Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 21/12/2007, 295646, Publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juillet et 16 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SASP FOOTBALL CLUB DE METZ, dont le siège est 3 allée Saint Symphorien BP 40292 à Metz (57006) Cedex 1, représentée par son président-directeur général en exercice ; la SASP FOOTBALL CLUB DE METZ demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 19 mai 2006 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des décrets codifiés sous les articles 141 à 144 de l'annexe II au code général des impôts et 50, 51, 369 et 374 de l'annexe III au même code permettant l'application des dispositions de l'article 231 du code relatif à la taxe sur les salaires ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Claire Legras, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SASP FOOTBALL CLUB DE METZ,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;



Considérant que, par la décision attaquée en date du 19 mai 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté la demande de la SASP FOOTBALL CLUB DE METZ tendant à l'abrogation des articles 141 à 144 de l'annexe II au code général des impôts, ainsi que des articles 50, 51, 369 et 374 de l'annexe III au même code, qui permettent l'application de l'article 231 du code général des impôts relatif à la taxe sur les salaires ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la SASP FOOTBALL CLUB DE METZ, la décision attaquée, qui a le caractère d'un acte réglementaire, n'avait pas à être motivée ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Sur la compatibilité avec l'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxe sur le chiffre d'affaires, dont les dispositions sont reprises à l'article 401 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre Etats membres à des formalités liées au passage d'une frontière. ;

Considérant que l'objet de cet article est d'éviter que soient instaurés ou maintenus des impôts, droits et taxes qui, du fait qu'ils grèvent la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la taxe sur la valeur ajoutée, compromettent le fonctionnement du système commun de cette dernière ; que doivent être considérés comme tels les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de cette taxe ; que cet article ne fait en revanche pas obstacle au maintien ou à l'introduction d'autres types d'impôts, droits et taxes, et en particulier de taxes assises sur les salaires versés par les entreprises, dès lors que ces impôts, droits ou taxes ne présentent pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant que la taxe sur la valeur ajoutée s'applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services, qu'elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services, qu'elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution et, enfin, qu'elle s'applique à la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d'une transaction étant calculée après déduction de celle qui a été payée lors de la transaction précédente ;

Considérant, en deuxième lieu, que la taxe sur les salaires, dont la société requérante soutient que le maintien est prohibé par l'article 33 de la sixième directive du 17 mai 1977, est régie par les dispositions du 1 de l'article 231 du code général des impôts, aux termes desquelles, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...), à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales et de leurs groupements, des services départementaux de lutte contre l'incendie, des centres d'action sociale dotés d'une personnalité propre lorsqu'ils sont subventionnés par les collectivités locales, du centre de formation des personnels communaux et des caisses des écoles, qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ; que les articles 141 à 144 de l'annexe II au code général des impôts précisent les règles d'application des taux majorés prévus à l'article 231 du même code ; que les articles 50 et 51 de l'annexe III au code général des impôts sont pris pour l'application des règles relatives au champ d'application et à la base de la taxe sur les salaires, et les articles 369 et 374 de la même annexe précisent les règles de recouvrement de cette taxe ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que les cotisations de taxe sur les salaires, qui sont assises sur les rémunérations ou une partie des rémunérations versées par ses redevables, ne sont pas établies d'une manière générale sur la base des transactions réalisées par ceux-ci et portant sur des biens ou des services, ni calculées proportionnellement au prix acquitté par le client, ni perçues à chaque stade du processus de production et de distribution, après déduction des droits acquittés lors de la transaction précédente ; que, dans ces conditions, la taxe sur les salaires ne présente pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mentionnées plus haut ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que la taxe sur les salaires ne frappe que les entreprises exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou non soumises à cette taxe sur au moins 90 % de leur chiffre d'affaires n'a pas pour effet de lui conférer le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires prohibée par l'article 33 de la sixième directive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SASP FOOTBALL CLUB DE METZ n'est pas fondée à soutenir que la taxe sur les salaires aurait été instituée en violation des dispositions de l'article 33 de la sixième directive ;

Sur la compatibilité avec l'article 13 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 :

Considérant que les dispositions de l'article 13 de la sixième directive, qui sont reprises aux articles 131 à 137 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, sont relatives aux exonérations à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à leurs conditions de mise en oeuvre par les Etats membres ;

Considérant que si les dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts fixent l'assiette de l'imposition à la taxe sur les salaires à proportion inverse du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, cette circonstance n'affecte pas par elle-même le régime des exonérations de la taxe sur la valeur ajoutée et ne limite pas la portée des options prévues pour l'imposition à cette taxe ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'assujettissement à la taxe sur les salaires priverait d'effet les exonérations de taxe sur la valeur ajoutée prévues à l'article 13 de la sixième directive ;

Sur les autres moyens :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, la taxe sur les salaires n'a pas le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires prohibée par l'article 33 de la sixième directive et ne peut donc être regardée comme accroissant, en violation de l'objectif de neutralité garanti par le système harmonisé de taxe sur la valeur ajoutée, les rémanences de taxe sur la valeur ajoutée supportées par les redevables qui ne sont pas assujettis à cette taxe ; qu'il suit de là que la SASP FOOTBALL CLUB DE METZ n'est pas fondée à soutenir que la taxe sur les salaires serait contraire à l'objectif de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, qui vise à décharger entièrement les entreprises de la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée dans le cadre de l'ensemble de leurs activités économiques, à condition que ces activités soient elles-mêmes soumises à la taxe ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante ne démontre pas en quoi la taxe sur les salaires affecterait, le cas échéant, différemment les prestations de services réalisées entre Etats membres et les mêmes prestations réalisées à l'intérieur du territoire français ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune règle communautaire relative à la concurrence ne fait obstacle à l'institution d'une taxe présentant la nature et les règles d'assiette de la taxe critiquée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SASP FOOTBALL CLUB DE METZ n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SASP FOOTBALL CLUB DE METZ est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SASP FOOTBALL CLUB DE METZ et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.




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