Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 14/04/2008, 289978

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 8 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Camille A, demeurant ...; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 novembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 dans les rôles de la commune de Barbentane, à raison de l'immeuble dont elle est propriétaire, sis ... ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la réduction d'impôt demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, Auditeur,

- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A est propriétaire, à Barbentane, d'un château sis ... à raison duquel elle a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 2002 ; qu'elle a vainement réclamé devant l'administration, pour obtenir la réduction de cette cotisation de taxe, le bénéfice du dégrèvement prévu à l'article 1389 du code général des impôts ; que le tribunal administratif de Marseille, devant lequel elle a porté le litige, a rejeté sa demande de réduction par jugement en date du 28 novembre 2005, contre lequel Mme A se pourvoit en cassation ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le moyen tiré de l'absence de signature de la minute du jugement attaqué manque en fait ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 1389 du code général des impôts : Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel, à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l'inexploitation a pris fin. / Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle ait une durée de trois mois au moins et qu'elle affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée ;

Considérant que le tribunal administratif, en déduisant de la seule circonstance que le château de Barbentane était offert à la location par quinzaines, qu'il ne pouvait être regardé comme normalement destiné à la location, sans rechercher si sa propriétaire s'en réservait la disposition pour une partie de l'année, et sans, par suite, pouvoir déterminer s'il devait être regardé ou non comme offert à la location tout au long de l'année, a commis une erreur de droit ; que Mme SEGUIER est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de son jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 à raison du château de Barbentane, d'autre part, à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A propose à la location tout au long de l'année l'ensemble de son château de Barbentane ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, et contrairement à ce que soutient l'administration, la seule circonstance que leur propriétaire les loue pour de courtes durées ne fait pas obstacle à ce que les locaux litigieux soient regardés comme normalement destinés à la location, au sens et pour l'application de l'article 1389 du code général des impôts ; que toutefois, Mme A n'établit pas, en se bornant à faire valoir qu'elle a adapté son offre locative à une clientèle de gens d'affaires, qu'elle a procédé à l'insertion d'encarts publicitaires dans de nombreuses publications et qu'elle pratique des tarifs plus faibles en dehors de la saison touristique, que la vacance de sa propriété est indépendante de sa volonté ;

Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ; que le 1° de l'article L. 80 B du même livre étend la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A au cas où l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ;

Considérant que Mme A n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir, dans le cadre du présent litige, qui concerne une imposition primitive, des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, qui ne visent que le cas de rehaussements d'impositions antérieures ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties mise à sa charge au titre de l'année 2002 à raison du château de Barbentane ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 28 novembre 2005 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A tendant, d'une part, à la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 à raison de l'immeuble sis ..., d'autre part, à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A devant le tribunal administratif de Marseille tendant, d'une part, à la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 à raison de l'immeuble sis ..., d'autre part, à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions présentées par Mme A devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Camille A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


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