Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 27/02/2008, 270727, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 27/02/2008, 270727, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État - 3ème et 8ème sous-sections réunies
- N° 270727
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
27 février 2008
- Président
- M. Delarue
- Rapporteur
- M. Gilles Bardou
- Avocat(s)
- SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; FOUSSARD
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°) sous le n° 270727, la requête, enregistrée le 2 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE TOP SA, dont le siège est place du 14 juillet à Villers-Bretonneux (80800) ; la SOCIETE TOP SA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 13 juillet 2004 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a décidé le retrait des autorisations de mise sur le marché des produits dénommés Agrizeb et Topnebe pour tous leurs usages ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 292203, l'ordonnance du 30 mars 2006, enregistrée le 10 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif d'Amiens a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par la SOCIETE TOP SA ;
Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés les 29 avril et 2 mai 2005 et 12 janvier et 16 février 2006 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, présentés pour la SOCIETE TOP SA dont le siége est Place du 14 juillet à Villers-Bretonneux (80380) ; la SOCIETE TOP SA demande :
1°) d'annuler la décision du 23 février 2005 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité retirant l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité Topnebe pour différents usages référencés ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la directive n° 91/414/CEE du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ;
Vu la décision n° 3052/95/CE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 1995 ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l a loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gilles Bardou, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de la SOCIETE TOP SA et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société DUSLO AS,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n°s 270727 et 292203 présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu des les joindre pour statuer par une même décision ;
Considérant que, à la suite d'un contrôle ponctuel opéré auprès de la SOCIETE TOP SA, le ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales a, par deux décisions des 13 juillet 2004 et 23 février 2005 retiré les autorisations de mise sur le marché précédemment délivrées en vue de la vente des pesticides commercialisés sous les noms de Topnebe et d'Agrizeb ; que, si ces décisions mentionnent que les résultats des analyses réalisées par le laboratoire de Massy de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sur des prélèvements effectués auprès d'utilisateurs concluaient à l'absence de Mancozebe, substance active devant entrer à hauteur de 80 % au moins dans la composition des deux produits en vertu des autorisations délivrées, et à la présence d'un mélange de Manébe avec du Zinebe ou d'un co-précipité non différentiable, les décisions attaquées du ministre doivent être regardées comme fondées sur la méconnaissance, par les produits commercialisés sous les dénominations Agrizeb et Topnebe, des caractéristiques prévues par les autorisations de mise sur le marché, notamment, du pourcentage de Mancozebe entrant dans leur composition ;
Considérant qu,'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la suspension, par ordonnance du 7 septembre 2004 du juge des référés du Conseil d'Etat, de la décision du 13 juillet 2004 en tant qu'elle s'appliquait au Topnebe, le ministre a, par décision du 9 septembre 2004, restitué à la SOCIETE TOP SA l'autorisation relative à ce produit ; que les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée du 13 juillet 2004 en tant qu'elle concerne le Topnebe sont devenues sans objet ; qu'il n'y a donc lieu de statuer sur la décision du 13 juillet 2004 qu'en tant que celle-ci a procédé au retrait de l'autorisation relative au produit Agrizeb ;
Sur l'intervention de la société DUSLO :
Considérant que la société DUSLO, qui fabrique les produits en cause, a intérêt à l'annulation des décisions attaquées ; qu'ainsi son intervention à l'appui de la requête n° 270727 est recevable ;
Sur la légalité externe des décisions attaquées :
En ce qui concerne la décision du 13 juillet 2004 :
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la décision attaquée n'a pas été notifiée à la société Holding Bourgeois, titulaire de l'autorisation de mise sur le marché, mais à la seule SOCIETE TOP SA, qui assure la commercialisation du produit Agrizeb, est en tout état de cause sans influence sur sa légalité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 253-55 du code rural dans sa rédaction alors applicable : Préalablement à un refus ou à un retrait d'autorisation de mise sur le marché, le demandeur ou le titulaire de l'autorisation est mis en mesure de présenter ses observations au ministre chargé de l'agriculture ; que selon l'article 30 de l'arrêté du 6 septembre 1994 portant application du décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques : Préalablement à toute décision de refus ou de retrait de l'autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique, le demandeur ou le détenteur de l'autorisation dispose d'un délai qui lui est notifié par le ministre de l'agriculture et de la pêche pour présenter ses observations et se mettre en conformité avec les exigences requises ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la société TOP SA n'aurait pas pu présenter ses observations sur le produit Topnebe dés lors quelle n'a été informée que d'analyses relatives à l'Agrizeb est inopérant à l'appui de la contestation de la décision attaquée en tant qu'elle concerne le produit Agrizeb ;
Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre du 27 avril 2004 par laquelle le ministre de l'agriculture a fait connaître son intention de retirer l'autorisation de mise sur le marché précédemment délivrée à la société Holding Bourgeois et lui a notifié un délai de huit jours pour faire connaître ses observations était adressée à Monsieur le directeur de TOP SA BOURGEOIS ; que, compte tenu des liens étroits entre ces deux sociétés, qui sont gérées conjointement et occupent les mêmes locaux, le moyen tiré de ce que la société Holding Bourgeois, titulaire de l'autorisation de mise sur le marché, n'aurait pas été mise à même de présenter ses observations conformément aux dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise au vu des résultats d'analyses effectuées par le laboratoire de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de Massy ; qu'il est constant que la SOCIETE TOP SA a été destinataire du compte rendu des essais réalisés par cet organisme ; que l'administration n'était pas tenue, pour mettre la société requérante en mesure de présenter ses observations, de lui communiquer le protocole opératoire des analyses réalisées par le laboratoire de Massy, incluant les produits de référence utilisés et les conditions de prélèvement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que le directeur du laboratoire de Massy ait été l'un des experts membres de la commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole mentionnée à l'article R. 253-2 du code rural, que le ministre a choisi de consulter préalablement à la décision attaquée, n'est pas, par elle-même, compte tenu de la composition de cette instance, de nature à affecter l'impartialité de cette instance ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure sur ce point doit être, en tout état de cause, écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, que la décision de retrait attaquée, qui énonce ses motifs tirés de ce que l'engagement pris par la société pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché du produit Agrizeb, en ce qui concerne le pourcentage de Mancozèbe entrant dans sa composition, n'était plus respecté, est suffisamment motivé ;
En ce qui concerne la décision du 23 février 2005 :
Considérant que, par cette décision, le ministre a retiré l'autorisation de mise sur le marché relative au produit Topnebe, dont la société TOP SA disposait à la suite du retrait, le 9 septembre 2004, d'une précédente décision de retrait ;
Considérant, en premier lieu, qu'à la suite du retrait de la précédente décision de retrait de l'autorisation de mise sur le marché du produit Topnebe, le ministre de l'agriculture a fait connaître par lettre du 9 septembre 2004 à la société TOP SA, titulaire de l'autorisation, son intention de prendre une nouvelle décision dans le même sens au vu des analyses effectuées par le laboratoire de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Massy, dont il a communiqué les conclusions à la société ; que le ministre, qui n'était pas tenu de produire le détail des analyses réalisées par le laboratoire, a ainsi respecté le caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée, qui énonce ses motifs tirés de ce que l'engagement pris par la société bénéficiaire de l'autorisation en ce qui concerne le pourcentage de Mancozebe entrant dans la composition du produit Topnebe n'était plus respecté, est suffisamment motivée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer que la commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole ait été consultée par le ministre, préalablement à la décision attaquée, la circonstance que le directeur du laboratoire de Massy ait été l'un des experts qui en étaient membres, n'est pas, par elle-même, compte tenu de sa composition, de nature à affecter l'impartialité de cette instance ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure sur ce point doit, en tout état de cause, être écarté ;
Sur la légalité interne des décisions attaquées :
Considérant, en premier lieu, qu'en faisant procéder à des contrôles ponctuels et orientés pour s'assurer que les produits vendus sous les dénominations d'Agrizeb et de Topnebe étaient composés, à hauteur d'au moins 80 %, de Mancozebe, conformément à l'engagement pris par la société pour obtenir l'autorisation de les mettre sur le marché, le ministre, qui a seulement entendu veiller au respect des conditions d'autorisation, comme le prévoient d'ailleurs les dispositions de l'article 17 de la directive du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, n'a pas pris une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation contraire aux stipulations de l'article 28 du traité instituant la communauté européenne,;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 253-1 du code rural dans sa rédaction alors applicable : Sont interdites la mise sur le marché (...) des produits énumérés ci-après, s'ils ne bénéficient pas d'une autorisation de mise sur le marché (...) : ...1° Les fongicides ; que selon l'article L. 253-6 du même code : L'autorisation de mise sur le marché n'est accordée qu'aux produits définis à l'article L. 253-1 ayant fait l'objet d'un examen destiné à vérifier leur efficacité et leur innocuité à l'égard de la santé publique, des utilisateurs, des cultures et des animaux, dans les conditions d'emploi prescrites. Cet examen peut comporter en particulier des essais physiques, chimiques ou biologiques dans les laboratoires et services dépendant du ministère de l'industrie ou de la recherche ou de l'agriculture./ (...) / L'autorisation de mise sur le marché peut être retirée s'il apparaît, après nouvel examen, que le produit ne satisfait pas aux conditions définies dans la première phrase du premier alinéa du présent article ; que l'article R. 253-46 du même code prévoit que : (...) L'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique est retirée : 1° Si les conditions requises pour son obtention ne sont plus remplies ; (...) Lorsqu'un produit phytopharmaceutique est l'objet d'un retrait d'autorisation, toute mise sur le marché doit cesser. Toutefois, le ministre chargé de l'agriculture peut accorder un délai, pour supprimer, écouler, utiliser les stocks existants, dont la durée est en rapport avec la cause du retrait ; qu'en application de ces dispositions, qui transposent celles de la directive précitée, le ministre peut légalement, sans méconnaître le principe communautaire de proportionnalité, retirer une autorisation de mise sur le marché s'il démontre que l'une des conditions requises pour l'obtention de cette autorisation relative à l'efficacité et à l'innocuité du produit à l'égard de la santé publique n'est plus satisfaite, ou s'il fait état d'un doute sérieux sur ce point ;
Considérant, d'une part, que le ministre a fondé sa décision, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sur les résultats des analyses réalisées par le laboratoire de Massy ; qu'aux termes de l'article R. 253-14 du code rural : Sont considérés comme essais officiels les essais réalisés par des services et organismes publics représentés au comité d'homologation des produits antiparisataires à usage agricole et des produits assimilés ; qu'il est constant que le laboratoire de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Massy est représenté à ce comité ; que, par suite, la société requérante ne saurait soutenir que, faute d'accréditation, les analyses réalisées par le laboratoire de Massy seraient dépourvues de valeur ;
Considérant, d'autre part, que, si la société requérante soutient que le laboratoire de Massy aurait utilisé des méthodes d'analyse imprécises non conformes aux méthodes préconisées par les organisations internationales compétentes telles que le Comité international des pesticides (CIPAC) et la FAO ainsi que par le Comité français d'accréditation, il est au contraire constant que la méthode utilisée par le laboratoire de Massy est l'une de celles que préconisent ces organisations ;
Considérant, enfin, que, si les expertises produites par la société requérante, qui ont été réalisées dans le cadre d'instances pénales engagées par ailleurs, concluent que les produits vendus sous les dénominations Agrizeb et Topnebe contiennent du Mancozebe, aucune de ces analyses ne démontre que l'engagement pris d'une présence d'une telle substance à hauteur de 80 % au moins ait été respecté ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que le ministre, qui doit être regardé comme faisant état d'un doute sérieux sur le respect, par la société requérante, des engagements qu'elle avait pris pour obtenir les autorisations litigieuses, n'a pas méconnu, par ses décisions de retrait, le principe communautaire de proportionnalité ; que ces décisions ne sont en outre, contrairement à ce que soutient la société requérante, entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la décision n° 3052/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1995 établissant une procédure d'information mutuelle sur les mesures nationales dérogeant au principe de libre circulation des marchandises à l'intérieur de la communauté : Lorsqu'un état membre fait obstacle à la libre circulation ou à la mise sur le marché d'un certain... type de produit légalement fabriqué ou commercialisé dans un autre Etat membre, il notifie cette mesure à la Commission dés lors qu'elle a pour effet direct ou indirect : ...- un retrait du marché ; que la circonstance que le ministre de l'agriculture n'ait pas immédiatement communiqué ses décisions à la Commission est, en tout état de cause, sans incidence sur leur légalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions attaquées ;
Sur les conclusions de la SOCIETE TOP SA tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, les sommes que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 270727 de la SOCIETE TOP SA dirigées contre la décision du 13 juillet 2004 en tant que celle-ci s'applique au produit dénommé Topnebe.
Article 2 : L'intervention de la société DUSLO dans l'affaire 270727 est admise.
Article 3 : Le surplus de la requête n° 270727 et la requête n° 292203 de la SOCIETE TOP SA sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera communiquée à la SOCIETE TOP SA, à la société DUSLO et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
1°) d'annuler la décision du 13 juillet 2004 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a décidé le retrait des autorisations de mise sur le marché des produits dénommés Agrizeb et Topnebe pour tous leurs usages ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 292203, l'ordonnance du 30 mars 2006, enregistrée le 10 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif d'Amiens a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par la SOCIETE TOP SA ;
Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés les 29 avril et 2 mai 2005 et 12 janvier et 16 février 2006 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, présentés pour la SOCIETE TOP SA dont le siége est Place du 14 juillet à Villers-Bretonneux (80380) ; la SOCIETE TOP SA demande :
1°) d'annuler la décision du 23 février 2005 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité retirant l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité Topnebe pour différents usages référencés ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la directive n° 91/414/CEE du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ;
Vu la décision n° 3052/95/CE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 1995 ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l a loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gilles Bardou, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de la SOCIETE TOP SA et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société DUSLO AS,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n°s 270727 et 292203 présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu des les joindre pour statuer par une même décision ;
Considérant que, à la suite d'un contrôle ponctuel opéré auprès de la SOCIETE TOP SA, le ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales a, par deux décisions des 13 juillet 2004 et 23 février 2005 retiré les autorisations de mise sur le marché précédemment délivrées en vue de la vente des pesticides commercialisés sous les noms de Topnebe et d'Agrizeb ; que, si ces décisions mentionnent que les résultats des analyses réalisées par le laboratoire de Massy de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sur des prélèvements effectués auprès d'utilisateurs concluaient à l'absence de Mancozebe, substance active devant entrer à hauteur de 80 % au moins dans la composition des deux produits en vertu des autorisations délivrées, et à la présence d'un mélange de Manébe avec du Zinebe ou d'un co-précipité non différentiable, les décisions attaquées du ministre doivent être regardées comme fondées sur la méconnaissance, par les produits commercialisés sous les dénominations Agrizeb et Topnebe, des caractéristiques prévues par les autorisations de mise sur le marché, notamment, du pourcentage de Mancozebe entrant dans leur composition ;
Considérant qu,'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la suspension, par ordonnance du 7 septembre 2004 du juge des référés du Conseil d'Etat, de la décision du 13 juillet 2004 en tant qu'elle s'appliquait au Topnebe, le ministre a, par décision du 9 septembre 2004, restitué à la SOCIETE TOP SA l'autorisation relative à ce produit ; que les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée du 13 juillet 2004 en tant qu'elle concerne le Topnebe sont devenues sans objet ; qu'il n'y a donc lieu de statuer sur la décision du 13 juillet 2004 qu'en tant que celle-ci a procédé au retrait de l'autorisation relative au produit Agrizeb ;
Sur l'intervention de la société DUSLO :
Considérant que la société DUSLO, qui fabrique les produits en cause, a intérêt à l'annulation des décisions attaquées ; qu'ainsi son intervention à l'appui de la requête n° 270727 est recevable ;
Sur la légalité externe des décisions attaquées :
En ce qui concerne la décision du 13 juillet 2004 :
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la décision attaquée n'a pas été notifiée à la société Holding Bourgeois, titulaire de l'autorisation de mise sur le marché, mais à la seule SOCIETE TOP SA, qui assure la commercialisation du produit Agrizeb, est en tout état de cause sans influence sur sa légalité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 253-55 du code rural dans sa rédaction alors applicable : Préalablement à un refus ou à un retrait d'autorisation de mise sur le marché, le demandeur ou le titulaire de l'autorisation est mis en mesure de présenter ses observations au ministre chargé de l'agriculture ; que selon l'article 30 de l'arrêté du 6 septembre 1994 portant application du décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques : Préalablement à toute décision de refus ou de retrait de l'autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique, le demandeur ou le détenteur de l'autorisation dispose d'un délai qui lui est notifié par le ministre de l'agriculture et de la pêche pour présenter ses observations et se mettre en conformité avec les exigences requises ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la société TOP SA n'aurait pas pu présenter ses observations sur le produit Topnebe dés lors quelle n'a été informée que d'analyses relatives à l'Agrizeb est inopérant à l'appui de la contestation de la décision attaquée en tant qu'elle concerne le produit Agrizeb ;
Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre du 27 avril 2004 par laquelle le ministre de l'agriculture a fait connaître son intention de retirer l'autorisation de mise sur le marché précédemment délivrée à la société Holding Bourgeois et lui a notifié un délai de huit jours pour faire connaître ses observations était adressée à Monsieur le directeur de TOP SA BOURGEOIS ; que, compte tenu des liens étroits entre ces deux sociétés, qui sont gérées conjointement et occupent les mêmes locaux, le moyen tiré de ce que la société Holding Bourgeois, titulaire de l'autorisation de mise sur le marché, n'aurait pas été mise à même de présenter ses observations conformément aux dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise au vu des résultats d'analyses effectuées par le laboratoire de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de Massy ; qu'il est constant que la SOCIETE TOP SA a été destinataire du compte rendu des essais réalisés par cet organisme ; que l'administration n'était pas tenue, pour mettre la société requérante en mesure de présenter ses observations, de lui communiquer le protocole opératoire des analyses réalisées par le laboratoire de Massy, incluant les produits de référence utilisés et les conditions de prélèvement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que le directeur du laboratoire de Massy ait été l'un des experts membres de la commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole mentionnée à l'article R. 253-2 du code rural, que le ministre a choisi de consulter préalablement à la décision attaquée, n'est pas, par elle-même, compte tenu de la composition de cette instance, de nature à affecter l'impartialité de cette instance ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure sur ce point doit être, en tout état de cause, écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, que la décision de retrait attaquée, qui énonce ses motifs tirés de ce que l'engagement pris par la société pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché du produit Agrizeb, en ce qui concerne le pourcentage de Mancozèbe entrant dans sa composition, n'était plus respecté, est suffisamment motivé ;
En ce qui concerne la décision du 23 février 2005 :
Considérant que, par cette décision, le ministre a retiré l'autorisation de mise sur le marché relative au produit Topnebe, dont la société TOP SA disposait à la suite du retrait, le 9 septembre 2004, d'une précédente décision de retrait ;
Considérant, en premier lieu, qu'à la suite du retrait de la précédente décision de retrait de l'autorisation de mise sur le marché du produit Topnebe, le ministre de l'agriculture a fait connaître par lettre du 9 septembre 2004 à la société TOP SA, titulaire de l'autorisation, son intention de prendre une nouvelle décision dans le même sens au vu des analyses effectuées par le laboratoire de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Massy, dont il a communiqué les conclusions à la société ; que le ministre, qui n'était pas tenu de produire le détail des analyses réalisées par le laboratoire, a ainsi respecté le caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée, qui énonce ses motifs tirés de ce que l'engagement pris par la société bénéficiaire de l'autorisation en ce qui concerne le pourcentage de Mancozebe entrant dans la composition du produit Topnebe n'était plus respecté, est suffisamment motivée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer que la commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole ait été consultée par le ministre, préalablement à la décision attaquée, la circonstance que le directeur du laboratoire de Massy ait été l'un des experts qui en étaient membres, n'est pas, par elle-même, compte tenu de sa composition, de nature à affecter l'impartialité de cette instance ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure sur ce point doit, en tout état de cause, être écarté ;
Sur la légalité interne des décisions attaquées :
Considérant, en premier lieu, qu'en faisant procéder à des contrôles ponctuels et orientés pour s'assurer que les produits vendus sous les dénominations d'Agrizeb et de Topnebe étaient composés, à hauteur d'au moins 80 %, de Mancozebe, conformément à l'engagement pris par la société pour obtenir l'autorisation de les mettre sur le marché, le ministre, qui a seulement entendu veiller au respect des conditions d'autorisation, comme le prévoient d'ailleurs les dispositions de l'article 17 de la directive du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, n'a pas pris une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation contraire aux stipulations de l'article 28 du traité instituant la communauté européenne,;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 253-1 du code rural dans sa rédaction alors applicable : Sont interdites la mise sur le marché (...) des produits énumérés ci-après, s'ils ne bénéficient pas d'une autorisation de mise sur le marché (...) : ...1° Les fongicides ; que selon l'article L. 253-6 du même code : L'autorisation de mise sur le marché n'est accordée qu'aux produits définis à l'article L. 253-1 ayant fait l'objet d'un examen destiné à vérifier leur efficacité et leur innocuité à l'égard de la santé publique, des utilisateurs, des cultures et des animaux, dans les conditions d'emploi prescrites. Cet examen peut comporter en particulier des essais physiques, chimiques ou biologiques dans les laboratoires et services dépendant du ministère de l'industrie ou de la recherche ou de l'agriculture./ (...) / L'autorisation de mise sur le marché peut être retirée s'il apparaît, après nouvel examen, que le produit ne satisfait pas aux conditions définies dans la première phrase du premier alinéa du présent article ; que l'article R. 253-46 du même code prévoit que : (...) L'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique est retirée : 1° Si les conditions requises pour son obtention ne sont plus remplies ; (...) Lorsqu'un produit phytopharmaceutique est l'objet d'un retrait d'autorisation, toute mise sur le marché doit cesser. Toutefois, le ministre chargé de l'agriculture peut accorder un délai, pour supprimer, écouler, utiliser les stocks existants, dont la durée est en rapport avec la cause du retrait ; qu'en application de ces dispositions, qui transposent celles de la directive précitée, le ministre peut légalement, sans méconnaître le principe communautaire de proportionnalité, retirer une autorisation de mise sur le marché s'il démontre que l'une des conditions requises pour l'obtention de cette autorisation relative à l'efficacité et à l'innocuité du produit à l'égard de la santé publique n'est plus satisfaite, ou s'il fait état d'un doute sérieux sur ce point ;
Considérant, d'une part, que le ministre a fondé sa décision, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sur les résultats des analyses réalisées par le laboratoire de Massy ; qu'aux termes de l'article R. 253-14 du code rural : Sont considérés comme essais officiels les essais réalisés par des services et organismes publics représentés au comité d'homologation des produits antiparisataires à usage agricole et des produits assimilés ; qu'il est constant que le laboratoire de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Massy est représenté à ce comité ; que, par suite, la société requérante ne saurait soutenir que, faute d'accréditation, les analyses réalisées par le laboratoire de Massy seraient dépourvues de valeur ;
Considérant, d'autre part, que, si la société requérante soutient que le laboratoire de Massy aurait utilisé des méthodes d'analyse imprécises non conformes aux méthodes préconisées par les organisations internationales compétentes telles que le Comité international des pesticides (CIPAC) et la FAO ainsi que par le Comité français d'accréditation, il est au contraire constant que la méthode utilisée par le laboratoire de Massy est l'une de celles que préconisent ces organisations ;
Considérant, enfin, que, si les expertises produites par la société requérante, qui ont été réalisées dans le cadre d'instances pénales engagées par ailleurs, concluent que les produits vendus sous les dénominations Agrizeb et Topnebe contiennent du Mancozebe, aucune de ces analyses ne démontre que l'engagement pris d'une présence d'une telle substance à hauteur de 80 % au moins ait été respecté ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que le ministre, qui doit être regardé comme faisant état d'un doute sérieux sur le respect, par la société requérante, des engagements qu'elle avait pris pour obtenir les autorisations litigieuses, n'a pas méconnu, par ses décisions de retrait, le principe communautaire de proportionnalité ; que ces décisions ne sont en outre, contrairement à ce que soutient la société requérante, entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la décision n° 3052/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1995 établissant une procédure d'information mutuelle sur les mesures nationales dérogeant au principe de libre circulation des marchandises à l'intérieur de la communauté : Lorsqu'un état membre fait obstacle à la libre circulation ou à la mise sur le marché d'un certain... type de produit légalement fabriqué ou commercialisé dans un autre Etat membre, il notifie cette mesure à la Commission dés lors qu'elle a pour effet direct ou indirect : ...- un retrait du marché ; que la circonstance que le ministre de l'agriculture n'ait pas immédiatement communiqué ses décisions à la Commission est, en tout état de cause, sans incidence sur leur légalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions attaquées ;
Sur les conclusions de la SOCIETE TOP SA tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, les sommes que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 270727 de la SOCIETE TOP SA dirigées contre la décision du 13 juillet 2004 en tant que celle-ci s'applique au produit dénommé Topnebe.
Article 2 : L'intervention de la société DUSLO dans l'affaire 270727 est admise.
Article 3 : Le surplus de la requête n° 270727 et la requête n° 292203 de la SOCIETE TOP SA sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera communiquée à la SOCIETE TOP SA, à la société DUSLO et au ministre de l'agriculture et de la pêche.