Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 15/06/2007, 299391

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'ordonnance du 22 novembre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la Société Electronic Data Systems, annulé la procédure de passation concernant l'attribution du lot n°1 du marché relatif à la modernisation des centres opérationnels et à la refonte de la chaîne de traitement du renseignement d'ordre public de la gendarmerie nationale et a enjoint au ministre de la défense de reprendre la procédure annulée ; 2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé précontractuel engagée par la Société Electronic Data Systems, de rejeter la demande présentée par cette société devant le tribunal administratif de Paris ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la directive 2004/18/CE du Parlement Européen et du conseil de l'Union Européenne du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, notamment l'article 36-1 et son annexe VII A ; Vu le règlement (CE) n°1564/2005 de la Commission en date du 7 septembre établissant les formulaires standard pour la publication d'avis dans le cadre des procédures de passation des marchés publics conformément aux directives 2004/17/CE et 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, et notamment son annexe II ; Vu le code des marchés publics ; Vu l'arrêté du 30 janvier 2004 pris en application des articles 40 et 80 du code des marchés publics et fixant les modèles de formulaires pour la publication des avis relatifs à la passation et à l'attribution de marchés publics ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Alban de Nervaux, Auditeur, - les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la société Electronic data systems, - les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative: Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (…)./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local./Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le MINISTRE DE LA DEFENSE a, par deux avis publiés au bulletin officiel des annonces de marchés publics le 5 avril 2006 et au journal officiel de l'Union Européenne le 11 avril 2006, engagé une procédure d'appel d'offre restreint en vue de la passation d'un marché à bons de commande, composé de deux lots, pour la modernisation des centres opérationnels et de la chaîne de traitement du renseignement d'ordre public au sein de la gendarmerie nationale ; que, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative par la société Electronic data systems, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, par une ordonnance du 22 novembre 2006, annulé la procédure de passation concernant l'attribution du lot n°1 du marché ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ; Considérant qu'en vertu des dispositions de l'annexe VII A de la directive du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, les pouvoirs adjudicateurs doivent obligatoirement renseigner la rubrique option des avis de marché lorsque sont prévus des achats ou travaux complémentaires ; que l'annexe II du règlement de la commission du 7 septembre 2005 établissant les formulaires standard pour la publication des avis de marché en application de la directive 2004/18/CE, prescrit à la rubrique II. 2.2) options (le cas échéant) que, si des options sont prévues, celles-ci doivent être décrites ainsi que, s'il est connu, le calendrier prévisionnel de l'exercice de ces options ; que doivent également être indiquées, au titre de la même rubrique le nombre de reconductions éventuelles du marché, ainsi que, s'il est connu, le calendrier prévisionnel de marchés ultérieurs ; que les mêmes renseignements sont demandés dans le modèle d'avis prévu par l'arrêté du 30 janvier 2004 alors en vigueur, pris en application du code des marchés publics ; Considérant qu'il résulte de ces dispositions que doivent être indiqués dans les avis d'appel public à la concurrence, au titre de la rubrique options, les achats ou travaux susceptibles d'être effectués dans le cadre d'éventuelles reconductions du marché, d'avenants ou de marchés complémentaires conclus sans nouvelle mise en concurrence ainsi que, s'il est connu, leur calendrier prévisionnel ; qu'en l'espèce, la prestation complémentaire décrite dans le cahier des clauses techniques particulières, qualifiée d'option et concernant un support d'assistance technique 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, l'exigence de base étant de 5 jours sur 7, du lundi au vendredi, de 8 heures à 20 heures, désignait, ainsi qu'il était précisé à l'article 8 du règlement de la consultation, une prestation que le candidat était tenu de proposer dans son offre et que l'administration se réservait la possibilité de demander, en complément de l'offre de base, lors de l'exécution du marché à bons de commande ; que cette prestation ainsi prévue dans le cadre de l'exécution du marché et non pas dans le cadre d'un éventuel avenant ou marché complémentaire, n'était pas une option au sens des dispositions précitées de l'annexe VII A de la directive du 31 mars 2004 et de l'annexe II du règlement du 7 septembre 2005 ; que, par suite, en estimant qu'une telle prestation correspondait aux renseignements exigés par la rubrique option des avis d'appel public à la concurrence et qu'il appartenait donc à l'administration de renseigner ladite rubrique, le juge des référés a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Electronic Data Systems ; Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient la société requérante, que les avis précités comportaient, dans leur formulation, des indications insuffisamment complètes ou précises concernant notamment la forme du marché, le nombre de lots, la classification CPV (Common Procurement Vocabulary, c'est-à-dire, Vocabulaire Commun des Marchés) et la date de début d'exécution du contrat, ainsi que des différences d'informations de nature à entraîner un manquement aux obligations de publicité et de concurrence ; que de même, compte tenu de la spécificité technique du marché en cause et de son montant dont le minimum s'élève à 20 000 000 d'euros et le maximum à 40 000 000, il était loisible au ministre, dans un souci de qualité et d'efficacité, d'exiger dans le cadre de cet appel d'offres restreint la détention par les candidats d'un niveau minimum de capacités financières et techniques ; Considérant que, pour les raisons ci-dessus indiquées, l'administration n'était pas tenue de mentionner, au titre de la rubrique option des avis d'appel public à la concurrence, l'existence de l' option décrite dans le cahier des clauses techniques particulières et relative à une prestation que le candidat était tenu de proposer dans son offre et que l'administration se réservait la possibilité de demander, en complément de l'offre de base, lors de l'exécution du marché ; Considérant qu'aucune disposition du code des marchés publics ni aucun principe n'interdisait à l'administration de prévoir des prestations que les candidats au marché pouvaient, sans y être tenus, fournir dans leur offre, en complément de l'offre de base ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que ces prestations facultatives aient été prises en compte lors de l'évaluation comparative des offres ; que doit ainsi être écarté le moyen tiré de ce que l'existence de prestations complémentaires facultatives aurait entraîné une méconnaissance de l'égalité entre les candidats au marché ; Considérant qu'en vertu des dispositions du cahier des clauses administratives particulières et de celles du cahier des clauses techniques particulières, l'acquisition et le déploiement du système d'information dit COG-RENS comprenait notamment le déploiement national du système par le titulaire du marché ainsi que la maintenance en condition opérationnelle par le même titulaire tout au long de la durée du marché ; que cependant, l'offre de la société Electronic Data Systems prévoyait que l'installation et le déploiement des autres sites que les sites pilotes seraient assurés par le personnel de la gendarmerie nationale et annonçait le transfert de la capacité de maintien en condition opérationnelle à la gendarmerie nationale à l'issue de la phase de déploiement du pilote, la société se limitant à fournir une structure de soutien (centre d'appel) ; que, dès lors, en rejetant comme non conforme son offre, dont elle a examiné précisément le contenu, l'administration n'a pas commis d'erreur de droit ; Considérant que la seule circonstance que l'administration a demandé à certains candidats au marché, ainsi que l'y autorisait l'article 64-I du code des marchés publics, des précisions sur la teneur de leur offre, n'est pas de nature à entraîner une méconnaissance de l'égalité entre les candidats ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Electronic Data Systems n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du marché relatif à la modernisation des centres opérationnels et à la refonte de la chaîne de traitement du renseignement d'ordre public de la gendarmerie nationale engagée par le ministre de la défense ; que par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions que présente cette société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du 22 novembre 2006 du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris est annulée. Article 2 : La demande de la société Electronic Data Systems devant le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris est rejetée. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Electronic Data Systems et au MINISTRE DE LA DEFENSE.
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