Cour Administrative d'Appel de Versailles, 4ème Chambre, 24/04/2007, 05VE01389, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2005 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société anonyme SOMARO qui a son siège 3 rue des Beaunes à Chatou (78403), représentée par son président directeur général, par Me Maÿlis Motte, avocat au barreau de Paris ;

La société SOMARO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0104323 en date du 14 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige s'élevant à 107 098,48 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle indique qu'elle renonce à contester le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dégrèvement relative à la TVA afférente aux frais de logement des salariés et des dirigeants ; que le litige soumis à l'appréciation de la cour porte désormais sur les conditions de mise en oeuvre de la péremption du droit à déduction prévue à l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts ; que l'administration fiscale a contesté à tort la déduction opérée au cours de l'année 1995 de la TVA facturée sur les dépenses de représentation et de réception engagées par elle au cours des exercices 1991 et 1992, effectuée sur la base de factures rectificatives émises par ses fournisseurs en 1995 ; que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif le droit à déduction a pour point de départ la date de production de la facture mentionnant la taxe, ainsi que l'a jugé la cour de justice des communautés européennes dans un arrêt du 29 avril 2004, Terra Baubedarf-Handel, affaire n° 152-02 ; que ce droit à déduction doit ainsi être exercé au titre de la période de déclaration au cours de laquelle sont réunies les deux conditions requises par l'article 17 de la 6° directive, à savoir que la livraison des biens ou la prestation de services ait été effectuée et que l'assujetti soit en possession de la facture ou du document qui, selon les critères fixés par l'Etat membre concerné, peut être considéré comme en tenant lieu ; qu'aucune marge d'appréciation n'est laissée aux Etats membres quant à la date à laquelle le droit à déduction doit être exercé ; que le principe de neutralité de la TVA applicable aux opérateurs économiques suppose que la péremption du droit à déduction soit strictement limitée ; que les documents émis en 1995 ne présentent pas le caractère de factures rectificatives au sens du 3° de l'instruction administrative 3 D-1228, mais sont des factures ouvrant droit à déduction de la taxe ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2007 :

- le rapport de M. Evrard, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société SOMARO relève appel du jugement en date du 14 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995 et qui ont pour origine la remise en cause du droit à déduction, en 1995, de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures rectificatives établies en 1995 et relatives à des dépenses exposées par la société avant le 1er janvier 1993 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la de la sixième directive du conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 : « 1. Le droit à déduction prend naissance au moment ou la taxe déductible devient exigible. 2. Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a. La taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti ; (…) ; qu'aux termes de l'article 217 ; qu'aux termes de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts : «  1. Les entreprises doivent mentionner le montant de la taxe dont la déduction leur est ouverte sur les déclarations qu'elles déposent pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette mention doit figurer sur la déclaration afférente au mois qui est désigné aux articles 208 à 217. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission ... » ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions susmentionnées de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, interprétées conformément aux objectifs de la sixième directive et notamment du 1. de l'article 17 précité, que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses d'un assujetti est ouvert à compter du moment où la taxe devient exigible entre les mains de son fournisseur ; que la circonstance que l'article 18 de la sixième directive, qui porte sur les modalités d'exercice du droit à déduction de la taxe, prévoit que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée est subordonnée à la détention d'une facture est sans incidence sur la naissance et l'étendue du droit à déduction mentionné à l'article 17 de la même directive et, par conséquent, sur l'application des dispositions de l'article 224 de l'annexe II ; que, dans ces conditions, la réception d'une facture conforme, telle que mentionnée à l'article 223 de l'annexe II au code général des impôts est elle-même sans incidence sur le délai mentionné à l'article 224 dans lequel un assujetti peut exercer son droit à déduction, sans que cette circonstance méconnaisse les objectifs de la sixième directive ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 224 de l'annexe II précité, la taxe dont la déduction a été omise sur la déclaration afférente aux mois au titre desquels elle était déductible, ne peut figurer, à condition de faire l'objet d'une inscription distincte, que sur les déclarations déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de l'omission ; qu'ainsi, la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des notes de frais dont les dépenses avaient été exposées avant le 1er janvier 1993 ne pouvait être admise en déduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice 1995, dans la mesure où il est constant qu'elle n'a pas été déclarée dans les conditions prévues par l'article 224 précité faute d'avoir fait l'objet d'une inscription distincte sur les déclarations de chiffre d'affaires ; que l'établissement de factures rectificatives postérieurement au délai de déclaration n'est pas de nature à modifier le fait générateur et les conditions d'exigibilité de l'impôt tels que définis à l'article 269 du code général des impôts et, par suite, les conditions d'ouverture du droit à déduction à la taxe sur la valeur ajoutée mentionnées à l'article 271 du même code ; que c'est par suite à bon droit que l'administration n'a pas admis, au titre de l'année 1995, la déduction de taxe sur la valeur ajoutée acquittée antérieurement au 1er janvier 1993 pour un montant de 723 780 F ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en décharge ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais exposés dans la présente instance doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société SOMARO est rejetée.

N° 05VE01389 2




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