Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 03/03/2008, 304374, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 03/03/2008, 304374, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 2ème et 7ème sous-sections réunies
- N° 304374
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
03 mars 2008
- Président
- M. Delarue
- Rapporteur
- Mme Sophie-Caroline de Margerie
- Avocat(s)
- BLANC
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 avril 2007, l'ordonnance en date du 9 mars 2007 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application des articles R. 3512, R. 8111 et R. 222132° du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par M. Roger A, demeurant ...;
Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 15 mai, 7 juin et 28 juin 2007, présentés pour M. Roger A ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 14 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2004 du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire annulant le versement de l'allocation temporaire d'invalidité dont il bénéficiait depuis le 24 janvier 2002 et à la condamnation de l'Etat à lui verser cette allocation, compte tenu d'un taux d'incapacité permanente partielle supplémentaire de 4 % à compter du 4 janvier 1986 ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler l'arrêté du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire du 27 janvier 2004 et d'enjoindre au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire de prendre une nouvelle décision tendant à ce qu'il bénéficie de l'allocation temporaire d'invalidité tenant compte d'un taux d'incapacité permanente de 10 %, à compter du 24 janvier 2002, avec intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 8416 du 11 janvier 1984 modifiée ;
Vu le décret n° 601089 du 6 octobre 1960 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Blanc, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : « Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement ( ) » ; Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 6 octobre 1960 relatif à l'application des dispositions du statut général des fonctionnaires : « L'allocation temporaire d'invalidité est accordée pour une période de cinq ans. A l'expiration de cette période les droits du fonctionnaire font l'objet d'un nouvel examen ( ) » ; qu'aux termes des dispositions du 2ème alinéa de l'article 2 du même décret : « Dans le cas d'aggravation d'infirmités préexistantes, le taux d'invalidité à prendre en considération doit être apprécié par rapport à la validité restante du fonctionnaire » ; Considérant qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, receveur des douanes et droits indirects à la retraite depuis le 1er juillet 2002, victime de trois accidents de service survenus respectivement le 7 septembre 1978, le 3 décembre 1985 et le 24 juin 1996, a bénéficié à partir du 24 janvier 1997 d'une allocation temporaire d'invalidité sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 12 % ; qu'à la suite de la révision de ses droits à allocation en 2002, dans les conditions prévues à l'article 5 du décret du 6 octobre 1960 précité, l'allocation temporaire d'invalidité lui a été supprimée, à compter du 24 janvier 2002, par un arrêté en date du 27 janvier 2004 du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire dont il a demandé l'annulation ; que si, dans les motifs de son jugement rendu le 14 décembre 2006, le tribunal administratif de Marseille a relevé que le taux d'invalidité à retenir au titre du deuxième accident de service du 3 décembre 1985 était de 5 % par suite de la prise en compte de séquelles lombaires, et non de 3 %, il a cependant rejeté la requête de l'intéressé en estimant qu'à la suite de cet accident du 3 décembre 1985, la validité restante ne s'élevait plus qu'à 95 %, si bien que le taux afférent au troisième accident du 24 juin 1996, calculé en fonction de cette validité restante, était de 4,75 % et qu'ainsi, compte tenu du taux d'invalidité de 0 % non contesté retenu au titre du premier accident de service, le taux global d'invalidité à retenir était de 9,75 %, ce qui n'ouvrait pas droit au bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité ; Considérant qu'en ne recherchant pas si les deux infirmités dont M. A a été successivement atteint à la suite des accidents de service des 3 décembre 1985 et 24 juin 1996 avaient un lien fonctionnel l'une avec l'autre et si, par conséquent, le taux d'invalidité résultant du troisième accident devait ou non être calculé par rapport à la validité lui restant, le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement du 14 décembre 2006 d'une erreur de droit ; que, dès lors, le requérant est fondé à en demander l'annulation ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 8212 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Considérant qu'il est constant que les deux infirmités dont M. A a été successivement atteint à la suite des accidents de service des 3 décembre 1985 et 24 juin 1996 sont sans lien fonctionnel l'une avec l'autre ; qu'ainsi, la seconde ne saurait être regardée comme une aggravation de la première au sens de l'article 2 du décret du 6 octobre 1960 susmentionné ; que, par suite, le taux d'invalidité résultant du troisième accident ne devait pas être calculé par rapport à la validité lui restant ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif, effectuée en 2005 par le docteur Vives, que le traumatisme cervical et les séquelles lombaires résultant de l'accident du 3 décembre 1985 entraînaient à la date de la révision un taux global d'incapacité permanente partielle de 5 % et que l'accident du 24 juin 1996 avait entraîné une incapacité de 5 % ; qu'il suit de là que M. A était en droit de bénéficier, à la suite de cette révision quinquennale, d'une allocation temporaire d'invalidité sur la base d'un taux global de 10 % ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire du 27 janvier 2004 annulant le versement de l'allocation temporaire d'invalidité dont il bénéficiait depuis le 24 janvier 2002 ; Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que M. A peut prétendre au bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité tenant compte du taux d'incapacité permanente de 10 % à compter du 24 janvier 2002 ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, de faire bénéficier, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, M. A d'une allocation temporaire d'invalidité calculée selon un taux d'incapacité permanente de 10 %, à compter du 24 janvier 2002, avec intérêts au taux légal ; Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative : Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, également, de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 décembre 2006 et la décision du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire du 27 janvier 2004 sont annulés. Article 2 : Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique admettra M. A au bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité, calculée selon un taux d'incapacité permanente de 10 %, à compter du 24 janvier 2002, avec intérêts au taux légal, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille sont mis à la charge de l'Etat. Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Roger A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Considérant qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : « Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement ( ) » ; Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 6 octobre 1960 relatif à l'application des dispositions du statut général des fonctionnaires : « L'allocation temporaire d'invalidité est accordée pour une période de cinq ans. A l'expiration de cette période les droits du fonctionnaire font l'objet d'un nouvel examen ( ) » ; qu'aux termes des dispositions du 2ème alinéa de l'article 2 du même décret : « Dans le cas d'aggravation d'infirmités préexistantes, le taux d'invalidité à prendre en considération doit être apprécié par rapport à la validité restante du fonctionnaire » ; Considérant qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, receveur des douanes et droits indirects à la retraite depuis le 1er juillet 2002, victime de trois accidents de service survenus respectivement le 7 septembre 1978, le 3 décembre 1985 et le 24 juin 1996, a bénéficié à partir du 24 janvier 1997 d'une allocation temporaire d'invalidité sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 12 % ; qu'à la suite de la révision de ses droits à allocation en 2002, dans les conditions prévues à l'article 5 du décret du 6 octobre 1960 précité, l'allocation temporaire d'invalidité lui a été supprimée, à compter du 24 janvier 2002, par un arrêté en date du 27 janvier 2004 du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire dont il a demandé l'annulation ; que si, dans les motifs de son jugement rendu le 14 décembre 2006, le tribunal administratif de Marseille a relevé que le taux d'invalidité à retenir au titre du deuxième accident de service du 3 décembre 1985 était de 5 % par suite de la prise en compte de séquelles lombaires, et non de 3 %, il a cependant rejeté la requête de l'intéressé en estimant qu'à la suite de cet accident du 3 décembre 1985, la validité restante ne s'élevait plus qu'à 95 %, si bien que le taux afférent au troisième accident du 24 juin 1996, calculé en fonction de cette validité restante, était de 4,75 % et qu'ainsi, compte tenu du taux d'invalidité de 0 % non contesté retenu au titre du premier accident de service, le taux global d'invalidité à retenir était de 9,75 %, ce qui n'ouvrait pas droit au bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité ; Considérant qu'en ne recherchant pas si les deux infirmités dont M. A a été successivement atteint à la suite des accidents de service des 3 décembre 1985 et 24 juin 1996 avaient un lien fonctionnel l'une avec l'autre et si, par conséquent, le taux d'invalidité résultant du troisième accident devait ou non être calculé par rapport à la validité lui restant, le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement du 14 décembre 2006 d'une erreur de droit ; que, dès lors, le requérant est fondé à en demander l'annulation ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 8212 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Considérant qu'il est constant que les deux infirmités dont M. A a été successivement atteint à la suite des accidents de service des 3 décembre 1985 et 24 juin 1996 sont sans lien fonctionnel l'une avec l'autre ; qu'ainsi, la seconde ne saurait être regardée comme une aggravation de la première au sens de l'article 2 du décret du 6 octobre 1960 susmentionné ; que, par suite, le taux d'invalidité résultant du troisième accident ne devait pas être calculé par rapport à la validité lui restant ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif, effectuée en 2005 par le docteur Vives, que le traumatisme cervical et les séquelles lombaires résultant de l'accident du 3 décembre 1985 entraînaient à la date de la révision un taux global d'incapacité permanente partielle de 5 % et que l'accident du 24 juin 1996 avait entraîné une incapacité de 5 % ; qu'il suit de là que M. A était en droit de bénéficier, à la suite de cette révision quinquennale, d'une allocation temporaire d'invalidité sur la base d'un taux global de 10 % ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire du 27 janvier 2004 annulant le versement de l'allocation temporaire d'invalidité dont il bénéficiait depuis le 24 janvier 2002 ; Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que M. A peut prétendre au bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité tenant compte du taux d'incapacité permanente de 10 % à compter du 24 janvier 2002 ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, de faire bénéficier, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, M. A d'une allocation temporaire d'invalidité calculée selon un taux d'incapacité permanente de 10 %, à compter du 24 janvier 2002, avec intérêts au taux légal ; Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative : Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, également, de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 décembre 2006 et la décision du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire du 27 janvier 2004 sont annulés. Article 2 : Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique admettra M. A au bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité, calculée selon un taux d'incapacité permanente de 10 %, à compter du 24 janvier 2002, avec intérêts au taux légal, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille sont mis à la charge de l'Etat. Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Roger A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.