Conseil d'Etat, 3ème et 8ème sous-sections réunies, du 2 juin 2006, 266507, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat, 3ème et 8ème sous-sections réunies, du 2 juin 2006, 266507, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat - 3EME ET 8EME SOUS-SECTIONS REUNIES
statuant
au contentieux
- N° 266507
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
02 juin 2006
- Président
- M. Martin
- Rapporteur
- M. Edouard Crépey
- Avocat(s)
- SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 avril et 13 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pascal A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 2 février 2004 par laquelle le président de la 5ème chambre B de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté comme irrecevable sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 26 juin 2003 rejetant ses demandes en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement de 2 % auxquels il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du 26 juin 2003 et de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edouard Crépey, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. La requête ( ) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A a présenté, dans le délai de recours, devant la cour administrative d'appel de Paris, un mémoire d'appel qui faisait précéder la reproduction littérale de son mémoire de première instance d'une énonciation, synthétique mais précise, des critiques adressées tant aux suppléments d'impôt dont la décharge était demandée qu'au raisonnement tenu par les premiers juges ; qu'une telle motivation répondait aux conditions de recevabilité posées par les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, en rejetant cette requête comme irrecevable au motif qu'elle ne comportait aucun élément nouveau, le président de la 5ème chambre B de la cour administrative d'appel de Paris a entaché son ordonnance d'erreur de droit ; que, par suite, M. A est fondé, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à en demander l'annulation ; Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, estimant que la SCI Maine Maurepas s'était livrée, au cours des exercices clos les 31 décembre 1995, 1996 et 1997, à des opérations justifiant qu'elle soit soumise à l'impôt sur les sociétés, a assigné à cette dernière des suppléments d'impôt à ce titre ; que, regardant, par application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, les bénéfices correspondants comme leur ayant été distribués, elle a en outre notifié à M. et Mme A, qui détenaient la totalité des parts de la SCI depuis le 1er janvier 1992, des redressements en matière d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre des années 1995 et 1997 ; qu'il en est également résulté des suppléments de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement de 2 %, ainsi que des intérêts de retard, au titre des années 1995, 1996 et 1997 ; Considérant que l'article 205 du code général des impôts soumet à l'impôt sur les sociétés les personnes morales désignées à l'article 206 ; que parmi ces dernières figurent, selon le 2 dudit article, les sociétés civiles qui se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ( ) ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : I. Présentent ( ) le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés ( ) ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Maine Maurepas, créée le 30 décembre 1975 pour une durée de trente ans, a immédiatement procédé à l'acquisition de dixsept appartements situés dans un même immeuble ; que seize de ces lots ont été cédés de manière échelonnée entre 1983 et 1997 ; que, parmi les autres biens acquis par la SCI, deux autres ont été revendus en 1983 et 1987 ; que, dès lors, la SCI doit être regardée comme ayant procédé de manière habituelle à des opérations d'achat et de revente de biens immobiliers ; Mais considérant que, contrairement à ce que soutient l'administration, il ne s'ensuit pas que l'intention spéculative de la société, à laquelle les dispositions précitées de l'article 35, I-1° subordonnent également l'application du régime des marchands de biens, doive être présumée ; qu'une telle intention doit être recherchée à la date d'acquisition par la société des immeubles ultérieurement revendus et non à la date de leur cession ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que les biens immobiliers concernés n'ont, jusqu'à leur revente, jamais cessé d'être mis en location, conformément d'ailleurs à l'objet social de la SCI Maine Maurepas ; que les premières ventes n'ont été réalisées par la SCI que huit ans après l'acquisition des biens correspondants - qui avait d'ailleurs été financée par un emprunt à long terme - et pour des motifs liés à des difficultés de trésorerie ; que six de ces cessions ne sont intervenues que plus de vingt ans après l'achat des lots en cause ; que les autres immeubles ultérieurement acquis par la SCI sont toujours en location ; que, dans ces conditions, les cessions litigieuses ne sauraient être regardées comme résultant du dénouement d'opérations spéculatives entrant dans les prévisions des dispositions précitées du I de l'article 35 du code général des impôts ; que la circonstance que M. et Mme A, qui n'étaient pas au nombre des associés initiaux, ont acquis, en 1987 et 1992, une partie puis la totalité des parts de la SCI Maine Maurepas dans une intention spéculative, et que M. A a, contrairement aux associés initiaux, la qualité de marchand de biens, est sans incidence sur l'appréciation de l'existence d'une intention spéculative de la SCI en vue de déterminer si son activité pourrait être requalifiée aux fins de la faire entrer dans le champ de l'impôt sur les sociétés ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles et la décharge des impositions qu'il avait contestées dans la demande qu'il lui avait présentée le 10 mars 2001 ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée à ce tribunal le 20 mai 2000 et qui tendait à la décharge d'une partie des mêmes impositions ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A tant en appel qu'en cassation, et non compris dans les dépens ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du président de la 5ème chambre B de la cour administrative d'appel de Paris en date du 2 février 2004 est annulée. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 26 juin 2003 est annulé. Article 3 : M. A est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1995 et 1997, des suppléments de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement de 2 % auxquels il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997, ainsi que des pénalités correspondantes. Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée le 20 mai 2000 au tribunal administratif de Versailles. Article 5 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Pascal A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. La requête ( ) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A a présenté, dans le délai de recours, devant la cour administrative d'appel de Paris, un mémoire d'appel qui faisait précéder la reproduction littérale de son mémoire de première instance d'une énonciation, synthétique mais précise, des critiques adressées tant aux suppléments d'impôt dont la décharge était demandée qu'au raisonnement tenu par les premiers juges ; qu'une telle motivation répondait aux conditions de recevabilité posées par les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, en rejetant cette requête comme irrecevable au motif qu'elle ne comportait aucun élément nouveau, le président de la 5ème chambre B de la cour administrative d'appel de Paris a entaché son ordonnance d'erreur de droit ; que, par suite, M. A est fondé, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à en demander l'annulation ; Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, estimant que la SCI Maine Maurepas s'était livrée, au cours des exercices clos les 31 décembre 1995, 1996 et 1997, à des opérations justifiant qu'elle soit soumise à l'impôt sur les sociétés, a assigné à cette dernière des suppléments d'impôt à ce titre ; que, regardant, par application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, les bénéfices correspondants comme leur ayant été distribués, elle a en outre notifié à M. et Mme A, qui détenaient la totalité des parts de la SCI depuis le 1er janvier 1992, des redressements en matière d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre des années 1995 et 1997 ; qu'il en est également résulté des suppléments de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement de 2 %, ainsi que des intérêts de retard, au titre des années 1995, 1996 et 1997 ; Considérant que l'article 205 du code général des impôts soumet à l'impôt sur les sociétés les personnes morales désignées à l'article 206 ; que parmi ces dernières figurent, selon le 2 dudit article, les sociétés civiles qui se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ( ) ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : I. Présentent ( ) le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés ( ) ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Maine Maurepas, créée le 30 décembre 1975 pour une durée de trente ans, a immédiatement procédé à l'acquisition de dixsept appartements situés dans un même immeuble ; que seize de ces lots ont été cédés de manière échelonnée entre 1983 et 1997 ; que, parmi les autres biens acquis par la SCI, deux autres ont été revendus en 1983 et 1987 ; que, dès lors, la SCI doit être regardée comme ayant procédé de manière habituelle à des opérations d'achat et de revente de biens immobiliers ; Mais considérant que, contrairement à ce que soutient l'administration, il ne s'ensuit pas que l'intention spéculative de la société, à laquelle les dispositions précitées de l'article 35, I-1° subordonnent également l'application du régime des marchands de biens, doive être présumée ; qu'une telle intention doit être recherchée à la date d'acquisition par la société des immeubles ultérieurement revendus et non à la date de leur cession ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que les biens immobiliers concernés n'ont, jusqu'à leur revente, jamais cessé d'être mis en location, conformément d'ailleurs à l'objet social de la SCI Maine Maurepas ; que les premières ventes n'ont été réalisées par la SCI que huit ans après l'acquisition des biens correspondants - qui avait d'ailleurs été financée par un emprunt à long terme - et pour des motifs liés à des difficultés de trésorerie ; que six de ces cessions ne sont intervenues que plus de vingt ans après l'achat des lots en cause ; que les autres immeubles ultérieurement acquis par la SCI sont toujours en location ; que, dans ces conditions, les cessions litigieuses ne sauraient être regardées comme résultant du dénouement d'opérations spéculatives entrant dans les prévisions des dispositions précitées du I de l'article 35 du code général des impôts ; que la circonstance que M. et Mme A, qui n'étaient pas au nombre des associés initiaux, ont acquis, en 1987 et 1992, une partie puis la totalité des parts de la SCI Maine Maurepas dans une intention spéculative, et que M. A a, contrairement aux associés initiaux, la qualité de marchand de biens, est sans incidence sur l'appréciation de l'existence d'une intention spéculative de la SCI en vue de déterminer si son activité pourrait être requalifiée aux fins de la faire entrer dans le champ de l'impôt sur les sociétés ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles et la décharge des impositions qu'il avait contestées dans la demande qu'il lui avait présentée le 10 mars 2001 ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée à ce tribunal le 20 mai 2000 et qui tendait à la décharge d'une partie des mêmes impositions ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A tant en appel qu'en cassation, et non compris dans les dépens ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du président de la 5ème chambre B de la cour administrative d'appel de Paris en date du 2 février 2004 est annulée. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 26 juin 2003 est annulé. Article 3 : M. A est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1995 et 1997, des suppléments de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement de 2 % auxquels il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997, ainsi que des pénalités correspondantes. Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée le 20 mai 2000 au tribunal administratif de Versailles. Article 5 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Pascal A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.