Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 21/03/2008, 293828, Publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistré le 29 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 28 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a déchargé la société SEMCHA de l'obligation de payer la somme de 56 938 euros résultant d'un avis à tiers détenteur, désignant comme tiers détenteur la société Châlonnaise de Grands Magasins, délivré aux fins de recouvrement sur les loyers dus par cette dernière à la société d'économie mixte de Châlons-en-Champagne (SEMCHA) de la cotisation de taxe foncière à laquelle la SCI Parques, précédent propriétaire, a été assujettie au titre de l'année 2000 à raison d'un immeuble sis à Châlons-en-Champagne dans les rôles de cette commune ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société SEMCHA,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'économie mixte de Châlons-en-Champagne (SEMCHA) a acquis le 29 juin 2001 de la société civile immobilière Parques 06 un immeuble loué à la société Châlonnaise de Grands Magasins ; que pour avoir paiement de la cotisation de taxe foncière à laquelle la SCI Parques 06, alors propriétaire, avait été assujettie au titre de l'année 2000 et qu'elle n'avait pas acquittée, le trésorier payeur général de Châlons-en-Champagne, après avoir vainement adressé trois commandements de payer successifs à la SCI Parques 06, a mis en jeu le droit de suite sur les loyers dus au nouveau propriétaire et, selon lui, attaché au privilège spécial du Trésor prévu à l'article 1920-2-2° du code général des impôts en émettant auprès de la société locataire de l'immeuble un avis à tiers détenteur qui a été notifié à cette dernière le 15 octobre 2001 ; que la société SEMCHA, à laquelle cet avis à tiers détenteur a été également notifié, a saisi, d'une part, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne et, d'autre part, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; que, par arrêt en date du 24 juin 2003 devenu définitif, la cour d'appel de Reims a confirmé l'ordonnance par laquelle le juge de l'exécution du tribunal de grande instance a rejeté la demande de la société SEMCHA aux fins d'obtenir l'annulation de l'avis à tiers détenteur émis à l'encontre de la société locataire de l'immeuble en estimant que l'administration était fondée à exercer le droit de suite sur les loyers dus par la société Châlonnaise de Grands Magasins à la société SEMCHA pour le recouvrement de la cotisation de taxe foncière litigieuse non acquittée par l'ancien propriétaire ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, au contraire, déchargé la société SEMCHA de l'obligation de payer la somme résultant de l'avis à tiers détenteur émis à l'encontre de sa locataire ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables du Trésor... doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1°) Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2°) Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sont portés, dans le premier cas, devant le tribunal de grande instance, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. ; que les contestations relatives à l'existence et à la portée du privilège du Trésor, prévu à l'article 1920 du code général des impôts, ne peuvent être portées que devant l'autorité judiciaire ;

Considérant que l'opposition formée par la société d'économie mixte de Châlons-en-Champagne à l'encontre de l'avis à tiers détenteur émis à l'encontre de son locataire le 15 octobre 2001 pour le recouvrement de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle l'ancien propriétaire de l'immeuble avait été assujetti au titre de l'année 2000 était fondée sur une contestation de l'existence et de la portée d'un droit de suite sur les loyers attaché au privilège du Trésor défini à l'article 1920-2-2° du code général des impôts ; qu'une telle contestation ne relevait pas de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que la demande présentée par la société d'économie mixte de Châlons-en-Champagne devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la société d'économie mixte de Châlons-en-Champagne au titre des frais engagés tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement en date du 28 mars 2006 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande de la société d'économie mixte de Châlons-en-Champagne (SEMCHA) devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la société d'économie mixte de Châlons-en-Champagne.


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