Cour Administrative d'Appel de Paris, 2ème Chambre - formation B, 23/03/2007, 05PA00915, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2005, présentée pour la SOCIETE DOCKS, dont le siège est 150, rue Saint Maur Paris (75011), par Me G. CASSIN ; La SOCIETE DOCKS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°9912623/2 du 17 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1994 et 1995 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juin 1994 au 31 décembre 1995 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2007 :

- le rapport de Mme de Lignières, rapporteur,

- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation… » ;

Considérant d'une part, que la société DOCKS soutient que l'administration a insuffisamment motivé la notification de redressements datée du 2 mai 1997 dans la mesure où elle n'indique pas les raisons pour lesquelles le vérificateur a rejeté sa comptabilité comme irrégulière et non probante ; que cependant, il résulte des termes mêmes de cette notification que celle-ci relève le défaut de justificatifs de recettes, l'absence de la billeterie réglementaire, le caractère incomplet de l'inventaire des stocks, l'absence de comptabilisation de certaines charges et d'avantages en nature offerts au personnel ; que ces précisions étaient suffisantes pour permettre à la société de connaître les motifs qui ont conduit le vérificateur à écarter sa comptabilité et d'être à même de formuler des observations sur ce point ;

Considérant d'autre part, que si la société a entendu affirmer que l'administration aurait effectué à tort une vérification de sa comptabilité concernant l'année 1996 qui se trouve en dehors de la période vérifiée, il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est borné à examiner, pour reconstituer les chiffres d'affaires des seules années 1994 et 1995, les bandes enregistreuses de la billetterie installée par la société à compter de juillet 1996 ; que, ce faisant, le vérificateur s'est limité à se référer, pour établir ses redressements, à des pièces comptables afférentes à une année postérieure à la période vérifiée, ce qui était admissible dès lors que la société n'a pu présenter de justificatifs probants relatifs aux exercices vérifiés ; qu'en procédant de la sorte, le vérificateur n'a effectué aucun redressement au titre de l'exercice 1996 ; que ce moyen manque donc en fait ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application à la société DOCKS des dispositions de l'article 290 quater du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 290 quater du code général des impôts : «I. Dans les établissements de spectacles comportant un prix d'entrée, les exploitants doivent délivrer un billet à chaque spectateur avant l'entrée dans la salle de spectacles (…) II. Lorsqu'ils ne délivrent pas de billet d'entrée en application du I., les exploitants de discothèques et de cafés-dansants sont tenus de remettre un ticket émis par une caisse enregistreuse » ; et qu'il résulte des dispositions des articles 261 E et 261 G du même code que ne sont pas soumis à l'impôt sur les spectacles mais sont soumis à la TVA les droits d'entrée pour les séances au cours desquelles des oeuvres cinématographiques ou vidéographiques à caractère pornographique sont représentées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société qualifiait sur ses documents publicitaires son activité de « vidéoclub », que le contrôle sur place a permis de constater que la SARL DOCKS était un club privé projetant en permanence sur quatre écrans de télévision à partir de supports vidéo des films à caractère pornographique homosexuel et qu'elle mettait à disposition de ses clients un bar où elle diffusait de la musique de danse qui n'était pas assimilable, en raison de son volume sonore, à de la musique d'ambiance ; que la société requérante demandait à sa clientèle de lui régler un droit d'entrée pour avoir accès à l'intérieur de l'établissement et bénéficier des projections vidéo et du bar ; que compte tenu de ces éléments, cet établissement était assimilable d'une part à un exploitant de spectacles et d'autre part à une discothèque et que la société requérante était soumise aux dispositions de l'article 290 précitées du code général des impôts à raison de ces deux activités ; qu'il est constant que la société requérante n'était dotée, devant la période vérifiée, ni d'une billetterie, ni d'une caisse enregistreuse ;

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 54bis du code général des impôts : « Les contribuables visés à l'article 53 A (…) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel » ; qu'aux termes des dispositions de l'article 223 du même code : « …Les personnes morales et associations passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues aux mêmes obligations que celle prévues aux articles 54bis et 54 quater » ; qu'aux termes des dispositions de l'article 290 quater du même code : « I. Dans les établissements de spectacles comportant un prix d'entrée, les exploitants doivent délivrer un billet avant l'entrée dans la salle de spectacles… » ;

Considérant que si la société DOCKS soutient que le vérificateur a écarté à tort comme irrégulière et non probante sa comptabilité, il résulte de l'instruction, et en particulier des termes de la notification de redressements, que l'administration a établi que cette comptabilité était entachée d'erreurs graves et répétées ainsi que de lacunes importantes justifiant ce rejet ; que comme il a été dit plus haut, un établissement comportant un bar, une salle dans laquelle sont projetés des films sur plusieurs écrans vidéo et diffusant, à forte puissance, de la musique de danse, relève des dispositions de l'article 290 quater susvisé et est tenu de ce fait de tenir une billetterie ou d'être équipé d'une caisse enregistreuse réglementaire ; que dès lors, c'est à bon droit que la comptabilité de la requérante a été rejetée ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

Considérant que pour contester la méthode retenue par l'administration pour reconstituer son chiffre d'affaires, pour démontrer l'exagération du chiffre d'affaires ainsi reconstitué et pour proposer une méthode alternative qu'elle estime plus fiable, la société DOCKS n'articule devant la cour aucun moyen autre que ceux développés en première instance ; qu'il ressort de l'instruction que, pour les mêmes motifs que ceux contenus dans le jugement attaqué, aucun des moyens de la société DOCKS ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE DOCKS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1994 et 1995 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juin 1994 au 31 décembre 1995;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SOCIETE DOCKS la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE DOCKS est rejetée. La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 05PA00915




Retourner en haut de la page