Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 03/09/2008, 277755

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 18 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 3 et, partiellement, l'article 4 de l'arrêt du 16 novembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant partiellement droit à l'appel formé par la SA Colly Bombled contre le jugement du 5 octobre 2000 du tribunal administratif de Besançon ne faisant que partiellement droit à ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1992, 1993 et 1994 et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 1991 au 31 décembre 1994, a, d'une part, ordonné la réduction des bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée due par la SA Colly Bombled à concurrence de 24 454,96 euros pour la période du 1er avril 1991 au 31 mars 1992 et de 44 938,16 euros pour la période du 1er avril 1992 au 31 mars 1993 à raison du défaut de déclaration d'acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, accordé la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à cette réduction ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juin 2008, présentée pour la SA Colly Bombled ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 94-1163 du 29 décembre 1994 portant loi de finances rectificative pour 1994 ;

Vu la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 portant loi de finances rectificative pour 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la SA Colly Bombled,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA Colly Bombled a fait l'objet en 1995 d'une vérification de comptabilité qui a porté, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos le 31 mars des années 1992 et 1993 ainsi que le 31 décembre des années 1993 et 1994 et, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période allant du 1er avril 1991 au 31 décembre 1994 ; qu'à l'issue de ce contrôle, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement respectivement le 30 septembre 1997 et le 24 juin 1997 ;

Sur le pourvoi principal du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :

Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande l'annulation de l'arrêt du 16 novembre 2004 en tant que la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit sur ce point à l'appel de la SA Colly Bombled formé contre le jugement du 5 octobre 2000 du tribunal administratif de Besançon, a, par l'article 3 de son arrêt, réduit la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée à concurrence, d'une part, de 24 454,96 euros (160 414 F) et, d'autre part, de 44 938,16 euros (294 775 F) et, par l'article 4, accordé, du fait de cette réduction, la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant que, dans les motifs de son arrêt, la cour a, pour les montants susmentionnés, confirmé le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société à raison d'acquisitions intracommunautaires que la SA Colly Bombled n'avait pas déclarées respectivement au titre des périodes allant du 1er janvier au 31 décembre 1993 et du 1er janvier au 31 décembre 1994 ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que cet arrêt est entaché d'une contradiction entre le dispositif et les motifs et à demander pour ce motif l'annulation de l'article 3 et, dans cette mesure, de l'article 4 de l'arrêt attaqué ;

Sur le pourvoi incident formé par la SA Colly Bombled :

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt qu'après avoir indiqué dans les motifs que les redressements mis à la charge de la SA Colly Bombled en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la réintégration des frais d'assistance technique et administrative engagés par elle au cours des exercices clos le 31 mars des années 1992 et 1993 ou de la période correspondante avaient été établis selon une procédure irrégulière et qu'il y avait lieu en conséquence de prononcer la décharge de ces impositions, la cour n'a, par l'article 1er de son arrêt, ordonné que la seule réduction des bases des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels cette société a été assujettie et, par l'article 4, prononcé dans cette mesure la décharge de ces suppléments d'imposition ; que la cour n'a pas tiré, dans le dispositif de son arrêt, les conséquences qu'impliquaient ces motifs quant à la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée et au montant de l'imposition due par cette société au titre de la période correspondante ; que, par son pourvoi incident, la SA Colly Bombled est recevable, dès lors qu'il porte sur la période couverte par le même avis de mise en recouvrement que celui en cause dans le pourvoi principal, et fondée à soutenir que cet arrêt est, également sur ce point, entaché d'une contradiction entre les motifs et le dispositif ; que par suite il y a lieu d'annuler, dans cette mesure, les articles 3 et 4 de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond et de statuer dans cette mesure sur les conclusions de la SA Colly Bombled ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le redressement relatif aux frais d'assistance technique et administrative :

Considérant que s'il incombe à l'administration, lorsqu'elle envisage de modifier les bases d'imposition d'un contribuable, d'informer celui-ci de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a pu obtenir dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, afin qu'il soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les pièces concernées soient mises à sa disposition, cette obligation ne porte que sur les renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la notification de redressements en date du 21 décembre 1995 que pour refuser à la SA Colly Bombled le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures établies par sa société mère, la société financière de participations Brisard, au titre des frais d'assistance technique et administrative, le vérificateur s'est fondé sur des éléments résultant de l'examen contradictoire des pièces comptables et des documents consultés sur place, fournis par la société elle-même dans le cadre de la vérification de comptabilité ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, pour fonder ce redressement, il aurait pris en compte des éléments autres que ceux mis à sa disposition dans le cadre de cette vérification et en particulier un rapport d'expertise comptable ou le contenu d'un procès-verbal établi le 21 janvier 1994 par la brigade interrégionale d'intervention à la suite d'un contrôle de facturation réalisé le même jour dans les locaux de l'entreprise, qui se bornait à relever les infractions aux règles de facturation ; que la SA Colly Bombled n'est par suite pas fondée à soutenir que l'administration devait l'informer de ce qu'elle avait obtenu ces documents à la suite de l'exercice de son droit de communication et lui communiquer la teneur des éléments ainsi recueillis ;

En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 24 juin 1997, s'agissant des droits :

Considérant qu'aux termes du II de l'article 25 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1999 : B. Sont réputés réguliers, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les avis de mise en recouvrement émis à la suite de notifications de redressement effectuées avant le 1er janvier 2000 en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce qu'ils se référeraient, pour ce qui concerne les informations mentionnées à l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, à la seule notification de redressement ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : / 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; / 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard qui constituent la créance. / Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement (...) ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l'article 25 de la loi du 30 décembre 1999 font obstacle à ce que la société requérante puisse utilement invoquer le moyen tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement en date du 24 juin 1997 méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales en ce qu'il se réfère à la notification de redressement du 21 décembre 1995 ; qu'au surplus, si, à la suite des observations de la société sur les redressements envisagés, l'administration fiscale a diminué le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée par rapport aux sommes initialement notifiées à ce titre, la SA Colly Bombled en a été avisée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ; que ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil, quand bien même il fait application d'une législation ayant pour effet de priver rétroactivement le contribuable de la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention est inopérant ;

En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 24 juin 1997, s'agissant des pénalités :

Considérant, en premier lieu, que l'Etat ne peut, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant des mesures législatives à portée rétroactive dont la conséquence est la modification des règles que le juge doit appliquer pour statuer sur des litiges dans lesquels l'Etat est partie, sauf lorsque l'intervention de ces mesures est justifiée par des motifs impérieux d'intérêt général ; que le II-B précité de l'article 25 de la loi du 30 décembre 1999, qui réserve expressément les droits nés des décisions passées en force de chose jugée, a pour objet, non de valider intégralement les avis de mise en recouvrement émis à la suite de notifications de redressement effectuées avant le 1er janvier 2000, mais seulement de rendre insusceptible d'être invoqué devant le juge de l'impôt le moyen tiré de ce qu'ils se référeraient, pour ce qui concerne les informations mentionnées à l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, à la seule notification de redressement ; que, notamment, ces dispositions ne modifient en rien l'appréciation à porter, au regard de la loi fiscale, sur les agissements des contribuables antérieurs à leur publication, et ne dispensent pas l'administration, d'une part, dans le cas où les éléments de calcul ont été révisés à la baisse, d'informer les contribuables du montant des droits et pénalités maintenus et des motifs qui les fondent au cours de la procédure contradictoire qui précède la mise en recouvrement, et d'autre part, dans le cas où il serait envisagé de réviser à la hausse le montant des droits et pénalités mentionnés dans la notification du redressement, de reprendre la procédure en adressant au contribuable une nouvelle notification de redressement motivée dans les conditions prévues par l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ; que dès lors que le renvoi, par l'avis de mise en recouvrement, aux seules mentions figurant dans la notification initiale de redressement, alors même que les droits et pénalités ont été réduits au cours de la procédure contradictoire, a constitué, au cours des années récentes, une pratique courante, la validation, qui entend limiter les conséquences, auxquelles l'administration ne peut remédier, d'un revirement de jurisprudence jugeant cette pratique illégale, est justifiée tant par le montant très élevé des sommes susceptibles d'être réclamées par les contribuables qui entendraient se prévaloir de cette nouvelle jurisprudence que par le trouble apporté à la continuité des services publics fiscaux et juridictionnels du fait de la multiplication de leurs réclamations qui, en vertu des dispositions du livre des procédures fiscales, pourraient être présentées pendant plusieurs années ; qu'ainsi, les dispositions précitées du II-B de l'article 25 de la loi du 30 décembre 1999 sont justifiées par un motif impérieux d'intérêt général, et ne sauraient dès lors être regardées, nonobstant leur application aux litiges pendants devant le juge de l'impôt à la date de leur entrée en vigueur, comme portant une atteinte excessive au principe du droit à un procès équitable énoncé par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA Colly Bombled n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du II-B de l'article 25 de la loi du 30 décembre 1999, qui font obstacle à ce que le moyen tiré de l'irrégularité entachant l'avis de mise en recouvrement en date du 24 octobre 1997 soit utilement invoqué devant le juge de l'impôt, porteraient atteinte au droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en second lieu, que si la société requérante soutient que l'avis de mise en recouvrement était irrégulier au motif que la nature des pénalités mises en recouvrement n'était pas indiquée, il résulte de l'instruction que cet avis mentionnait la lettre du 21 décembre 1995 dont il n'est pas soutenu qu'elle ne précisait pas la nature de la pénalité infligée à cette société et par laquelle l'administration a porté à la connaissance de la SA Colly Bombled la motivation des sanctions fiscales dont les redressements ont été assortis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis de mise en recouvrement du 24 juin 1997 était irrégulier ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux frais d'assistance technique et administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

Considérant que, par une convention approuvée par l'assemblée générale des actionnaires du 28 septembre 1989, la SA Colly Bombled s'est engagée à payer à sa société mère une somme égale à 4 % de son chiffre d'affaires annuel prévisionnel en contrepartie de prestations d'assistance technique et de mise à disposition de personnel de direction ; que cette somme a été ramenée, à compter du 1er avril 1992, à 3 % du chiffre d'affaires, sans que cette modification ait été formalisée par la passation d'une nouvelle convention ; que l'administration a établi, sans être contredite, qu'en dépit de la réduction de ce taux, les charges facturées par la société mère au titre des frais d'assistance technique et administrative ont connu une forte progression, passant de 4,28 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de la période correspondant à l'exercice clos le 31 mars 1992 à 7,28 % du chiffre d'affaires au cours de celle correspondant à l'exercice clos le 31 mars 1993 ; que, pour justifier de la réalité des prestations rendues et des sommes versées en contrepartie, la SA Colly Bombled se borne à produire des pièces extra-comptables relatives à des prestations de mise à disposition de personnel, sans qu'il soit toutefois possible d'en évaluer le coût exact ; qu'en l'absence de toute justification de la réalité des prestations et de leur importance au regard du montant des sommes versées par la SA Colly Bombled à la société SFP Brisard, l'administration était fondée à exclure les sommes qui ne correspondaient pas intégralement à l'exécution de prestations de services par la société mère des droits à déduction de la SA Colly Bombled ; qu'en limitant le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre des ces prestations au montant de la taxe appliquée à la fraction égale à 4 % du chiffre d'affaires total conformément aux termes de la convention du 28 septembre 1989, l'administration s'est livrée, en l'absence de toute autre justification de la réalité de ces prestations par la SA Colly Bombled, à une évaluation qui ne saurait être regardée comme insuffisante ; que par suite, la SA Colly Bombled n'est pas fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés à ce titre ;

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux acquisitions intracommunautaires :

Considérant que, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SA Colly Bombled, le vérificateur a constaté que la société n'avait pas déclaré des acquisitions intracommunautaires alors qu'elles étaient passibles de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions du 1° du I de l'article 256 bis du code général des impôts ; qu'en conséquence, la taxe correspondante a fait l'objet, par l'avis de mise en recouvrement du 24 juin 1997, d'un rappel s'élevant à 160 414 F et 294 775 F au titre des périodes allant respectivement du 1er janvier au 31 décembre 1993 et du 1er janvier au 31 décembre 1994 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon les cas : (...) / d) celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire délivrées par leurs vendeurs dont le montant figure sur la déclaration de recettes conformément au b du 5 de l'article 287. / 2. (...) Pour les acquisitions intracommunautaires, la déduction ne peut être opérée que si les redevables ont fait figurer sur la déclaration mentionnée au d du 1 toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe due au titre de ces acquisitions et détiennent des factures établies conformément à la réglementation communautaire ; que l'article 30 de la loi du 29 décembre 1994 portant loi de finances rectificative pour 1994 a complété les dispositions précitées du 2 du II de l'article 271 par la phrase suivante : Toutefois, les redevables qui n'ont pas porté sur la déclaration mentionnée au d du 1 le montant de la taxe due au titre d'acquisitions intracommunautaires sont autorisés à opérer la déduction lorsque cette taxe a été payée au Trésor. ; qu'il résulte de cette dernière disposition, applicable à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, que le redevable, qui n'a pas porté sur la déclaration mentionnée au d du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts le montant de la taxe due au titre d'acquisitions intracommunautaires et qui a fait l'objet d'un redressement pour ce motif donnant lieu à un avis de mise en recouvrement postérieur à la date d'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1994, est, et alors même que cette taxe porte comme en l'espèce sur une période antérieure à cette entrée en vigueur, en droit de déduire la taxe mise ainsi à sa charge mais que ce droit naît seulement après qu'elle a été payée au Trésor ;

Considérant, d'une part, que la SA Colly Bombled, qui ne conteste pas les omissions de déclarations d'acquisitions intracommunautaires relevées par l'administration, fait valoir qu'elle avait acquis un droit à déduction de la taxe, conformément au 1 du I de l'article 271 et soutient que, dans la mesure où la dette envers le Trésor résultant de l'avis de mise en recouvrement du 24 juin 1997 et la créance résultant selon elle de ce droit à déduction se compensent exactement, elle est fondée à demander pour ce motif la décharge de la taxe rappelée ; que, toutefois et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ce droit à déduction n'a pu, par l'effet des dispositions législatives précitées, naître qu'à compter du paiement de la taxe due au Trésor ; que, par suite, un tel droit, qu'il appartenait au contribuable d'exercer selon les procédures de droit commun, par imputation ou remboursement, ne peut être invoqué par la société requérante pour lui permettre d'obtenir, par voie de compensation, la décharge des rappels de taxe qui lui ont été assignés au titre de ces omissions déclaratives ;

Considérant, d'autre part, que la société ne peut se prévaloir des termes de l'instruction n° 3 A-5-98 en date du 23 juin 1998, qui est, en tout état de cause, postérieure à la date de l'imposition primitive ainsi qu'à celle de l'expiration du délai dont le contribuable disposait pour souscrire les déclarations de chiffre d'affaires afférentes à la période en litige ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Colly Bombled n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 octobre 2000, le tribunal administratif de Besançon a refusé de prononcer la décharge des impositions en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SA Colly Bombled au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 3 et 4 de l'arrêt du 16 novembre 2004 de la cour administrative d'appel de Nancy sont annulés dans la mesure de l'annulation prononcée par les motifs de la présente décision.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SA Colly Bombled devant la cour administrative d'appel de Nancy sont dans cette même mesure rejetées.
Article 3 : La taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 24 454,96 euros (160 414 F) et 44 938,16 euros (294 775 F) au titre des périodes allant respectivement du 1er janvier au 31 décembre 1993 et du 1er janvier au 31 décembre 1994 est remise à la charge de la SA Colly Bombled.
Article 4 : Les conclusions de la SA Colly Bombled tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la SA Colly Bombled.




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