Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 26/07/2006, 278953, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 25 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MORRY-FRANCE SA, dont le siège est Les Prés de Lanluet Golf de Feucherolles à Feucherolles (78810) ; la SOCIETE MORRY-FRANCE SA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 18 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Versailles, après avoir dit qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur les sommes dégrevées en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa requête tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe foncière mise à sa charge pour les années 2000 et 2001 ;

2°) de faire droit à sa demande de décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE MORRY-FRANCE SA,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;





Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE MORRY-FRANCE SA a été imposée à la taxe foncière sur les propriétés bâties pour un terrain de golf dont elle est propriétaire à Feucherolles dans les Yvelines ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une contestation portant sur le montant des cotisations mises à sa charge au titre des années 2000 et 2001 ; qu'elle se pourvoit contre le jugement du 18 janvier 2005 du tribunal administratif de Versailles, en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions fondées sur la contestation de l'évaluation du terrain de golf ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 324 AB de l'annexe III du code général des impôts : lorsque les autres moyens font défaut, il est procédé à l'évaluation directe de l'immeuble en appliquant un taux d'intérêt à sa valeur vénale telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation. Le taux d'intérêt susvisé est fixé en fonction du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour les immeubles similaires ; que pour écarter le moyen tiré de ce que l'administration n'avait pu légalement appliquer, pour l'évaluation de la valeur locative des terrains de golf de la SOCIETE MORRY-FRANCE SA, un taux d'intérêt de 8 %, le tribunal administratif a jugé que ce taux n'est pas manifestement disproportionné ; qu'en ne recherchant pas si ce taux avait été fixé conformément aux dispositions de l'article 324 AB susvisé, le tribunal administratif n'a pas donné de base légale à son jugement ; que, par suite, la SOCIETE MORRY-FRANCE SA est fondée, dans les limites de ses conclusions, à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 1381 du code général des impôts, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties 5° les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel ; qu'il résulte de cette disposition que les terrains de golf à usage commercial sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties ; que la société fait valoir qu'une partie des terrains, objets de la cotisation contestée, n'est pas incluse dans le parcours de golf et demande à ce titre leur exclusion de l'assiette ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les terrains limitrophes ne sont pas séparés dudit parcours, sont librement accessibles aux joueurs et concourent à l'harmonie du site dans lequel s'effectue ce parcours ; que, par suite, ils doivent être regardés comme partie intégrante du golf et taxés dans la même catégorie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1°. Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a) Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b) La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date ; soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3°) A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ;

Considérant que la SOCIETE MORRY-FRANCE SA demande l'application de la méthode de comparaison prévue au 2° de l'article 1498 susvisé sans se prévaloir d'aucun local-type comparable susceptible de permettre l'évaluation des biens en cause ; que l'administration, pour sa part, n'a pas proposé de terme de comparaison approprié ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins de demander au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la SOCIETE MORRY-FRANCE SA de rechercher dans la commune de Feucherolles ou dans une commune présentant, du point de vue économique, une situation analogue des terrains de golf similaires, évalués conformément aux dispositions du 2° b de l'article 1498 susvisé et susceptibles de servir de terme de comparaison ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 18 janvier 2005 du tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il rejette les conclusions fondées sur la contestation de l'évaluation du terrain de golf de la SOCIETE MORRY-FRANCE SA.

Article 2 : Il sera procédé à un supplément d'instruction, en vue de rechercher s'il existait au 1er janvier 1970 des immeubles similaires au terrain de golf exploité par la SOCIETE MORRY-FRANCE SA, dans la commune de Feucherolles ou dans une commune présentant, du point de vue économique, une situation analogue, susceptibles de servir de termes de comparaison pour déterminer la valeur locative de ce terrain de golf.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MORRY-FRANCE SA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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