardée comme comportant des indications suffisamment précises notamment en ce qui concerne la reconstitution des recettes éludées sur les raisons de fait ou de droit pour lesquelles le service avait estimé devoir rehausser les bénéfices de la SARL pour 1998 ; qu'il est constant que le service s'est abstenu de joindre à la notification de redressements adressée à M. et Mme Y une copie de la notification de redressements adressée à la SARL ; qu'ainsi, la notification de redressement afférente à l'année 1998 ne saurait être regardée comme satisfaisant aux prescriptions susvisées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, en ce qui concerne l'année 1998, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête relatifs au bien-fondé de l'imposition, M. et Mme Y sont fondés à demander la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge ;

Considérant, en revanche, qu'en ce qui concerne les années 1999 et 2000, la notification de redressement du 5 septembre 2002, comportait la même motivation que celle ci-dessus analysée relative à l'année 1998, mais faisait, en outre, référence à la notification de redressement adressée le 15 juillet 2002 à la SARL, dont une copie était jointe ; que ce document permettait, en l'espèce, aux contribuables de prendre connaissance des modalités du rehaussement des bases d'imposition de la société, à l'origine des redressements contestés à l'impôt sur le revenu, de telle sorte qu'ils ont été mis à même de présenter des observations de manière entièrement utile ; qu'ainsi la notification de redressement du 5 septembre 2002 doit être regardée comme suffisamment motivée ;

En ce qui concerne la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 117 du code général des impôts que, si l'administration s'abstient d'inviter une personne morale à lui faire parvenir des indications sur les bénéficiaires d'une distribution qu'elle a constatée, cette abstention a seulement pour effet de la priver de la possibilité de faire application, à l'égard de cette personne morale, de la pénalité prévue à l'article 1763 A, mais reste sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard des personnes physiques qui ont bénéficié de la distribution et que le service, compte tenu des renseignements dont il dispose, est en mesure d'identifier ; que M. Y et Mme X Y ne sauraient, dès lors, soutenir qu'ils ont été imposés au terme d'une procédure irrégulière du fait que l'administration, qui les avait regardés comme bénéficiaires des revenus distribués par la SARL Concept de loisirs de communication, s'est abstenue de demander à cette société de désigner lesdits bénéficiaires ;

En ce qui concerne la procédure suivie à l'encontre de la SARL :

Considérant que M. Y et Mme X Y invoquent les irrégularités qui auraient affecté la procédure de vérification de la SARL Concept de loisirs et de communication ; qu'en raison, toutefois, du principe de l'indépendance des procédures de redressement menées à l'encontre de la société d'une part et de ses associés d'autre part, ces irrégularités sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard des requérants ;

Sur le bien-fondé des impositions concernant les années 1999 et 2000 :

Considérant qu'aux termes de l'article 109-1 du code général des impôts : Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ;

Considérant, en ce qui concerne l'année 1999, que la notification de redressement indiquait, dans son récapitulatif, que les revenus de capitaux mobiliers imposables entre les mains des contribuables s'élevaient à la somme de 673 931 F pour 1999 ; que la circonstance que le vérificateur ait mentionné, dans le corps de cette même notification, un montant de 612 387 F relève d'une simple erreur de plume, sans incidence, en tout état de cause, sur la prescription du droit de reprise ;

Considérant que la circonstance que les redressements notifiés à la SARL Concept de loisirs et de communication aient été annulés en conséquence de l'irrégularité de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet est sans incidence sur l'existence de revenus distribués résultant de recettes dissimulées et la valeur probante des éléments retenus pour déterminer le montant de ces revenus ;

Considérant que l'administration a mis en évidence l'existence d'une comptabilité occulte au sein de la SARL Concept de loisirs et de communication ; qu'il résulte des procès-verbaux établis par la gendarmerie de Sautron (Loire-Atlantique) et notamment des propres déclarations des intéressés, consignées dans les procès-verbaux, que ces derniers ont reconnu avoir détourné et appréhendé, en 1999 et en 2000, des fonds en provenance de la SARL ; qu'il suit de là que l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve de l'appréhension effective, par M. Y et Mme X Y, des distributions en cause ; qu'à cet égard, la circonstance que les faits relevés dans les procès-verbaux susmentionnés n'auraient donné lieu, en ce qui concerne l'année 1999, à aucune condamnation des requérants dans le jugement du Tribunal correctionnel de Nantes du 6 novembre 2003 est en elle-même sans influence sur le bien-fondé de l'imposition contestée ; que pour contester le montant des impositions, les requérants se bornent à se référer à ce jugement ; qu'en ce qui concerne l'année 2000, la circonstance que, par ce jugement, le tribunal correctionnel ait reconnu chacun des requérants coupables d'avoir, de janvier 2000 à avril 2001 détourné, la somme d'au moins 1 180 000 F est en tout état de cause sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition, entre les mains des requérants, d'une somme de 1 500 000 F en 2000 ;

Sur les pénalités infligées au titre des années 1999 et 2000 :

Considérant que si les requérants font valoir que la tenue par la société d'une comptabilité irrégulière dissimulant des recettes ne peut leur être imputée en leur qualité d'associés, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'ils ont personnellement appréhendé les sommes en cause en éludant délibérément l'impôt sur le revenu correspondant ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'administration n'établirait pas leur mauvaise foi ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. Y et Mme X Y sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la totalité de leur demande ;


DÉCIDE :
Article 1er : M. Y et Mme X Y sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 1998.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 11 décembre 2007 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nathalie X Y, à M. Pascal Y et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


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